Faut-il travailler avec un OTA quand on est un pro du loisir ?
Vous avez remarqué cet été une part croissante de clients ayant réservé par internet ? Ce n'est que le début ! Dans les loisirs, la croissance de la vente en ligne est exponentielle sous la pression des OTAs (Booking, TripAdvisor, etc ...) qui ont fait de vos activités leur nouveau cheval de bataille. Faut-il travailler avec les OTAs et si oui à quelles conditions ? Explications ...
L’OTA pour Online Travel Agency est un acronyme désormais notoirement connu dans le monde du voyage et des loisirs. Qu’il s’agisse de Booking, d'Expedia, d'AirBnB ou de TripAdvisor (pour ceux qui dominent près de 90% du marché), on peut dire que « le match est plié »: ces distributeurs sont devenus incontournables pour tout hébergeur qui souhaite se rendre visible sur le marché des hôtels, des maisons d’hôtes et des locations de vacances. Mais qu’en est-il des pros du loisirs (loueurs de vélos, musées, guides, etc …) ? Doivent-ils aussi passer par les OTAs au risque de se jeter « dans la gueule du loup » et d’en subir les mêmes conséquences que les hôteliers et les autres hébergeurs ?
Quel intérêt si le client est déjà là ?
Pour un pro du loisir, le passage par un OTA est rarement considéré comme un passage obligé : à la différence de l’hébergement qui suppose une concurrence aiguë sur la phase d’avant-séjour, le loisir se consomme généralement en dernière minute et la décision se prend le plus souvent lorsque le client est sur place. Logique, dès lors, pour de nombreux professionnels de se contenter d’attendre (sur place) et de poursuivre son business « en direct », en toute indépendance sans rien concéder aux OTAs.
Ce calcul était juste jusqu’à il y a quelques mois quand les réservations de loisirs en ligne étaient largement inexistantes. Cette logique sera moins vraie dès cet hiver car l’offre réservable en ligne et en temps réel ne cesse de croître sous l’impulsion des OTAs qui en ont fait leur nouvel eldorado. "La situation est la même qu’avec TripAdvisor il y a 10 ans, se souvient un hôtelier. Beaucoup de mes confrères n’ont pas jugé l’intérêt d’y aller et de se défendre sur les avis … Pendant un moment, je m’y suis trouvé seul et depuis, je n’ai jamais été détrôné de ma place de numéro 1. Comme quoi, être précurseur, ça paye !" Cette logique du "premier arrivé" est, de loin, la meilleure: investir un nouvel espace commercial ou digital est essentiel pour prendre des places stratégiques … et les garder. Un peu comme à l’image de ceux qui ont investi dans un bon site et un bon référencement avant les autres et qui se trouvent en tête des résultats de recherche aujourd'hui, vendre ses offres de loisirs sur les OTAs avant ses concurrents locaux est le meilleur moyen d’occuper une place de premier plan pour les années à venir et donc, d’en récolter les fruits une fois que ce marché sera devenu mature (ce qui n’est qu’une affaire de mois au train où vont les choses).
Il ne faut donc pas considérer - à date - l’OTA comme un espace commercial inutile à l’instant T mais comme une opportunité d’occuper un espace commercial bien avant ses concurrents locaux et maintenir cette position de leadership le plus longtemps possible. En clair, plus tôt vous vous vendrez sur TripAdvisor, plus longtemps vous occuperez les premières places des attractions recommandées sur votre destination !
L’OTA n’est pas qu’un « mal nécessaire »
A entendre certains hébergeurs, l’OTA est un poison qui coûte cher et plombe leur rentabilité. C’est vrai … pour ceux qui en abusent et n’ont pas pris les devants en se développant des sources alternatives de distribution. Car, l’OTA n’est pas et ne doit pas être votre premier canal de vente … jamais ! L’OTA est un partenaire essentiel pour votre distribution à condition de ne jamais dépasser 40% de votre revenu généré depuis le ou les canaux choisis. Au-delà, vous êtes totalement dépendant(e) et l’OTA risque de vous coûte plus cher que ce qu’il vous rapporte…car cela affectera directement votre rentabilité.
