Tourisme : un tunnel de 6 mois ?
Difficile de vivre cette nouvelle vague de confinement avec philosophie, surtout quand le compte en banque crie "Misère !" et que l'on se méfie d'une annonce prochaine rajoutant à ses six premières semaines de confinement une ration supplémentaire jusqu'à, au moins, mi ou fin janvier... Les leçons tirées de l'été 2020 sont toutefois encourageantes pour aborder la prochaine saison avec un esprit combatif et de vraies perspectives de redressement ...
Nous voilà repartis pour un confinement de "minimum" six semaines (on prend les paris qu'il va durer plus longtemps ...). Et pourtant, pour nous tous, cette nouvelle vague de confinement a rapidement pris un goût de "Nouveau Normal" ("New Normal chez les anglo-saxons ou Nouvelle Normalité chez les plus littéraires).
"New Normal", c'est quand même mieux que de parler de résignation ou de soumission, non ? Pourtant, que l'on soit un pro du tourisme, un commerçant de centre-ville ou un artisan coiffeur, chacun est d'accord sur un point: "il va falloir faire avec ...". Les restaurateurs, en première ligne, arment déjà leurs offres de livraisons, de "click & collect" et, chemin faisant, en partie grâce aux aides de l'Etat, vont tenter de survivre à cette nouvelle vague ... Les agriculteurs, aussi, qui ont montré une extraordinaire capacité de résilience lors du premier confinement. Au printemps dernier, les initiatives et les remises en question ont fleuri chez tous ces professionnels et ont permis à nombre d'entre eux de sortir vivant de cette première épreuve.
Car, un agriculteur vit depuis toujours avec ces incertitudes:"Quand on plante, on ne sait pas si on va pouvoir récolter quelque chose. Quand on récolte, on ne sait pas si on va pouvoir vendre ce que l'on a produit. Quand on va le vendre, on ne sait pas si on touchera le bon prix ..." Et cela fait des générations que ça dure !
S'adapter, c'est aussi ce que se disent les citoyens et les consommateurs que nous sommes tous : "Il va falloir s'armer de patience et ... s'adapter". Car c'est bien là le mot-clé du moment (et pour longtemps encore): s'adapter ! Faire le dos rond, prendre la vague, l'affronter et, si possible, la surfer.
Pas évident pour tout le monde ? C'est certain, mais tellement vital.
"Le tort, rappelait Jacques Attali, a été de croire que la première vague n'était qu'une parenthèse, qui allait bientôt se refermer avant un retour à la normale". Peut-être, faudra-t-il se résoudre à penser une fois pour toutes que le retour à a normale ne sera pour jamais. Et, qu'à défaut d'un improbable "monde d'après", il est à peu près certain qu'on ne connaîtra plus le "monde d'avant" avec ses défauts et ses bons côtés.
Si le retour à la normale n'est donc plus qu'un voeu pieux, alors que sera demain ? Le "demain immédiat" car les réserves sont limitées ? Et comment tenir d'ici là ? Et dans le tourisme, comment cela va-t-il se passer ?
Le "local" est confirmé comme le marché clé
L'ère "post-première-vague" est venue confirmer ce que nous "prédisions" lors de nos premiers webinaires de mars dernier : l'envie de vacances, d'évasion ... reste intacte. Pendant le confinement précédent, personne n'a perdu l'envie de partir, personne n'a lâché l'espoir de se retrouver "ailleurs" ... ce fut aussi une façon de tenir: penser à demain, à un demain meilleur ... à défaut de revenir à la normalité d'hier.
Les récentes études menées par les OTAs, notamment Booking et Expedia, valident cette inclination cette fois-ci encore: après le confinement, les voyages reprendront ... certes, pas trés loin de chez soi, souvent sur des courts séjours et des weekends, et dans des lieux qui offrent de l'espace.
Et, bien sûr, dans des conditions de stricte sécurité sanitaire, virus ou pas, vaccin ou pas, etc ... Il va falloir continuer d'intégrer cette variable dans vos communications et vos offres pour "coller" aux premières attentes de vos (futurs) clients.
En France, 9 Millions de voyageurs en plus !
L'être humain - confiné ou non - a besoin de s'extraire de son quotidien, de son milieu "naturel", de se déraciner quelques temps pour mieux se retrouver, partager une autre vie avec les siens, se poser et se reposer. Le confinement, c'est comme un séjour à l'hôpital : ça ne repose pas ! L'envie de s'évader reste donc entière; seules les conditions changent (notamment sur les critères de choix comme la sécurité sanitaire).
La saison passée et les études prospectives menées ces dernières semaines le démontrent: le tourisme "intérieur" est sorti renforcé de cette crise et il sera durablement le premier marché des pays concernés comme la France. En 2020, la part de voyageurs français qui ne sont pas partis à l'étranger et se sont rabattus sur les territoires français a été de 9 Millions. Du jamais vu !
