Le marketing de voyage ne reprendra à 100% qu'en 2025

Signe des temps et indicateur sensible de la manière dont les grandes entreprises touristiques envisagent la reprise, selon la dernière étude Sojern, le marketing touristique digital ne retrouvera pas ses budgets pré-Covid avant 2025 ! Attention, toutefois, en coulisses et en prévision, on note déjà que ses méthodes changent : plus d'efficacité et de messages directs, moins d'image de marque et de bla-bla pour addict aux poses instagrammées. Le Covid a éloigné la dispersion et a incité les marketeurs à cibler mieux, pour obtenir des résultats plus sûrs. Au final, les hébergements et les destinations tireront de la période pandémique une expérience positive, mais ils regardent déjà vers d'autres approches : de l'intelligence artificielle d'un côté, et davantage de sens dans les messages.

La tendance est là, les voyageurs réservent de plus en plus en direct. À cela, plusieurs raisons et la première, évidemment, est liée aux politiques d'annulation ou de remboursement que les voyageurs estiment plus claires et avantageuses s'ils réservent en direct chez le producteur. Du billet d'avion - garanti, certifié par Air France ! - qu'il sera remboursé dans tous les cas ou de la chambre d'hôte qui ne prélèvera aucune pénalité (au cas où ...), les clients ont compris que c'est en direct qu'ils seront les mieux protégés pour annuler, modifier sans frais ou reporter leur achat "travel".

L'autre raison qui explique la croissance historique du "direct", c'est le repli immédiat des OTAs de la scène publicitaire dès les premiers jours de la pandémie. Et donc, selon le principe du "Quand le chat n'est plus là ...", les producteurs en direct ont compris qu'ils pouvaient tirer immédiatement profit de l'espace qu'ils avaient un peu trop facilement consenti à leurs "distributeurs". C'est aussi le cas des hôtels de chaines qui ont vu leurs réservations directes progresser là où celles de leur chaîne ... toussaient.

Le contexte est donc idéal pour tester l'efficacité des campagnes de marketing direct (mails, réseaux sociaux, coupons, etc ...). Cette tendance est confirmée dans le rapport "Comment les spécialistes du marketing de voyage activent la publicité digitale" de Sojern, fournisseurs de solutions dédiées, présenté le 23 août dernier, grâce auquel un panel de 300 spécialistes en disent long sur ce qui se trame actuellement et pour 2022. En résumé : faire plus et mieux, avec moins.

"Les spécialistes du marketing du voyage se concentrent plus que jamais sur la dépense efficace et efficiente de ressources précieuses pour générer un retour sur investissement", déclare Noreen Henry, directrice des recettes chez Sojern. On sentirait presque une fin de récréation, après des années d'abondance et d'insouciance... d'images lisses pour réseaux sociaux et de survols en drone où le voyageur se rêve à être la mouette qu'il ne sera jamais...

Alors que le Covid refroidissait certains acteurs touristiques qui ont évité d’investir dans des campagnes de marketing car le marché paraissait atone, la plupart des acteurs ont foncé, ils ont mobilisé de l’argent pour convaincre les voyageurs dans le doute. Pour autant, la fiesta n’est pas au programme dans les budgets consacrés à la publicité digitale. Ces investissements vont tarder à retrouver les niveaux de 2019.

L’enquête Sojern distingue la part publicitaire consacrée à l’image de marque (en baisse) et celle dédiée aux campagnes précises. Elle indique que les pros du marketing du voyage ont changé leur fusil d’épaule depuis 2020, en favorisant les campagnes à réponse directe par rapport aux annonces display programmées (publicitées sous forme de bandeaux, par exemple) ou de liens avec achats de mots-clés).


© Sojern / elloha 2021

L'autre enseignement - pour le futur proche - de cette étude est que les "marketeurs" du tourisme vont s'armer de datas, encore de datas et toujours plus de datas pour mieux cibler leurs prochaines communications ... Faire apparaître un coucher de soleil ou la main posée sur un cocktail ne relèvera donc plus du hasard ou du parti-pris esthétique de tel ou tel "designer" mais bien de l'analyse poussée sur les icones qui font réagir le futur voyageur ... Ainsi, selon l'étude Sojern, les deux pilliers du "next-travel-marketing", 84% des managers considèrent l’IA (Intelligence Artificielle) comme un domaine majeur pour le reste de la décennie à venir.

