Rapprochement Gîtes de France & Clévacances: l'été sera chaud !

Annoncées cette fin de semaine, les fiançailles de Gîtes de France et de Clévacances finiront-elles par un mariage en bonne et due forme ? Quels avantages en tireront leurs adhérents respectifs ? Quels sont les enjeux du futur réseau ?

C'est par une annonce officielle (voir le communiqué de presse) que les deux principales fédérations françaises de locations de vacances ont officialisé, la semaine dernière, leur négociation exclusive en vue d'un rapprochement dont la date effective n'est pas encore précisée...

Pour les dirigeants des deux fédérations, cette union devrait aboutir à lier les 70.000 hébergements sous label Gîtes de France et les 20.000 hébergements sous pavillon Clévacances, soit un total de 90.000 adresses en France. Les deux marques, toujours selon leurs dirigeants, devraient subsister au terme de la "fusion-absorption".

Car, pour être tout à fait clair, il s'agira plus d'une absorption que d'un mariage de coeur; les difficultés financières du réseau Clévacances n'étant plus un secret pour personne... tandis que le passé de "frères ennemis du gîte rural" alimente la chronique du tourisme français depuis des années. Toutefois, l'heure n'est plus aux chicayas et l'union s'impose désormais à tous mettant un terme à des années de confrontations par marques et réseaux interposés.

Pour le directeur général des Gîtes de France, futur patron de l'ensemble : "La synergie de nos réseaux professionnels, nous permettra de renforcer notre capacité de commercialisation et de communication, dans un environnement concurrentiel et international de plus en plus prégnant".

Et c'est, effectivement, le point le plus important de cet accord : à quelle(s) condition(s) un réseau peut-il espérer survivre dans un univers du voyage devenu une véritable jungle où de véritables mastondontes comme Booking et AirBnB règnent en maîtres ?

En d'autres termes, pour les deux réseaux, l'union des forces s'impose car les enjeux ne manquent pas car, comme certaines chaînes hôtelières, ces derniers doivent non seulement affronter la concurrence des OTAs mais ils doivent aussi enrayer le risque d'évasion de leurs adhérents, entre autres.

S'imposer par le poids du réseau

Comme pour les OTAs, l'un des premiers points de force repose sur la taille de l'inventaire: plus un réseau (ou un distributeur) compte d'offres, plus il a de chances d'attirer du client et donc, d'enregistrer des réservations. Les OTAs (qui se livrent une véritable "course à l'armement" en la matière) l'ont bien compris et déploient des trésors de tactiques pour rallier chaque jour de nouvelles adresses à leur inventaire.


Pour les réseaux, les chargés de compte des OTAs sont de redoutables compétiteurs de leurs équipes locales ...

Ces dernières années, tous les réseaux d'hébergeurs (et pas seulement les gîtes ruraux) ont vu leurs adhérents refluer pour aller se vendre "tout seuls comme des grands" directement chez les OTAs. Autre difficulté: le vieillissement du parc de propriétaires constitue un autre défi de taille. En clair, comment retenir ses meilleures adresses dans son réseau ? quels avantages leur procurer ? quelle liberté leur concéder pour légaliser une forme "d'union libre" à laquelle de plus en plus de propriétaires aspirent, etc ?..

Pour le futur patron du réseau, le directeur général de Gîtes de France, la menace ne semble pas aussi avérée. C'est même, selon lui, un des points forts du nouveau parc fusionné : "Rattraper l'expérience que nous avons acquise n'est pas faisable pour Airbnb. De plus, avec ce rapprochement nous allons cumuler plus de 90 000 hébergements sur toute la France, et par la même occasion cette offre sera supérieure à celle du géant Américain."

Incontestablement, sur le papier, c'est un atout majeur qui transpire de ce projet d'accord mais c'est sans compter sur "l'évasion avérée" de nombreux propriétaires: qu'elles aient tort ou raison, par exemple, en 5 ans, selon des données Gîtes de France, 25% des maisons d'hôtes aurait déjà quitté le premier réseau national.