D'ailleurs, l'afflux incroyable de réservations spontanées dès les premières annonces du déconfinement, en mai dernier, et les revenus générés cet été ont fini de confirmer cette tendance. Virus ou pas, en solo, en couple, en famille ou en tribu, les français et les européens se sont déplacés, n'ont renoncé ni aux weekends, ni aux vacances ... et ont permis aux professionnels du tourisme de reprendre des couleurs qu'ils n'imaginaient pas retrouver de sitôt. Cet été, par exemple, nous avons constaté en juillet et août des progressions de réservations supérieures à 36% chez de nombreux pros du tourisme équipés de elloha.
Cependant, si la saison d'hiver semble bel et bien menacée par les mesures prises par le gouvernement (les stations de ski ont reçu l'ordre de fermer jusqu'à nouvel ordre), rien n'est encore perdu pour le printemps et l'été prochain et c'est bien l'objectif à moyen terme qu'il faut viser.
Sauf qu'en mars, la perspective de la reprise estivale ne nous séparait que de trois mois de l'été. Là, il va falloir tenir beaucoup plus longtemps. Comment ?
Disons-le tout de suite: il n'y a pas de recette miracle ! La première, quand même, consiste à se dire que cet hiver (pour ceux qui "font la saison" en été) n'aurait pas été tellement différent des hivers précédents: un basse saison (voire très très basse, qu'il va falloir compenser par les aides diverses de l'Etat).
Les OTAs ont libéré de l'espace que les pros ont repris en direct
Car, pour ceux qui font leur saison cet hiver, autant le dire de suite, la partie semble belle et bien "pliée": Disneyland Paris, par exemple, annonce timidement une réouverture durant les fêtes de Noël (hautement improbable !) et une fermeture aussitôt le réveillon du Nouvel An passé et ce, jusqu'à fin février.
Les grands groupes de divertissement (et Disney en est le premier) ont aussi leurs prévisionnistes sur l'évolution de l'épidémie. Leurs récentes communications financières sont très claires : ces grands groupes font l'impasse sur les revenus qu'ils auraient pu réaliser d'ici à fin mars ... Les prévisions les plus pessimistes travaillent déjà sur un scenario d'une troisième vague au printemps. En tout état de cause, comme le déclarait Glenn FOGEL, le big boss de Booking, la semaine dernière: "Nous n'envisageons aucun retour à la normale pour notre business avant, au minimum, fin 2021 ...". Dans ce cas, le patron de Booking parlait de l'activité des OTAs et pas forcément de tous les professionnels du tourisme: cet été, du jamais vu aussi, la part de réservations directes est passée de 61% à 71% chez les professionnels (hébergeurs et loisirs) que nous avons observés.
Ce phénomène est lié à deux paramètres essentiels :
- dès le début de la crise, les OTAs ont drastiquement réduit leurs investissements publicitaires (notamment sur Google) et leurs enchères ont été réduites à néant; ce qui a eu pour effet de réduire la concurrence avec les sites des pros,
- les pros, justement, ont repris la main sur leur distribution en refaisant leur site, en investissant sur les réseaux sociaux et en multipliant les initiatives marketing et digitales qui, chemin faisant, leur ont apporté plus de clients en direct !
Ces résultats sont de sérieux acquis sur lesquels les pros que vous êtes devez continuer de vous investir: ces parts de marché que vous avez (re)gagné sur votre distribution directe sont précieuses et les fichiers clients que vous avez constitué sont un capital majeur pour relancer vos (futurs) clients de la saison 2021, celle du printemps plus que de l'hiver.
Car, il faut vivre avec ces probabilités: l'hiver sera très rude et l'essentiel sera de sauver la saison printemps-été 2021 ... car elle est largement sauvable.
Sans compter que, si les voyageurs épargnent de force ce qu'ils auraient dépensé pour leurs vacances hivernales, une bonne partie de ce "pactole" sera réinvestie au printemps et à l'été prochain.
Là aussi, les signaux des grands groupes sont à observer à la loupe : pour Booking, AirBnB, Expedia ... il y aura bien une reprise au printemps avec des déconfinements progressifs qui vont libérer les voyageurs et les inciter à s'évader. Mais, là aussi, en l'absence plus-que-probable de vaccin, le voyage sera local et uniquement local. Le marché des voyageurs étrangers doit être, par conséquent, oublié pour quelques temps.
