Les hôtels n’ont pas dit leur dernier mot

Les hôtels n’ont pas dit leur dernier mot

Effet de la période Covid, cet été, les "petits hébergements" ont même sur-performé car de nombreux hôtels étaient fermés. Portés par leur succès, les petits hébergements doivent confirmer leur succès. Tandis que de nombreux hôteliers préparent activement leur retour sur le marché ...

Depuis cet été, les réservations vont bon train via Airbnb et son concurrent direct Vrbo (ex-HomeAway). Idem sur Booking.com où les locations de vacances (et assimilés) ont fait "fois quatre" par rapport à l'année dernière ! Parallèlement, selon toutes les études de fréquentation publiées cet été, les hôtels restent en souffrance : la faute (ou la cause) revient à la Covid-19, mais pour quelle raison ? A l’évidence, le côté “petit, rassurant, protecteur” (small is beautifull quoi !) des hébergements en format "maison d'hôtes" ou Airbnb joue fortement, face aux établissements hôteliers appartenant à des chaînes "locales" ou des multinationales de l’hébergement, ou plus modestement, aux hôteliers indépendants.

La pandémie de coronavirus amplifie et confronte deux paramètres opposés : nos réflexes ancestraux, voire animaux (la protection, la sécurité, la tranquillité) et l’envie / besoin de vacances. La location de vacances semble avoir fourni le bon compromis du moment, mais son avenir proche n’est pas net. Du moins si l'on s'en tient à une analyse superficielle des résultats de fréquentation ...

Selon certaines études, les clients semblent s'être détournés de tous les établissements soumis à un passage plus important que la moyenne... et ce, à la faveur, des maisons de vacances. L'explication semble un peu courte surtout lorsque l'on considère le succès estival innatendu de l'hôtellerie de plein air.

Un été nuancé pour les hôtels : les chiffres

Pour mesurer la crise avec précision, regardons l’été en fonction des mois écoulés : la baisse de la fréquentation des hôtels a représenté en juin 88 % en Ile-de-France, région la plus touchée de France, par rapport à juin 2019 (données Insee du 1er septembre). Cette dégringolade contraste avec les performances habituelles, car d’avril à octobre, l’Ile-de-France accueille la moitié des touristes qui viennent en France. Dans le reste du pays, le recul a représenté 67 %, l’Hexagone dans son ensemble accusant un repli de 73%.

Toutefois, ces chiffres sont à nuancer : les clients ne se sont pas détournés de l'hôtellerie traditionnelle et n'ont pas viré casaque pour devenir, du jour au lendemain, des accros de la location de vacances. En réalité, l'explication tient plutôt au fait que le parc hôtelier était en grande partie fermé.

En effet, selon le cabinet MKG, toujours en juin, seulement 51% des hôtels étaient ouverts et, souvent, en diminuant leur volume de chambres offertes à la clientèle. L'offre hôtelière a donc été volontairement limitée; ce qui explique aussi pourquoi leur remplissage a été à ce point réduit malgré des procédures sanitaires extrêmement pointues. L'offre étant très réduite en début d'été, elle a aussi semble-t-il eu un effet négatif sur la demande.

On peut donc affirmer sans difficulté que la contraction de la part de marché des hôtels traditionnels s'explique moins par la progression fulgurante des locations de vacances que par un parc très majoritairement fermé dans une grande partie de la période post-covid (mai-juin) dont on sait qu'elle pèse beaucoup dans les statistiques estivales.

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Les hôtels indépendants soufriront moins que ceux des chaînes

Toutefois, des tendances de fond en faveur du small is beautyfull et de l'adresse indépendante doivent être considérées avec sérieux. Selon une récente étude menée par Expedia au plan mondial, les voyageurs de l'ère post-covid sont plus à même de rester dormir dans les "boutique-hôtels" (ou hôtels de charme) que dans les hôtels de chaîne (qui sur-communiquement, pourtant, sur le sujet de la sécurité sanitaire). Et, comme le montre le graphique ci-dessous, les maisons d'hôtes et les locations de vacances (classées en vacation rental) devraient gagner 2 points (de 61 à 63%) chez les clients du monde entier. Sur un marché à plusieurs milliards, cela représente de sérieux gains de réservations en perspective. Autre tendance intéressante, les vacances entre amis devraient connaître un recul important dans les prochains mois tandis que les séjours en resort devraient progresser; à l'image des campings ou des maisons d'hôtes situés en pleine nature ou sur des terrains dégagés ...

Une aubaine éphémère pour les petits hébergements ?..

Dans l'hotellerie, toutefois, les hôtels de petite taille et les chambres d”hôtes ont récolté les fruits de cette situation et la majorité d'entre eux, grâce à la réservation directe plus que par les OTAS. En s'adaptant rapidement aux circonstances (fin des tables d'hôtes, des buffets de petits-déjeuners, mise en place d'offres nouvelles de restauration sur place, etc ...), les "petits" établissements ont su tirer leur épingle du jeu : les clients, en grande majorité, n'avaient donc pas renoncé aux services hôteliers (breakfast, ménage, linge, etc ...) et se sont donc majoritairement rabattus vers des offres "marchandes" accomplies.

