Il y aura bien une saison d’hiver 2021-2022 !
L’hiver 2021-2022 pourrait être la revanche de l’hiver dernier, marqué par de fortes privations et des fermetures dans tous les sens. Attendons-nous, toutefois, à une saison très encadrée, sanitairement très contrainte, mais plus sûre, avec l’expérience d’un été qui reste très favorable aux stations de montagne. Si les indicateurs sont bons quant à l'ouverture hivernale des stations de ski, les professionnels de la montagne attendent de nombreuses précisions de la part du gouvernement ...
Le prochain gros challenge des hébergeurs est de réussir la saison d’hiver, avec la Toussaint comme repère intermédiaire. D’emblée, en dehors du paramètre météo (neige ou pas neige), la sécurité est garantie : "Le pass sanitaire, c’est le sésame pour l’hiver", estime Eric Journiat, le président de Vacancéole. Le bilan estival fait dire à ce professionnel que "le pass sanitaire ne nous a absolument pas ralenti, au contraire. C’est un élément rassurant pour nos clients (...) Ils n’avaient surtout pas envie de rater leurs vacances". La hausse de la vaccination empêchera que se reproduise la situation de l’hiver 2020, marquée par la fermeture des remontées mécaniques. Certains pros sont déjà très optimistes, mais la période décembre 2021-avril 2022, c’est-à-dire l’hiver au sens le plus large, reste encore à faire ... et il va falloir y voir clair le plus vite pour éviter le spectre d'une trop grande part de réservations de dernière minute.
Ce deuxième hiver sous Covid sera donc marqué par les restrictions sanitaires, mais sans les contraintes du précédent qui avait dû subir la dure fermeture des remontées mécaniques, tandis que le public ne s’est pas replié en masse sur les pistes de ski de fond… En bilan de cet hiver sinistré, l’Observatoire national des stations de montagne (ONSM) relève même une chute générale de 56% des nuitées, avec 98% pour les villages vacances, 82% pour les hôtels et "seulement" 30% pour les hébergements loués entre particuliers.
Même si la perspective d'un hiver "à-peu-près-normal" se déssine, les professionnels et les clients manquent de visibilité sur cette charnière 2021-22 et, tous, demandent des signaux rapides pour booster les réservations dès octobre prochain.
La leçon de l'été 2021 est utile : les réservations se sont multipliées dès que le gouvernement a fixé des perspectives; ce qui constitue un grand espoir pour cet hiver. Les voyageurs, sur la piste de départ, attendent donc le feu vert.
L'été 2021 a ouvert le bal du succès
Cet été, les stations de montagne se sont assuré un taux d’occupation de 56,5% (+7,3% par rapport à 2020, +10,5% par rapport à 2019). Cette performance est d'autant plus remarquable que l’été 2021 fait mieux que le dernier été pré-pandémique. Il a même connu un pic à 80,2% du 7 au 14 août.
Le bilan est "globalement positif" selon l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM), même si le détail révèle de fortes différences selon les massifs et les stations; les Pyrénées se distinguant grâce au thermalisme. Pass sanitaire, incertitudes calendaires, météo capricieuse, absence d’étrangers ? Ces 4 facteurs, au départ redoutés, n’ont pas été des handicaps.
On relève la superbe performance des petites stations et/ou de moyenne montagne (de 620 à 1250 m), qui présentent un taux d’occupation de 58,2% (+7,3%). Les stations dotées de moins de 5000 couchages ont profité de +13,3% et d’un taux d’occupation de 60,1%. Ce n’est pas un hasard, affirme Jean-Luc Boch, président de l’ANMSM : "La fréquentation de nos territoires est en hausse constante grâce aux efforts fournis par les stations pour être plus attractives et proposer des activités qui séduisent tous les publics". En somme, le covid a peut-être accéléré une mutation salutaire: celle d'une montagne qui réussit sa mutation vers le modèle 4 saisons. Et, toujours selon les spécialistes, non, en dépit de cette mutation profonde, aucun signe ne semble devoir freiner la période locomotive du secteur; c'est-à-dire, l'hiver. Toutefois, des interrogations subistent ...
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Les pros exigent de la visibilité
Pour cet hiver 2021-2022, justement, les interrogations sont nombreuses chez les pros, dans l’attente du "Plan Avenir Montagnes" doté de 650 millions d’euros, présenté en mai par Jean Castex.
Cette stratégie encore "bien nébuleuse", selon les pros du secteur, doit guider les territoires de montagnes vers les enjeux de la transition écologique et de la diversification touristique. L’Etat souhaite "l’émergence d’une nouvelle offre touristique, plus durable, plus résiliente, et adaptée à la diversité des territoires de montagnes", précise le ministère de la cohésion des territoires.
Mais avant cet horizon à 10 ans, l’urgence est à 100 jours : le président des Domaines Skiables de France, Alexandre Maulin, refuse une deuxième année blanche et presse le gouvernement : "Il est temps de passer à l'action". Autrement dit, il faut fixer les conditions d’accès aux stations, notamment les jauges maximales sur les remontées mécaniques. Être rapidement fixés sur cette question permettrait aussi de recruter, car la pénurie estivale de serveurs en restauration a créé un précédent peu rassurant pour les montagnards.
