Les étoiles hôtelières ont filé

Les étoiles hôtelières ont filé

C'est un fait, le nombre d’étoiles attribuées à un hébergement n’a plus d’importance pour les clients de 2021. Ce critère, sans harmonisation internationale, est remplacé par les notes, les photos et par les avis, si possible réactifs, fondés sur l’expérience des usagers et non le jugement des inspecteurs. Le digital prend le dessus, mais les étoiles vont rester, en s’adressant à une clientèle de niche... qui cherche aussi ses prochaines étoiles.

"La clientèle hôtelière ne s’intéresse plus aux étoiles", affirme sans sourciller le "Panorama sur les chaînes hôtelières intégrées en France", publié fin août par Coach Omnium. Cette étude montre une dégringolade de l’ancien critère suprême, sous l’effet d’Internet et des OTAs.

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La clientèle hôtelière ne s’intéresse donc presque plus aux étoiles et ce n’est pas une tendance passagère. Parmi les 14% qui composent le dernier carré de fidèles figurent 8 % des seniors, ce qui semble logique, car cette génération a connu les plus belles années du règne étoilé. Pour les clients, "la gamme est à présent déterminée par le prix, comme pour tout autre bien ou prestation", affirme l’étude.

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Les étoiles ont perdu du poids et de la lueur

Depuis quelques années, les notations par étoiles perdent en fiabilité et en crédibilité, souvent bousculées par les propriétaires eux-mêmes.

Les chaînes Ibis et Campanile, dotées de 3 étoiles selon les normes modifiées en 2009, ne jouissent pas pour autant du statut d’hôtellerie de milieu de gamme, elles “restent des offres économiques”, observe Coach Omnium.

La notion de gamme s'est détachée du classement officiel ! Depuis la classification établie par Atout France en 2009, comportant la création d’une sixième étoile pour le classement des hôtels de luxe, l’immense majorité des chaînes ont demandé à leurs enseignes d’obtenir une étoile supplémentaire, de sorte que la grande confusion s’est installée : "Dans la majorité des cas, aucune prestation n’a été enrichie pour justifier de l’apport d’un classement supérieur".

Si le luxe et le haut de gamme continuent globalement de profiter de 5 étoiles justifiées, c’est pour les catégories inférieures que le doute s’est installé. Cela ressemble aux examens universitaires dont la hausse est boostée pour l’ensemble des étudiants, afin de réajuster l’ensemble, produire une promotion acceptable… tout en faussant la valeur du diplôme final.

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Une cacophonie internationale sur les étoiles

Chacun le sait ! Un établissement 2 étoiles en France, en Italie et en Thaïlande, ce n’est pas pareil ! Il n’existe pas de normes internationales concernant l’attribution d’étoiles aux hôtels. Chaque pays a ses propres règles et critères, et, au mieux, certains systèmes sont relativement proches les uns des autres.

  • France : les étoiles, de 0 à 5, sont délivrées par les préfets, selon une liste de critères bien définis. Depuis 2013, tout hébergement peut prétendre à être classé, indépendamment de son nombre de chambres, mais cela n'est plus obligatoire. Plus de 300 critères sont considérés (qualité du service, garantie de réservation, courtoisie, sécurité, confort, emplacement de l’établissement etc). Ces critères sont "seulement" au nombre de 112 pour les meublés de tourisme.

  • Italie : il est recommandé d’enlever 1 étoile pour convertir la classification au système français.

  • Thaïlande : c’est l’inverse. Avec 2 ou 3 étoiles, c’est déjà du haut-de-gamme.

  • Royaume-Uni et Espagne : les critères sont assez proches des français.

  • Maroc et Tunisie : réglementation identique à la loi française, mais avec moins de contrôles.

  • USA : les chaînes étant très nombreuses, les clients font davantage confiance au nom d’une enseigne qu’à ses étoiles. Le classement s’exprime en diamants, et pas en étoiles. 1 diamant correspondant aux indépendants, 5 diamants aux hôtels de luxe.

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Qui et quoi croire pour remplacer les étoiles ?

Les sites internet d'avis de consommateurs, comme Tripadvisor, ont modifié en profondeur les comportements et le prix est devenu la référence.

Dans ce contexte, l’utilité des étoiles est questionnée, même si l’affaire qui a opposé Google à la justice, en février 2021, a révélé que l’on ne s’amuse pas avec elles et que leur symbole reste une référence.

Le géant américain a dû s’acquitter de 1,1 millions d’euros d’amende en France pour avoir utilisé le système des étoiles, selon ses propres critères, différents de ceux d’Atout France (dont le classement officiel est issu de la contribution financière des hôteliers).