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Des pros réservés sur le rythme de la reprise

Si les entreprises "ont (logiquement) réduit leurs budgets publicitaires au début de la pandémie, maintenant, elles se demandent comment pousser à nouveau leurs marques à se positionner pour une reprise", observe Sojern. ==Le retour de la confiance et de l’envie d’investir en marketing n’est pas pour demain, mais pour après-demain : 99 % des sondés n’envisagent pas le rétablissement du scénario d‘avant-Covid avant 2025 ! Aucune enquête n’est parfaite, mais une telle proportion de marketeurs pessimistes (ou en tout cas prudents) ne peut pas être éloignée de la réalité.

Cette estimation assez lointaine est à différencier des estimations sur la reprise générale du tourisme, prévue plus tôt selon plusieurs indicateurs. "La crise va durer jusqu’en avril 2022 dans le voyage", affirme Laurent Abitbol, président de Marietton, dans son interview de rentrée accordée à L’Echo touristique. Au plan sanitaire, la sortie du tunnel est prévue "courant 2022" selon le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy.

2025 paraît bien loin face à ces deux sources parmi de nombreuses autres. Le retour d’un climat favorable n’est pas une condition suffisante pour l’injection de financements dans le marketing, encore faut-il que ce climat s’installe sur la durée et que les voyageurs refassent leurs valises avec confiance. Le tourisme "local" a donc encore de beaux jours devant lui ! Et en fin de compte, les marketeurs endossent le rôle de baroomètres ! Ils indiquent à quelle échéance se terminera vraiment la convalescence du tourisme.

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Plus de marketing d’affiliation, et plus de sens

L’échéance de 2025 (voire plus tard) peut signifier qu’un nouveau mo(n)de promotionnel se dessine : un récent rapport d'analyse de la banque d'investissement Bernstein souligne que, cette année, les entreprises de voyages et d'hôtellerie dépensent plus en publicité digitale payante sur les recherches qu’en publicités display. Ce changement est confirmé par Shangri-La Hotels and Resort (70 établissements de luxe, parmi les plus beaux du monde). "Pour la publicité sur les voyages, nous mettons l'accent sur le marketing d'affiliation", déclare un cadre de cette chaîne basée à Hong Kong, qui mise aussi sur "l'augmentation du nombre de blogueurs et d'influenceurs de voyage".

Sans tourner le dos aux résultats quantitatifs, le milieu des marketeurs de voyageurs s’oriente davantage sur le sens des messages. Si le temps passé sur les publicités et contenus sponsorisés était le critère n°1 jusqu’à présent pour mesurer le succès des campagnes publicitaires par les spécialistes, le "contenu est maintenant la partie la plus importante de la publicité". La quête de sens que l’on constate dans les séjours, depuis le déclenchement du Covid, influence-t-elle aussi le marketing ? Plus sûrement, l’ultra-ciblage est de plus en plus fiable, technologiquement maîtrisé… et rentable. De la sorte, le seul critère de l’audience devient un peu pauvre. Les technologies encore émergentes, comme la télévision connectée (Smart TV), avec diffusion d'annonces ciblées, font leur chemin parmi les clients au détour de diffusions en streaming de documentaires de voyages, par exemple.

Quelle place pour le digital ?
Le rapport Sojern aborde la proportion de digital, comparé au print et à l’audiovisuel, dans le marketing touristique en Europe:

  • 50 % des organisations de voyages consacrent au digital entre 26% et 49% de leur budget marketing,

  • et 27,7% lui en consacrent 50 %,

72 % des personnes interrogées sont responsables d’hôtels, 21 % d’attractions et autres sites de loisirs, 7 % travaillaient dans le tourisme ou le marketing de destination.

Pourquoi cela compte

Cette étude rassure sur la période 2021-2022 en démontrant que les professionnels du marketing sont eux-mêmes relativement confiants… mais pas pour autant hystériques face aux périodes à venir.

Il faut retenir de ce sentiment réservé une envie d’agir avec pertinence, en profitant d’un certain retour de confiance. Avec le recul issu du Covid, on constate que les campagnes portant sur l’image de marque correspondent à des périodes secure, comme de petits frivolités, qui reviendront, mais pas tout de suite. L’immédiat, c’est la certitude des résultats, c’est-à-dire des campagnes de performances, pour participer au rebond de l’industrie touristique.