D'ailleurs, le bilan du cabinet MKG révèle aussi que le parc métropolitain était opérationnel à 80% le 16 août en matière de nombre de chambres, contre 17 % en avril. Sur les côtes, le taux de disponibilité du parc était de 98% : c’est donc un été en dents de scie qu’a vécu l’hôtellerie traditionnelle française, avec des nuances mensuelles et géographiques assez marquées. Du 1er juillet au 16 août, le littoral breton a connu un taux global d’occupation de 76%, contre 72 % pour la côte méditerranéenne. Mais l’hôtellerie de l’intérieur des terres a connu une moyenne de 58,3%. Au niveau européen, en juillet, la France a mieux résisté, avec un taux moyen de 51%, contre 35% en Allemagne, en Italie et au Portugal, 31% en Grèce et inférieur à 30% en Espagne.

Ces chiffres le montrent bien : quand l'offre hôtelière redevient accessible, les clients savent la trouver et la consommer à nouveau. A condition, évidemment, de s'adapter aux circonstances nouvelles et de changer de pied en matière de marketing et de communication. Nombreux sont ceux, d'ailleurs, qui ont décidé de "reprendre la main" sur leur distribution en gérant eux-mêmes leur mise en marché sur internet et sur les grands portails. Pour beaucoup d'hôteliers, membres de réseaux, la valeur ajoutée de la marque nationale n'aura pas été flagrante en période post-covid et, mis à part les grandes chaînes comme Accor, le recours aux programmes de fidélité (en boostant les primes par exemple) n'a eu qu'un effet mineur sur la stimulation de la clientèle. La situation pourrait donc plutôt écorner le devenir de certaines chaînes que de ses membres eux-mêmes: en situation de crise, la valeur ajoutée de chaque chaîne a été rudement mise à l'épreuve par les hôteliers eux-mêmes.

Sans contester, donc, la tendance de fond vers les locations de vacances, il semble qu'elle profite bien au small is beautifull. Aux petites structures indépendantes... Le petit-déjeuner pris dans l'intimité familiale a consacré la notion de “tribu dans sa bulle”, au contraire des établissements aux allures de halls de gare. Dans de nombreux cas, les chambres d’hôtes ou les "petits" hôtels ont musclé leur volet “restauration” (les restaurants étant fermés, ou dissuasifs). Elles ont parfois pris davantage un profil de restaurants, en déplaçant les petits-déjeuners vers un autre espace, en isolant davantage les tables les unes des autres. Un glissement d’activité s’est produit de manière durable a priori. La fameuse distanciation sociale a produit ses effets “positifs” pour ces "petits" formats dont les charges fixes (plus basses qu'un hôtel de grande taille) a permis de passer sous la vague. Mais il serait imprudent de considérer cette tendance circonstancielle, conjoncturelle, comme une évolution durable si les établissements relâchent cet effort de changement. Car la clientèle, elle, reste axée sur ses critères de choix avant de réserver et ces critères sont définitivement liés à la crise sanitaire. Le succès des chambres d’hôtes, aussi, est le fruit d’un transvasement de clients provoqué par la fermeture des hôtels. Ce succès peut se confirmer dans le temps car certains publics même adeptes de l’hôtel, ont découvert des lieux et des manières de séjourner, qui pourront être fidélisés. Ne pas oublier que 40% des clients de Booking qui ont séjourné dans un hôtel souhaitent séjourner dans une maison d'hôtes...

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Une situation positive... mais fragile

Si les cartes se sont quelque peu redistribuées entre les différents acteurs durant cet été, le marché et les clients font bloc sur leurs critères de choix qui, comme le montre aussi l'étude Expedia, ne font pas la différence entre un hotel, une maison d'hôtes et une location de vacances :

  • 91% du choix est basé sur les critères de santé et sur les informations données en matière d'hygiène (dont les protocoles précis de nettoyage)
  • 78% sur les activités et les points d'intérêt autour de chez vous,
  • 73% sur les offres spéciales proposées aux clients,
  • et 66% sur vos notes en ligne et les avis postés sur votre établissement.

La recherche de sécurité, mais aussi de proximité et d'isolement, joue donc en faveur des logements de plus petite taille, qui se sont vu exiger des efforts importants: tous les acteurs ont annoncé des mesures de distanciation sociale pour rassurer les voyageurs, exactement comme chez Hilton et Accor. Le protocole de nettoyage amélioré d'Airbnb, guidé par les Centers for Disease Control & Prevention américains, a suggéré aux hébergeurs de désinfecter fortement les interrupteurs et poignées de portes, sans surcoût pour le client final. Il a fallu investir du temps et un peu d’argent, sans porter atteinte à l’esprit des vacances. Ce choix reflète de nouveaux fondamentaux, probablement durables : on souhaite séjourner dans une chambre d'hôtes ou une maison privée, sans entrer en contact avec des étrangers. Ce phénomène de quarantaine auto-imposée durera autant que la Covid, mais pourra être intégré à de futurs standards inspirés de 2020.
La location à court terme et alternative, hissée comme référence par la pandémie de coronavirus, a une durée de vie limitée. Elle ne vit pas un triomphe, mais une révélation, appréciable, terriblement fragile. Les raisons du succès, son contexte et ses opportunités, ne doivent surtout pas être oubliées. En face, les hôtels reprennent du poil de la bête en ouvrant progressivement leurs inventaires au public et en adaptant leur offre de service ... et ça marche ! La redistribution des cartes se fait donc plus par le service que par la (petite) taille de l'établissement. Mais dans un contexte de grande exigence sanitaire et de services, l'un ne va pas sans l'autre quelque soit le nombre de chambres que l'on exploite !