Garder ses adhérents respectifs, leur apporter une valeur ajoutée bien démontrée et garantir une croissance régulière de leurs revenus et de leurs marges reste l'enjeu prioritaire du nouveau réseau pour réussir sa mue et poser les fondations les plus solides de sa pérénnité. En effet, sans un réseau solide, point d'avenir ... Car d'autres enjeux font face et sont moins faciles à résoudre.

1 marque ou (vraiment) 2 marques ?

L'alliance annoncée restera un fait majeur de l'année 2018 si elle est confirmée. Toutefois, si les deux marques persistent comme annoncé, ce sera moins pour des raisons marketing que pour des "raisons politiques".

On le sait, sur le web, les marques ne valent plus grand chose. Comme le démontrent les études successives partout dans le monde, en matière de tourisme, seulement 16% des internautes recherchent encore leur hébergement en utilisant une marque.

Comme on le voit ci-dessous, sur Google Trends (qui évalue les volumes de recherche d'un terme, d'une expression ou d'une marque), on voit bien l'importance du challenge pour les deux nouveaux alliés: depuis 2004, les volumes de recherche sur leurs marques respectives ont chuté de manière vertigineuse tandis que le terme générique "gite" (et non la marque Gîtes de France) se maintient peu ou proue dans les volumes de recherche des internautes français.

Dans ces conditions, il n'en fallait pas plus pour que les OTAs et les autres portails comme (gites.fr ou a-gites) se précipitent sur ce terme générique et s'imposent sur les recherches Google.

Dans l'exemple ci-dessous, pour une recheche "gite + alpes maritimes", les OTAs trustent les premières positions (payantes). Tandis que Google occupe le reste de l'écran avec ses propres annonces de locations de vacances; un marché plus que prometteur en termes d'annonces payantes pour le premier portail au Monde !

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Dès lors, comment imposer une (a fortiori ... deux) marques sur le digital quand on sait ce que cela coûte de se battre contre les OTAs et d'attirer du visiteur sur son propre site ? Il ne faut pas baisser les bras, bien au contraire et l'union des deux réseaux sera attendue sur ce point : aura-t-elle un effet positif sur le référencement des adhérents ? permettra-t-elle aux adresses des deux marques de mieux se défendre dans les résultats de recherche ? La fusion des deux marques leur permettra-t-elle de conclure des accords stratégiques avec Google, AirBnB ou Booking ?.. et d'éviter de souffrir de leur ombrage ?..

Mais, s'ils persistent à vouloir maintenir deux marques, nul doute que les deux réseaux devront redoubler de subtilités pour développer leur notoriété et le trafic de leur(s) site(s). Sinon, gare à l'asphyxie, à l'épuisement général ... Pour le futur patron de l'ensemble, les deux marques subsisteront: "C'est une volonté, mais clairement nous devons trouver nos territoires de marques, nous devons les clarifier. Il y a un détourage des marques à faire, pour mieux savoir les mettre en avant aussi bien pour les propriétaires et les clients".

Un site ou 2 sites ?

Une fois que l'on a "sécurisé" son inventaire et réglé son problème de notoriété et de référencement sur le web, la question du site internet reste la plus aigue. Là aussi, y-aura-t-il deux marques et donc, deux sites ?

Selon les derniers chiffres publiés par Gîtes de France, son site national cumulait un total de 14,2 Millions de visiteurs en 2016 ce qui déclenchait 54% de ses réservations totales (+15% sur un an). Avec une croissance de 7% de leur CA en un an, les gîtes sont donc clairement dépendants du succès de leur future stratégie internet.

De son côté, Clévacances réalise 6 fois moins de trafic que son nouvel allié: selon Similarweb, durant le premier semestre 2018, son site aurait été visité par 1,9 Millions de personnes contre 11,3 Millions pour Gîtes de France.

Le maintien de deux sites (et donc, des marques qui vont avec) au lieu d'un seul "gros portail" reste donc un sujet plus que d'actualité qui risque fort d'animer les discussions des deux fiancés d'ici la fin de l'automne.

