La montagne aura sa saison 2021 et élabore déjà son futur

Le gouvernement est clair : il y aura bien une saison d'hiver 2021 et ... sans "Pass Sanitaire" pour accéder aux remontées mécaniques. Ces annonces redonnent de l'air aux pros du secteur qui ont mis à profit cette période "sans skieurs" pour imaginer la montagne de demain lors des "Etats généraux de la transition du tourisme en montagne". Tourisme quatre saisons, alternatives au ski, mobilités décarbonées et autres aspects découlent de ce forum consacré aux enjeux économiques et environnementaux de nos régions d’altitude. La montagne n’accouche pas d’une souris, mais les politiques de long terme, sur un périmètre immense, doivent devenir compatibles avec l’existant, qui les anticipe déjà.

Sous un intitulé ambitieux, les "États généraux de la transition du tourisme en montagne" ont eu lieu les 23 et 24 septembre, en distanciel. Cet événement s’inscrivait dans le cadre de la Présidence française de la Stratégie de l’Union Européenne pour la Région Alpine (SUERA), mais il visait aussi les autres massifs de notre pays. 100 intervenants, 1200 professionnels et élus participant dans les territoires, 31 ateliers territoriaux dans les Alpes, le Jura et les Pyrénées et 50 initiatives sur tous les massifs résument ces journées de réflexion.

Ce grand forum en "mode lab", comme un grand laboratoire, n’avait pas vocation à se pencher sur l’immédiat. Il n’a, cependant, pas fait oublier le besoin de reconquête immédiate, après un hiver 2020-2021 cauchemardesque, illustré par des pertes astronomiques de chiffre d’affaires (on parle de plus de 1 Milliards).

Pour 2021-2022, le secteur est rassuré car 25% des Français vont partir cet hiver même si 60% d'entre eux ne savent pas encore où, selon l’agence Savoie Mont Blanc. En tous les cas, 60 % (bis) de ces indécis choisiront la montagne !

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© Etats généraux du tourisme en montagne

Le court terme, c’est la "saison historique" 2021-2022

Le pass sanitaire doit sauver la saison des stations de ski, qui s’annonce "très bonne" selon Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d'Etat chargé du Tourisme.

Après la fermeture des remontées mécaniques l'hiver dernier, les professionnels de la montagne souhaitent que la situation s’éclaircisse : le QR code salvateur devra-t-il être présenté à l’entrée des stations ou des télécabines ? Les pass présentés par les skieurs étrangers seront-ils acceptés ? "Toutes ces questions restent en discussion", précise l'optimiste ministre : "Nous sentons qu'il y a une envie de montagne. Les professionnels s'attendent à une très bonne saison, on pourrait aller vers une saison historique !", a-t-il déclaré le 20 septembre.

L’amélioration de la situation sanitaire et le taux de couverture vaccinale "très important" promettent une belle revanche, surtout si la météo est de la partie. Cette prévision tranquillise les acteurs de l’économie touristique la plus concrète.

Les 12 orientation des États généraux

Ces journées d’échange décentralisées dans chacune des régions concernées ont permis de faire consensus, sur une vision localisée et d’ensemble.

Le modèle de développement de chaque territoire a été interrogé en fonction de ses forces et de sa "résilience face aux crises exogènes économique, sanitaire, climatique et des mutations structurelles attendues pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies", indique la déclaration finale.

Des décideurs économiques et politiques "aux points de vue différents, voire opposés", se sont accordés sur une "volonté commune d’avancer ensemble pour imaginer la montagne de demain", précise ce méga-groupe de travail.
La "déclaration commune" énoncée en fin d’événement indique les grandes orientations de cette remise à plat du potentiel touristique, des difficultés et des espoirs de nos zones d’altitude. Ce document contient 12 "actions structurantes pour une transition réussie du tourisme en montagne et des orientations vers des “actions prioritaires".