En revanche, l’OTA est un moyen absolument efficace (si ce n’est le plus efficace) d’accroître votre visibilité et de vous rendre accessible à des marchés étrangers que vous auriez beaucoup de mal à toucher avec votre propre site internet ou celui de votre office de tourisme. Il est donc normal, qu’en contrepartie de ce « service », l’OTA vous facture une prestation sous forme de commission ou d’abonnement annuel (un modèle qui tend à disparaître comme dans l’hébergement) basée sur les réservations qu’il vous permet de toucher.
En clair, à l’heure actuelle, utilisez les OTAs sous deux conditions (pas forcément cumulables):
- vous êtes établi(e) sur une destination très courue par les clients étrangers : sachez, dès lors, que ces derniers ne se réfèrent qu’à des sites comme Tripadvisor pour identifier les loisirs à réserver non loin de chez vous (75% de parts de marché),
- vous manquez de visibilité et vos concurrents locaux ne sont pas pro-actifs sur les OTAs : occupez leur place et trustez les premières positions avant eux … Commencez par n’y diffuser qu’une partie de vos offres (les plus représentatives) et laissez venir les réservations. Evaluez les premiers retours (avez-vous touché de nouveaux clients, une part plus importante de clients étrangers, etc ?..) et adaptez vos offres et votre stratégie de commercialisation en conséquence ...
Selon une étude conduite par Arival (le spécialiste mondial sur les loisirs), 30% de ceux qui se sont lancés dans la distribution de loisirs par les OTAs en ont tiré un bénéfice immédiat dès les premiers mois !
Des commissions plus élevées que pour les hôtels
Avec des commissions minimales de 20% (la moyenne est de 25%), les frais perçus sur les loisirs sont aussi importants sinon supérieurs à ceux payés par les hébergeurs. Ce taux est-il si élevé que cela ? En réalité, non ! La réalité est déformée par le fait que les hôtels ont démarré leur relation avec les OTAs (il y a 15 ans) sur des niveaux de commission de l’ordre de 8% … un taux qui n’a cessé de grossir ces dernières années pour atteindre une moyenne de 22% … Le lancement des réservations de loisirs ne se fait donc pas au « taux de démarrage » des hôtels mais bien au taux le plus pratiqué en 2019.
En réalité, les taux affichés sont justifiés (par les OTAs) de plusieurs manières :
- toucher du client en masse coûte cher à l’OTA et donc, comme pour les hôtels, ces coûts,
- d’autre part, à la différence des hébergeurs, les taux des OTAs pour le loisir sont considérés comme « tout compris »; c’est-à-dire, avec notamment les frais d’encaissements de cartes bancaires; ce qui n’est pas le cas pour les hébergeurs.
En effet, en ce qui concerne les loisirs, les OTAs fonctionnent en mode * »marchand»*, c’est-à-dire qu’ils encaissent 100% du montant de la réservation (et supportent donc les frais bancaires) et reversent sa part nette au professionnel (qui n’a pas d’autres frais à supporter dessus).
Enfin, dernier point, sachez que vous pouvez négocier avec l’OTA : le marché des loisirs étant émergent, les OTAs sont prêts à vous « tendre la perche » pour vous inciter à distribuer certaines de vos offres chez eux; surtout si votre attraction est une référence importante (ou très originale) dans votre destination … En tous les cas, ça vaut vraiment le coup d’essayer.
Surveillez bien le contrat
Comme pour tout OTA, les conditions de collaboration doivent être regardées avec précision sur les points suivants :
- quelle est la politique d’annulation et de remboursement entre le client final, l’OTA et vous,
- quelle est la nature du service client après-vente ? Est-il assuré par l’OTA ou par vous ?
- qui possède le client ? En général, en mode marchand, l’OTA reste propriétaire du client et, jusqu’à son arrivée, vous n’avez aucune indication autre que son nom et son prénom (surtout pas d’adresse mail…),
- quelle liberté de relation commerciale et marketing avez-vous avec le client une fois qu’il est parti de chez vous ? Attention, certains contrats vous interdisent de leur adresser des communications et peuvent entrainer un déréfencement de votre établissement en cas de contravention ...