A l'heure où la réservation en ligne est rythmée par les changements fulgurants imposés par les OTAs, un nouveau réseau a-t-il les moyens de courir "deux lièvres à la fois" ?.. Et quid des propriétaires "absorbés" qui ne seraient pas diffusés sur le "vaisseau amiral", le site des Gîtes de France ? Qui leur apporterait une visibilité immédiatement plus forte que le site de Clévacances ?

Mais, en "même temps", un adhérent Gîtes de France soumis à des contraintes qu'il juge plus forte que son voisin Clévacances acceptera-t-il qu'une adresse Clévacances vienne "squatter" sa liste de résultats ? La chaîne Accor a fait les frais de cette stratégie sur son (ex) place de marché et son Président avait dû faire marche arrière sous la pression de ses franchisés...

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Et les propriétaires dans tout cela ?

Les adhérents des deux réseaux n'auront que peu de temps pour donner leur avis sur la "fusion" puisque la signature du "livret de famille" est programmée en septembre.

Et, d'ici là, nul doute que les discussions vont s'animer même si la nouvelle tombe en plein coeur de la haute saison !

Il faudra, en effet, que les deux réseaux (qui reposent eux-mêmes sur une kyrielle de fédérations locales) parviennent à s'entendre (et vite ...) sur les conditions du "mariage". Selon le communiqué de presse: "La finalisation du rapprochement devrait avoir lieu en septembre prochain". Autant dire que ce sera du rapide !

Car au-delà des avis et des projets de leurs dirigeants locaux et nationaux, les propriétaires ont de quoi se poser quelques questions légitimes :

  • quid de la fusion des deux catalogues ? : toutes les adresses pourront-elles se revendiquer demain du label Gîtes de France ? Si je suis Clévacances aujourd'hui, serai-je automatiquement Gîtes de France demain ? Les conditions requises pour passer d'un label à l'autre restent-elles les mêmes ? La migration se fait-elle sans surcoût ? etc.
  • quid des conditions d'adhésion ? Les cotisations annuelles vont-elles changer ? Les prix des services des centrales vont-ils augmenter ? Les outils imposés seront-ils différents ?
  • quid des équipes locales de Clévacances ? Jusque là financées par les fédérations locales et les collectivités, seront-elles intégrées dans les équipes locales Gîtes de France, à quel coût, dans quelles conditions ? Sur ce sujet aussi, les collectivités et leurs satelites (CDT entre autres) devront aussi donner leur opinion ...

Mais tout cela, au fond, ne reste que de la cuisine interne car la seule question que se posent les propriétaires aujourd'hui est la même que l'on soit chez Clévacances ou Gîtes de France : "Cette fusion me rapportera-t-elle plus de réservations ? Ou les réservations qui en découleront me couteront-elles moins en commission maintenant que des synergies sont possibles ?.."

Cette absorption intervient en pleine mutation dans le monde des locations de vacances et de la réservation en ligne : pendant que les réseaux fusionnent, les OTAs galopent pour aller chercher des nouvelles adresses y compris chez les adhérents de ces réseaux. Leur "course à l'armement" dépasse - et de loin - les préoccupations des marques et des fédérations: les OTAs règnent désormais en maîtres et engloutissent chaque jour un peu plus leurs parts de marché sur les locations de vacances.

Qu'il s'agisse de Booking ou d'AirBnB, ces deux réseaux s'imposent désormais comme le premier guichet de réservation en ligne en France et dans le reste du Monde pour les hôtels ou les locations de vacances... Et ces adresses représentent désormais plus de 56% de l'inventaire du premier portail mondial. Sans compter sur Google qui prépare une entrée fracassante sur ce marché ...

Cette fusion était attendue depuis des années par ceux qui prédisaient la disparition du plus faible sous la pression du marché. Inéluctable, elle reste un cas à part et repose sur un modèle bien français. Sera-t-elle la clé d'une alternative (ou d'un complément bénéfique) aux OTAs. Première réponse en septembre si, d'ici là, tout le monde est bien tombé d'accord ...

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