Pourquoi Expedia et Booking taillent dans leurs dépenses
Expedia licencie 3000 personnes et Booking lui emboîte le pas dans la réduction des coûts. Les annonces de la semaine dernière sèment le trouble et en disent long sur la menace Google qui pèse sur les OTAs et donc, les professionnels du tourisme...
La semaine dernière, Expedia a annoncé une réduction de ses coûts de fonctionnement de l'ordre de 300 à 500 Millions $ d'ici la fin de cette année. Cette réduction drastique - la première de son histoire - se traduira par le licenciement de 3.000 de ses employés, soit 12% de ses effectifs. Dès cette annonce, l'action Expedia s'est appréciée de 10% (le malheur des uns ...).
Dans la foulée, Booking a annoncé une réduction conséquente de ses coûts de fonctionnement, pour 2020, sans en préciser, toutefois, l'ampleur. Clairement, les deux OTAs (qui totalisent à deux plus de 200 Milliards $ de réservations) se placent coeur d'un repositionnement économique et stratégique (voir plus loin).
Certes, comme toute entreprise d'envergure mondiale, les deux géants de la réservation en ligne anticipent sur les conséquences économiques du coronavirus et, si la pandémie se confirme, ces conséquences risquent d'être majeures pour de nombreux acteurs de l'industrie. Mais, les causes de ces "pivotements" sont autres et bien plus profondes.
HomeAway est un nom idiot !
Côté Expedia (qui a perdu deux PDG en moins de deux ans), c'est Barry Diller (le fondateur et actionnaire historique) qui est à la manoeuvre. Le presque octogénaire garde les manettes de la société et prétend ne pas vouloir trouver de nouveau PDG. Pour lui, "Expedia a poursuivi sa croissance de manière malsaine et indisciplinée ... De plus, si chez nos voisins d'Amazon (à Seattle), la devise est tout pour le travail, le reste pour la vie, chez Expedia, c'était le contraire avec "tout pour la vie et rien pour le travail"". La formule - radicale - a marqué les esprits et les salariés et Barry Diller ne s'est pas arrêté là. Pour lui, les péchés d'Expedia sont nombreux :"organisation humaine surdimensionnée, manque de réactivité au marché, trop de grands objectifs et pas assez de concentration sur les leviers du "quotidien" pour optimiser le business, trop de marques, trop d'enseignes ..." et pour finir, HomeAway qui est une marque au nom idiot !". Fermez le ban.
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Cette "sortie" du propriétaire de l'entreprise - et les décisions radicales qui ont suivi - ne cachent pas les véritables enjeux d'Expedia :
- l'agence en ligne doit faire face à une augmentation croissante de ses coûts d'acquisition de clients qui sont, pour l'essentiel, des achats de mots clés à Google,
- dans le même temps, comme Google ne cache plus trop ses ambitions dans l'univers du voyage et des loisirs, Expedia se demande si elle n'est pas en train de financer la croissance de son futur grand rival ...
Voilà pourquoi, le groupe va lui aussi se concentrer sur des méthodes de vente (et d'acquisition de clients) plus rentables et, bizaremment inspirées des méthodes mises au point par les hôteliers eux-mêmes pour moins dépendre des OTAs ... comme Expedia.
Au programme d'Expedia pour 2020 et la suite :
- plus de réservations directes : en clair, comment attirer plus de clients sans passer par Google (et donc lui payer des milliards $ d'achats de mots clés). Pour cela, Expedia va investir sur plus de publicités traditionnelles (dont la télé) et sur la propagation de son appli maison. En incitant les voyageurs à s'équiper de son appli dans leur smartphone, Expedia espère ainis attirer plus de clients directement, sans passer par les moteurs de recherche ou les comparateurs.
- mieux fidéliser les clients : comme pour les chaînes hôtelières, Expedia croit en l'avenir (et en la rentabilité !) des programmes de fidélisation. L'OTA va donc intensifier ses programmes de récompense en permettant aux clients de gagner des points ou des remises directes (les fameux 10% ...) sur chaque réservation.
Dans les deux cas, l'hôtelier sera toujours celui qui financera ces stratégies puisque c'est avec l'argent de ses commissions que les OTAs financent leur croissance...
Booking va aussi jouer sur la "résa directe"
Même stratégie chez Booking où la réduction des coûts doit aller de pair avec le regroupement de toutes ses marques éparses: rentalcars pour la location de voitures, opentable pour la réservation de restaurants, etc ...
Selon Glenn Fogel, son PDG, "2020 doit être l'année où l'on va rassembler nos marques et nos offres pour, à la fois, apporter un service de meilleure qualité à nos clients (qui pourront tout réserver sur un seul et même site) et en profiter pour financer nos économies".
Pour Booking, donc, l'heure est à investir moins d'argent en mots clés (4,42 Milliards $ en 2019) mais à miser plus sur la marque à travers de la publicité traditionnelle (+7,6% en 2019) pour développer plus de réservations directes aussi. En clair, en achetant du mot-clé, Booking se place en dépendance vis-à-vis de Google. En orientant ses investissements vers les autres médias, le champion mondial de la réservation va tenter de faire venir les clients directement à lui.
Et ça marche ! En 2019, les réservations directes (le client est venu directement sur Booking sans faire de recherche préalable sur Google) ont dépassé les 60% de chambres réservées.
Google en ligne de mire
Vous l'aurez compris, dérrière ces mouvements, se cache l'ombre menaçante de Google dont les prix des mots clés n'ont jamais cessé d'augmenter (il faut dire que le modèle économique est redoutablement efficace en ce sens qu'il organise par lui-même cette inflation). La menace vient aussi des intentions à peine dissimulées de Google de devenir un acteur de premier plan du voyage et des loisirs sur internet. A moins que cela ne soit qu'une menace pour tenir en respect ses "partenaires et clients" OTAs.
Avec les mesures drastiques prises et ou annoncées par les OTAs, il semble en tous les cas que la menace Google soit vraiment bien prise au sérieux ...
Quel impact pour vous ?
Comme pour "l'effet papillon", ce genre de décision n'est pas sans impact (à venir) pour votre business. Si les OTAs prennent peur sur Google et s'ils cherchent des méthodes alternatives pour développer leurs réservations "directes", c'est que les prix des mots clés ne vont pas cesser d'augmenter.
Cela veut dire que sur des business où le trafic dépend des mots clés (près de 30% du budget des OTAs), les commissions qui servent à payer ces mots clés ne vont pas cesser d'augmenter. D'ailleurs, comme le montre le dernier rapport financier de Booking, la commission moyenne perçue par Booking était de 10,74% en 2016 contre 15,65% en 2019, soit 45% de progression en 3 ans !
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Comme le montrent les OTAs (qui vont aussi se mettre à la réservation directe) ou les grandes chaînes hôtelières (qui ont réussi à renverser la vapeur en se mettant aussi à la réservation directe), il est plus-qu'urgent pour vous d'adopter les bonnes stratégies (à court, moyen et long terme) pour développer vos réservations directes. Car, du haut en bas de cette "pyramide alimentaire" entre les OTAs et les professionnels que vous êtes, maintenir - voire développer - son propre espace de business est essentiel; voire vital ... si vous n'en n'étiez pas vraiment sûr.e, les dernières décisions des OTAs devraient faire évoluer votre jugement.