Adaptez vos produits vendus sur un OTA
Quand vous décidez de vous distribuer sur un OTA (Viator-TripAdvisor, GetYourGuide, etc …), pensez à vous différencier en leur proposant des produits et services différents de ceux que vous proposez sur votre propre site.
Pensez aussi à ne pas y distribuer tous vos produits : dans une logique de visibilité augmentée, mieux vaut vous concentrer sur vos produits les plus populaires et conserver sur votre site des produits et services « exclusifs »; ce qui donnera certainement envie à certains de vos (futurs) clients de réserver chez vous, en direct (mettez plus de promotions et d’offres spéciales sur votre propre site, par exemple).
En vous concentrant sur quelques uns de vos produits seulement (les plus populaires !) cela donnera plus de lisibilité à votre offre. Si, par exemple, vous proposez de la multi-activité, concentrez-vous à promouvoir le service le plus populaire et de distribuez pas un catalogue trop complet; les clients ne comprendraient pas vraiment quel type de centre de loisirs vous êtes …
N’oubliez pas, enfin, d’être très flexible dans vos offres : en général, sur les OTAs, les clients réservent plutôt en dernière minute: donc, ne proposez pas des offres à réserver avec un ou deux jours de délai en avance … cela ne fonctionnera pas et votre expérience commerciale sur l’OTA sera forcément décevante.
Dernier point : sur un OTA, vous êtes en concurrence avec d’autres opérateurs (certains plus anciens ou plus avancés que vous sur ces distributeurs). Prenez exemple sur leurs offres et les intitulés qu’ils utilisent car ils connaissent les codes des OTAs (de leurs clients, en fait) et savent mettre des formules qui ont du punch et qui attirent rapidement leur style de public. Musclez vos contenus et présentations (avec de belles photos en plus) car les OTAs sont de grandes vitrines où la compétition entre acteurs es très forte : vous devez donc penser à publier des contenus (simples mais riches) qui montrent de suite ce qui fait la qualité et l’attractivité de vos offres.
Soyez juste sur vos prix
Se vendre sur un OTA quand on est un pro du loisir répond à des règles légèrement différentes que lorsque l’on est un hôtel ou une maison d’hôtes. Vendez vos offres au même prix que sur votre site ou à vos comptoirs : ne majorez pas vos prix pour compenser la commission, par exemple, et bien sûr ne cassez pas non plus vos prix; sauf si vous décidez de vous lancer à travers une promotion exclusive suggérée par l’OTA.
La règle de la cohérence tarifaire est essentielle : respectez-la, c’est vraiment votre intérêt à moyen et long terme (pour ne pas inciter vos futurs concurrents à une surenchère de prix à la baisse, par exemple).
Et gérez de nouveaux avis !
Qui dit OTA et nouveaux clients dit aussi nouveaux avis et nouvelle e-reputation à gérer. En vous vendant via des OTAs, vous ne risquez réellement que de gagner des clients supplémentaires. Donc, potentiellement, des clients qui vont émettre de nouveaux avis sur vous. Veillez donc à plusieurs choses importantes :
- incitez les clients d’un OTA à déposer un avis sur l’expérience vécue chez vous: ces avis, si l’on prend ceux de Google, sont souvent des reprises d’avis provenant d’OTA ...
- répondez rapidement aux questions posées par les clients sur les interfaces de l’OTA et n’éludez aucun sujet; notamment les avis négatifs
Dernier point : surveillez vos ventes et la part globale des OTAs
Une fois que vous avez rempli toutes ces tâches, il ne vous reste plus qu’à gérer ces nouveaux clients et à surveiller de près les revenus en provenance de ces nouveaux distributeurs. Dans quel but ? Que vous ne perdiez pas de terrain sur votre vente directe et vos autres canaux de distribution. Car, encore une fois, au risque de se répéter, les OTAs, c’est comme le Nutella … c’est très bon de temps en temps mais il faut éviter le risque d’y prendre goût et de ne consommer que cela tout au long de la journée :-)