Si Google avait utilisé un autre symbole, comme le font les OTAs, aucune "affaire Google" n’aurait éclaté. Coach Omnium analyse cruellement cet épisode : "Si les hôteliers avaient moins d’étoiles chez Google que celles inscrites sur leur panonceau, cela peut être compris comme le fait que le classement officiel n’est pas fiable et que seul l’avis des clients — ce que nous pensons — est crédible". En somme, le jugement des "gens" serait plus important que celui des professionnels du jugement, qui partagent des intérêts avec les propriétaires... Toute ressemblance avec les actuels désirs de référendums (en opposition aux choix des élites) serait fortuite !

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Le critère des étoiles a vite été relégué par d’autres approches, qui ressemblent à celles des professeurs d’école, sans être puériles.

Chez Booking, par exemple, où l’on note sur 10, le 9 correspond à "fabuleux" (10 % en moyenne des hôtels ont 9/10 et plus). Un hébergement noté 8,9 est "superbe", 8,4 correspond à "très bien" et 7,9 à "bien". Le champion des OTAs est facilement enthousiaste (il ne va pas se saborder !) mais les commentaires des clients peuvent tempérer cette exaltation. Le mix des deux critères produit l’estimation personnelle que le client effectue selon ses propres déductions, sa sensibilité, son expérience. Traduire ces impressions en étoiles serait réducteur.

Notes les plus basses attribuées sur...
Booking 6/10
Expedia 2/5
Tripadvisor 2/5

Coach Omnium "traduit" ces critères en appréciations :

  • Sur Booking, une note médiane inférieure à 8/10 est moyenne à médiocre. Un résultat de 8,5 à 8,9/10 est bien, plus de 9 est très satisfaisant et avec 9,5/10, on atteint l’excellence.

  • Sur Expedia et Tripadvisor, le niveau "moyen à médiocre" est atteint si l’on descend en dessous de 3,5/5. Au-dessus, on franchit vite les marches de la qualité, puis du nirvana.

Certaines chaînes, comme B&B Hôtels, ont abandonné toute classification depuis bientôt 10 ans, tout en misant sur la réputation de leurs marques. Dans d’autres cas, on utilise un critère qui se "décline" des étoiles : ce sont les "épis" (de 1 à 5) chez Gîtes de France, le même nombre de "clés" chez Clévacances… sans compter les labels, qui sont une garantie de confiance sur des valeurs plus ou moins identifiées par les voyageurs : Fleurs de Soleil, Accueil Paysan, Bienvenue à la ferme, Gîtes Panda, Bedbreak, Clef verte, Ecolabel etc.

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Richard Holden, vice-président des Produits de voyage chez Google © Google

La revanche de Google depuis septembre: le label durable

Sans faire fi des "étoiles", les grands du voyage estiment qu'ils doivent élargir le spectre de jugement ailleurs, Depuis fin septembre, par exemple, Google propose de nouveaux outils et fonctionnalités qui aident les consommateurs à repérer les hébergements engagés dans le développement durable, selon les critères des organisations Green Key et EarthCheck.

Un "badge éco-certifié" apparaît à côté des adresses visées. Ce n’est évidemment pas une note, mais une certification qui a du sens pour les publics sensibles. "Nous avons créé une nouvelle équipe d'ingénieurs, de concepteurs et de chercheurs axés uniquement sur la durabilité des voyages", indique Richard Holden, vice-président des Produits de voyage de la firme. Les propriétaires qui souhaitent être distingués peuvent ajouter leurs prestations sur leur compte Google My Business.

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Points clés à retenir :

Les étoiles hôtelières sont clairement dépassées, faute de système universel, mais elles ne sont pas mortes. Elles vont certainement conserver leur importance dans l'hôtellerie de standing, car parler d’un "4 étoiles" ou d’un "5 étoiles" a du sens dans l’imaginaire collectif, même chez les plus jeunes. En dessous, cela devient plus flou ...

En parallèle, les campings ont adopté en 2012 le barème des étoiles, et leur communication dédiée, génératrice de flux, fait (re)vivre avec vigueur cette notion un peu trop vite enterrée.

Mais l’essentiel du marché de l’hébergement évolue désormais dans une autre galaxie : le digital, moins tranchant et moins restrictif que les étoiles, offre la possibilité des avis et des nuances. Surtout, il colle "au temps réel": la (e)reputation d'une adresse peut changer du tout au tout en quelques jours alors que les étoiles de l'établissement lui sont conservées plus durablement, soit 5 ans, en France ... L’accélération du temps procurée par le digital, avec des attentes de consommation en conséquence, rend les étoiles archaïques... mais elles ne sont pas mortes pour autant, notamment dans les établissements de luxe où la clientèle reste attachée à sa réservation en "5 étoiles"...