    1. En prévision du changement climatique, construire des pistes renouvelées pour un développement touristique assurant une vie économique pérenne, créer des emplois, améliorer les conditions de vie des habitants tout en préservant l’environnement.
    1. Inscrire le tourisme dans une approche territoriale de développement, en complémentarité avec les autres activités, pour assurer à la montagne son attractivité comme lieu de vie et de villégiature.
    1. Défendre la "pluriactivité et la polycompétence" pour penser la montagne de demain, en précisant son statut, en favorisant sa mise en œuvre, et en revalorisant son image sociale.
    1. Accompagner les activités "neige" et les modes de ski de projets innovants en lien étroit avec la nécessaire transition climatique et environnementale, dans une perspective de viabilité économique et sociale.
    1. Définir, à l’échelle territoriale, des indicateurs de transition pour se donner des objectifs mesurables et atteignables, suivre les évolutions et effets des politiques publiques engagées.
    1. Diminuer l’impact environnemental du tourisme de montagne par une mobilité "plus durable, douce et décarbonée". Agir sur l’isolation thermique des bâtiments et l’efficacité énergétique, une alimentation plus respectueuse de l’environnement et issue de circuits courts, protéger la biodiversité et les ressources naturelles.
    1. Rendre cette transition raisonnable et économiquement viable par une maîtrise accrue du foncier dans le cadre de l’objectif européen visant à l’arrêt de "toute augmentation nette de la surface de terre occupée" d’ici 2050.
    1. Retrouver les moyens de faire découvrir au plus grand nombre, et notamment à la jeunesse, la montagne dans toute sa diversité (...) en aidant au financement des centres de loisirs ouverts à tous.
    1. Encourager des dispositifs de formation et de recherche innovants pour accompagner les besoins liés à la transition.
    1. Contribuer à l’évolution du cadre législatif et réglementaire afin de favoriser notamment le développement du "tourisme quatre saisons".
    1. Favoriser l’utilisation de l’ensemble des fonds européens de la nouvelle période 2021-2027 comme ceux du programme Interreg, des conventions de massif, des contrats de plan Etat-région, au profit des innovations nécessaires pour porter cette transition.
    1. Œuvrer pour accroître les synergies entre stratégies locales, régionales, nationales, transfrontières et européennes transnationales pour assurer une cohérence globale, notamment dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe.

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Les limites de l’exercice

Les Etats généraux du Tourisme en montagne, enrobés dans une vision administrative, signifient que les pouvoirs publics ont pris la mesure des enjeux généraux.

La "déclaration finale" inclut 34 signataires, dont Atout France, Domaines Skiables de France, la Fédération française de la montagne et de l'escalade, la Fédération française de la randonnée pédestre, trois ministères (Tourisme, Cohésion des territoires, Transition écologique) et trois régions (Auvergne-Rhône Alpes, Bourgogne Franche-Comté et PACA).

L’addition d’acteurs institutionnels, associatifs et socioprofessionnels de la montagne témoigne d’une envie de faire bloc. Cette grande réunion n’est qu’une étape, sur un long cheminement national et européen, mais de nombreux acteurs de terrain, propriétaires d’hébergements et des d’espaces de loisirs, porteurs de l’expertise naturelle de ceux qui vivent de la montagne, sont largement à l’oeuvre pour la réinventer. Ils anticipent le changement climatique en suggérant des activités alternatives au ski et engagent des actions marketing pour que le "tourisme 4 saisons" deviennent une habitude. L’implication quotidienne de ces acteurs, nécessairement locaux et spécialistes de leur zone de vie, ne dépend pas des engagements solennels.

Pour les Etats généraux, la prochaine étape est de porter les idées énoncées "devant les instances de la SUERA, de la Convention Alpine, devant le Conseil national de la montagne, les comités de massif, les collectivités territoriales, et soumises aux débats, locaux, nationaux et européen ainsi qu’au débat citoyen". L’espace de temps et le cadre géographique sont très larges… le "SUERA" englobe toutes les Alpes, soit 48 régions en France, Autriche, Allemagne, Italie, Slovénie, Suisse et au Liechtenstein !

Face aux intentions de développement territorial sur le long terme, une forte préoccupation est, par exemple, de conquérir dès-à-présent les nouvelles générations, même si "L’histoire d’amour entre les baby-boomers et le ski n’est pas terminée", concède Michaël Ruysschaert, DG de l’agence Savoie Mont Blanc.

"Les attentes principales de la jeune clientèle, qui se dit intéressée par la montagne, sont de faire des rencontres, de faire la fête… et de faire du ski !". Attirer les boardriders, qui pratiquent la glisse en hiver et en été, est un enjeu ultra-précis et réalisable, dans l’esprit "4 saisons" et le respect de la montagne durable. Ces stratégies sur des cas à extrapoler renvoient à la notion de plaisir. Profondément réalistes, porteuses de développement durable, elles sont un ingrédient indispensable pour que les engagements globaux reposent sur du solide.