11% des voyageurs ont réservé à plus de 90 jours
Votre stratégie doit se concentrer, dès à présent, comme l'an dernier, sur le local, puis le national et un peu l'international "de proximité". Chaque "cercle d'influence" doit être travaillé avec rigueur, sans oublier la dimension d'information sanitaire (voir plus bas). Si tout le monde semble assomé par les récentes évolutions (confinement, etc...), il ne faudra pas chomer pour réussir la saison prochaine: les voyageurs continuent d'anticiper sur le printemps prochain et tous vos arguments doivent être aiguisés dès maintenant. Ne l'oubliez pas, si les réservations se font en ultra-dernière-minute, les recherches de voyages se font de plus en plus en amont de la saison.
Mais attention, cette année, vous allez devoir sérieusement revoir votre approche marketing en intégrant la sécurité sanitaire à tous les niveaux de vos prises de parole car, avant même le prix et les promotions, la sécurité et le confort que vous offrirez à vos clients seront les points majeurs du choix de leur destination.
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Cette notion de "je recherche de plus en plus tôt mais je réserve de plus en plus tard" a été largement observée durant l'été 2020: un quart des réservations a concerné des séjours dans les deux à sept jours suivants alors que ceux qui réservaient à plus de 91 jours ne représentaient que 11% du volume total. Sans compter que la plus grande proportion de voyageurs (37%) cherchaient des séjours à moins de 250 kilomètres de chez eux. Cette tendance sera la même en 2021. Comment la profiter ? Estimez le marché de votre secteur dans un rayon de 250 kms et estimez, par exemple, combien cela représentent de profils facebook. Créez une "audience facebook" avec ces critères et multipliez vos communications, avec finesse, auprès de ce public qui sera la plus grosse part de votre future clientèle.
Les clients vont privilégier l'espace
Certes, il n'est pas très sexy de passer son temps à parler de sécurité sanitaire mais il ne faut pas se tromper d'angle d'attaque. Selon de nombreux analystes du voyage, si donner une information exhaustive sur vos protocoles de sécurité sanitaire est un exercice imposé, le plus important est de parler de l'espace que vous comptez offrir à vos clients.
Car, il a été observé sur plusieurs études que les voyageurs veulent de l'espace et qu'ils privilégient d'avoir plus de garanties sur la distance physique que sur vos protocoles de nettoyage. En effet, dans l'univers de l'hébergement, par exemple, il semble évident que chaque pièce sera propre et que vos protocoles sont au point, que votre personnel a été bien formé. Mais quid de l'espace que vous leur offrez et des garanties que vous leur donnez pour ne pas être gênés par le voisinnage et le comportement de vos autres clients ? Certes, il vous faut parler de la réception, de tous vos procoles d'accueil, du room service, du concierge, du spa, de la salle de sport et même du ménage. Mais, dans l'environnement actuel axé sur le Covid, les clients veulent juste zéro contact humain, et c'est peut-être l'une des plus sérieuses cibles de communication pour la saison prochaine ...
Oui, les clients veulent un mobilier de qualité, un cadre confortable plus spacieux, de la place pour dîner, un système de climatisation parfait, des lits confortables, de grandes douches, une connexion Wi-Fi rapide et un grand écran pour se synchroniser avec leurs appareils mobiles. Ils veulent des services accessibles via la technologie sans contact et les applications de messagerie d'invités, mais au-delà, ils veulent simplement ne pas croiser "les autres" ... en tous les cas, pas de trop près. Nouveau défi, nouveau challenge ... mais une orientation à prendre très au sérieux pour le devenir de votre activité.
Le tourisme n'est pas mort
Pour beaucoup, ce challenge est soit impossible à relever, soit un hérésie ou une vue de l'esprit ... pourtant, les leçons tirées de ce premier déconfinement suivi d'un nouveau confinement sont que les grands brassages de population ne facilitent guère l'éradication de ce terrible virus ...
L'isolement aidant et les confinements à répétition risquent de finir de convaincre les plus sociables que l'avenir de leurs vacances pour 2021 passera par des rassemblements limités (pensez aux offres "tribu" ...).
Toutefois, cette tendance ne durera qu'un temps (peut-être long ...) qui comprendra la période pendant laquelle aucun virus ne sera vraiment reconnu et adopté par des milliards d'êtres humains, soit jusqu'à fin 2022 pour les prévisionnistes les plus aguerris.
Cela n'empêche pas les financiers de croire en l'avenir du tourisme: cette fin d'année verra l'entrée en bourse d'AirBnB avec un succès relatif à la clé et, la semaine dernière, GetYourGuide (le Booking des activités) annonçait avoir levé 115 Millions d'euros de plus (après avoir levé 500 M€ en 2019). Pour les investisseurs qui ont misé gros sur ces sociétés :*"On ne regarde pas le tourisme à la lumière des 12 ou 24 prochains mois. On regarde pour les 4, 5 ou 6 prochaines années où le tourisme sera à nouveau un secteur incroyablement rentable pour les investisseurs..."