Booking licencie 25 % de son personnel : ne subissez pas, préparez-vous.
Après Expedia et TripAdvisor qui ont procédé à d'importants licenciements en plein coeur du confinement, Booking a dû se résoudre à licencier aussi de son côté: 4300 de ses salariés seront prochainement licenciés, sous l’effet du Covid-19; une décision annonciatrice d'une crise profonde qui semble se prolonger ... mais aussi des effets "positifs" (pour les pros que vous êtes) liés au développement exponentiel des réservations directes ...
La crise sanitaire incite Booking à licencier jusqu’à un quart de ses effectifs sur ses 17 500 salariés dans le monde dans les prochains mois. Sa direction juge cette mesure “extrêmement difficile” et avoue que “la crise du Covid-19 a dévasté l’industrie du voyage” qui enregistre des volumes “considérablement réduits”. Le plan social du géant du tourisme, leader de son secteur, a été annoncé le 4 août. Il pourrait potentiellement concerner les bureaux français de l’entreprise, à Tourcoing (Nord).
Ces bureaux français abritent un service client de grande importance qui emploie 700 personnes et fait partie d’un réseau mondial composé de 20 sites du même format, consacrés à cette branche de l’activité de la société néerlandaise. Booking, qui emploie au total 1000 personnes en France, envisagerait ces licenciements, les premiers de son histoire, qui a débuté en 1996. Son activité avait plongé de 85 % en mars, au déclenchement général de la pandémie (par rapport à mars 2019).
Cette décision n'est jamais facile pour une entreprise (y compris de la taille de Booking.com) et, encore moins, pour les salariés concernés. Ce sera malheureusement le cas de nombreuses sociétés dans les prochains mois compte tenu des annonces de péril économique et social qui se succèdent dans tous les secteurs d'activités. La situation, toutefois, semble résulter de contextes "plus positifs" pour d'autres acteurs: les professionnels du tourisme, eux-mêmes partenaires de Booking ...
Les réservations directes et de dernière minute ont pris le dessus
Cette décision de Booking ne semble pas traduire la situation actuellement vécue par de nombreux hôtels et maisons d'hôtes partenaires de la plateforme: en effet, si la crise est mondiale, dans chaque pays, l'activité touristique a finalement mieux résisté que ce qui était redouté en plein coeur de la crise sanitaire. Partout en France et en Europe, l'été 2020 a finalement tenu ses promesses auprès des professionnels avec des taux d'occupation inimaginables avant juin dernier.
Cette situation reste, toutefois, à nuancer ou à compléter, selon les cas:
- les hôtels, premiers clients de Booking en termes de commissions facturées, ont été à moitié vide en juillet dernier et leur taux d'occupation a été plus réduit que celui des maisons d'hôtes, des campings et des locations de vacances: la clientèle d'affaires est restée "clouée au sol", les évènements et congrès interdits ont vidé les chambres des grandes villes ... autant de clients en moins (et de commissions) pour Booking,
- les maisons d'hôtes ont "viré sur l'aile" dès le printemps en optant pour la réservation directe, en investissant sur de nouvelles offres, de nouveaux dispositifs marketing et commerciaux ... bref, en se donnant les moyens, de passer outre les OTAs pour une plus grande part de leur business: la crise a permis à ces "structures légères" de franchir un cap historique dans sa "distribution directe" selon les différents experts du secteur,
- compte tenu des restrictions sanitaires, la clientèle a été plutôt "nationale"; ce qui a handicapé les performances de Booking jusque là grand pourvoyeur de clientèles étrangères compte tenu de son audience nationale: compte tenu des incertitudes qui pèsent sur la reprise cet automne, Booking anticipe donc une baisse durable de l'activité sur ce segment touristique (même si, en Europe, il est prévu une reprise des déplacements touristiques entre le nord et le sud pour le reste du mois de septembre),
- enfin, l'ultra dernière minute a battu des records tout cet été compte tenu des circonstances compliquées liées au déconfinement; ce qui a plutôt plaidé en faveur d'une très forte désintermédiation ...
De cette situation, Booking doit certainement tirer la conclusion (provisoire ?) que de nouvelles habitudes de consommation du voyage se sont mises (durablement ?) en place durant cette crise et l'été qui a suivi: moins d'international, moins d'intermédiation, plus de dernière minute ... il est probable que ces nouveaux usages plaident en faveur d'un changement de cap du champion mondial qui ne manque ni de ressources ni d'imagination pour rebondir dans les prochains trimestres ...
Google en embuscade
En réalité, le repositionnement de Booking s’est profilé dès février, lorsque la direction a annoncé la réduction de l’achat de mots-clé sur Google (4,42 milliards de dollars en 2019) tout en pariant davantage sur la publicité traditionnelle, pour favoriser la vente directe. Au passage, les concurrents Expédia, Airbnb et TripAdvisor, annonçaient la réduction d’environ 25% de leurs effectifs.
2020 bouleverse l'univers des OTAs, forcés par le Covid-19 à des réductions de ressources humaines qu'ils auraient peut-être effectuées sans la pandémie. Pendant ce temps, Google, en embuscade, travaille pour devenir incontournable dans le secteur du voyage et des loisirs sur Internet. Sous couvert d'une tendande lourde à la désintermédiation, Google pourrait convaincre les pros du tourisme de mieux s'afficher sur ses pages (comme Google My Business, par exemple) et, contre paiement de publicité (ou de commissions ?) de se valoriser mieux que ses concurrents ... La grosse tempête chez les géants de la réservation pourrait donc annoncer une redistribution des cartes, avec de nouveaux joueurs... Tenez-vous prêts à ces évolutions, qui pourraient être profondes dès les mois à venir.
Quel impact pour vous ?
Booking va mincir pour restructurer sa machine et l’adapter aux nouvelles exigences de l’industrie du voyage. Reconnue pour sa créativité et son sens de l’innovation, elle devrait réussir ce tournant. Mais quand ? Et puis, l’incertitude des professionnels de l’hébergement est réelle : nouvelle politique tarifaire en matière de commissions ? Nouveaux algorithmes modifiant le référencement ? Passage au “payant” de certaines prestations auparavant gratuites ? L’entreprise détaillera ces changements dans les semaines à venir.
Booking, reste un moyen très efficace
Encore une fois, la question de votre dépendance envers les OTAs revient sur le tapis. Ne vous éloignez pas de ces acteurs incontournables, mais ne subissez pas leurs revirements stratégiques qui vous fragiliseraient par manque d’information, c’est à dire d’anticipation. Consolidez, maîtrisez, multipliez les canaux qui accélèrent la réservation directe. Défendez votre propre espace de business, ne soyez pas la victime collatérale (et locale) d’un phénomène mondial. L’enjeu n’est pas de revenir entièrement aux systèmes de commercialisation à l’ancienne (qui ne sont plus adaptés aux enjeux du digital), dans une autarcie promotionnelle, mais de vous mettre en veille active face à la mutation du “paramètre Booking”, si important dans votre stratégie. En effet, Booking est un but pour ses actionnaires, mais pour vous, il s’agit d’un “simple” moyen.