Pour les hébergeurs, le volet d’information attendu sur l'immobilier de loisirs est toujours "vide" car c'est le "grand flou", souligne Alexandre Maulin, qui espère aussi une vision à long terme de la montagne. Face à la désertion de certaines résidences de tourisme, il ajoute: "Nous avons besoin de solutions pour réchauffer les lits froids et remplir les objectifs du gouvernement sur la rénovation thermique". Les secrétariats d’Etat chargés du Tourisme et de la Ruralité sont aussi engagés sur ce chantier, leurs orientations sont attendues.
Des trains directs Londres-Alpes !
Le tourisme étranger est lentement de retour et certains acteurs sont motivés pour accélérer les processus à l'instar de la ligne ferroviaire privée qui va relier, dès cey hiver, Londres à 12 stations des Alpes françaises, tous les week-ends de la saison de ski 2021-2022.
Cette nouveauté est le fruit d'un partenariat inédit entre la Compagnie des Alpes et Eurostar et permettra une liaison permanente Angleterre-Moûtiers et Bourg-Saint-Maurice, dans la vallée de la Tarentaise (Savoie). Les bus spéciaux prendront le relais du rail pour arriver aux stations concernées. Cette ligne appelée "Travelski Express" est financée par la Compagnie des Alpes, dont l'offre comprend un pack transport-hébergement-forfaits de ski.
Un effet revenge après l’hiver dernier gâché
La crainte sanitaire entourant l’hiver 2020 a procuré des chiffres très désavantageux pour les Alpes (-60% en nuitées), moins pour les Pyrénées (-33%) et les stations dites "de charme" (-38%), selon l’ONSM. Il est important de ne pas oublier que le développement des activités hors ski classique (ski de randonnée, raquettes, chiens de traîneau, luge) a tenu son rôle compensateur, même si la fréquentation pour Noël a dégringolé de 56% en raison des décisions gouvernementales prises en dernière minute.
Les purs skieurs, qui constituent le bloc moteur des flux fréquentant la montagne, sont en manque et ils vont le faire savoir en retrouvant cette année leurs destinations favorites. Si aucun ingrédient négatif ne s’invite dans le processus, ces skieurs frustrés l’année dernière vont se venger cette année. Ces touristes de montagne en manque de glisse se pressent déjà chez certains voyagistes : "Nous avons enregistré des réservations pour l’hiver dès le mois de juin. Depuis, le rythme s’accélère (...) on devrait vivre une belle saison hivernale, avec des taux de réservations supérieurs à ce que nous connaissions, à la même période, en 2019 et en 2020", révèle un gestionnaire de parcs d’appartements dans les Alpes.
Sur le socle indispensable des skieurs se greffe aussi une énorme envie d’altitude et ce, même si 57% des Français "n’aiment pas le ski", selon une enquête menée par le site Loisirs enchères en 2017… Parmi les tendances de "design fiction" pour la montagne de 2050, présentées en janvier 2021 par l’agence de conseils Pop Rock, plusieurs concernent l'hebergement et laissent à penser que la montagne va devenir de plus en plus un lieu de (longue ?) villégiature :
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La pression démographique : "D’ici à 2050, la population française dans les Alpes et les Pyrénées devrait croître de 20 à 25%”, ce qui “pose des questions en matière de capacité d’hébergement",
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La production et le stockage d’électricité autonome et l'accélération du haut débit pour tous, qui permettra de s’installer dans des zones plus reculées, devrait permettre une plus grande généralisation du télétravail,
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Le public va "vouloir se connecter à la nature et fuir davantage les villes et les moyens de transports polluants".
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Destination santé : la population urbaine choisira la montagne pour traiter ses pathologies liées à l’environnement urbain. Ce phénomène deviendrait le premier poste de dépenses de santé dès 2035.
À retenir :
Après un hiver 2020 calamiteux, la montagne française voit le moyen et le long terme avec une certaine tranquillité, car elle anticipe relativement bien.
Le produit montagne s’est élargi et les évolutions sociologiques lui sont favorables. Il s’est ouvert aux paysages et aux grands espaces, aux sports en général, aux hébergements individuels et au terroir.
Il s’est notablement étendu sur le reste des saisons, avec un engouement révélé par le Covid. Cependant, le tempo de l’industrie touristique, hébergeurs en tête, ne peut pas dépendre que de prospectives futuristes, même s’il est bon de ne pas les perdre de vue. La réussite de la saison hivernale 2021-2022 est donc l'enjeu numéro 1 et elle dépend largement des décisions publiques ... car, du côté de la motivation des voyageurs et leur pouvoir d’achat, les garanties sont là ! Certains publics ont découvert la montagne cet été, ils y reviendront cet hiver. Et les tendances sur les réservations sont plus-que-prometteuses pour ce nouvel hiver sous covid.