Faux Avis : comment réagir s'ils mettent en cause votre adresse

La prochaine Loi Lemaire (du nom de la secrétaire d’Etat, Axelle Lemaire) prévoit que les plateformes d’avis indiquent aux consommateurs si leurs avis diffusés ont fait l’objet ou pas de contrôles renforcés. Cette disposition (article 24) permet à la fois de renforcer la protection du consommateur mais aussi de mieux sécuriser les hébergeurs face à la recrudescence des faux avis qui peuvent impacter l’image de leur établissement.

D’après une étude récente de TNS, 60% des voyageurs déclarent consulter de temps en temps à régulièrement les avis voyageurs. 15% déclarent même ne réserver un hôtel ou une maison d’hôtes seulement si des avis sont donnés sur cette adresse. C’est dire l’importance de votre e-reputation, terme désormais courant dans le quotidien de votre activité digitale.

Il se peut aussi que votre adresse fasse l’objet de critiques négatives injustifiées ou de mauvaise foi. Dans ce cas, sachez que le droit français apporte quelques protections à votre entreprise. Avec Xavier LECERF, avocat spécialisé au cabinet LEGIPOLIS de Sofia Antipolis, nous avons retracé de manière graduelle (de la procédure la plus simple à la plus lourde) l’ensemble des actions que vous pouvez mener pour faire cesser la publication de « faux avis » (et forcément négatifs) sur votre adresse.

La première action consiste à obtenir la suppression de l’avis litigieux directement auprès de l’éditeur du site. Il vous faut pour cela vous appuyer sur les dispositions de la loi pour la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004. Jusqu’à présent, les éditeurs ne sont pas soumis à une obligation systématique de surveillance des avis publiés sur leur site. "Mais, dès lors qu’ils sont saisis par vous (preuve à l’appui) qu’un avis est litigieux, leur responsabilité est engagée" souligne Maître Lecerf. Attention, toutefois, cette procédure impose un certain formalisme pour lequel de nombreux sites juridiques proposent des modèles préétablis ou, carrément, des actions menées en votre nom, sous mandat. Soyez vigilants toutefois : certains sites ne sont pas animés par des avocats de profession et pratiquent des coûts assez élevés. Ainsi, quelque soit la méthode choisie, une fois votre bonne foi démontrée, soit l’éditeur est d’accord avec vous et, sur la base de vos preuves, il retire l’avis concerné. Soit, il fait la sourde oreille et vous devrez passer à l’étape supérieure.

Sans engager immédiatement une action en Justice, démontrez à votre interlocuteur que vous ne souhaitez pas en rester là. En effet, toutes les plateformes d’avis savent que l’abus du droit de critique est régulièrement sanctionné par nos tribunaux. Sauf qu’il n’est pas toujours facile de délimiter ce qui relève de la critique « normale » de ce qui relève de la critique exagérée. Sans compter sur la difficulté et les longueurs de telles procédures en justice.

Si vous décidez de montez d’un cran, sachez qu’en droit français, laisser libre d’accès au public des faux avis constitue une « pratique commerciale déloyale et trompeuse » au sens des articles L120-1 et L121-1 du code de la consommation. Dès lors, dès qu’un « faux avis » porte atteinte à l’image de votre établissement et que sa diffusion peut modifier le jugement que le consommateur aura sur vous et donc, pourra avoir un impact négatif sur vos réservations, "il est important de brandir rapidement une action en Justice contre l’éditeur du site" souligne notre avocat spécialiste, Xavier Lecerf.

Certes, vous devrez démontrer en quoi l’avis concerné est un « faux avis » ou un « avis trompeur ». Et quel type de préjudice (notamment financier) ce ou ces avis ont causé à votre exploitation. Cette démonstration est souvent compliquée : aussi, il est impératif de la déléguer à un avocat spécialisé.

Il existe d’autres qualifications juridiques pour les faux avis ou les avis dits « dénigrants » : ces derniers ne sont pas forcément infondés mais leur forme peut apparaître exagérément négative. Dans ce cas, n’oubliez pas que vous pouvez actionner l’article 1382 du code civil et faire valoir que ces avis portent atteinte au sérieux de vos services ou de vos produits (à la différence d’actions en diffamation qui vous concernent personnellement ou la personne morale qui exploite votre établissement).

Si le « mal » persiste, il vous faudra aussi passer à la vitesse supérieure. Surtout dans les cas, certes rares, où le faux avis tourne à l’injure ou la diffamation. De nombreux cas de concurrents qui postaient des avis injurieux sur des adresses proches de la leur ont été recensés devant les tribunaux. Dans ce cas, c’est la loi sur la liberté de la presse (1881) qui fait office. Mais attention, cette loi exige un formalisme très précis sous peine de nullité. A commencer par le délai de prescription qui est seulement de trois mois après la diffusion de l’avis. Si vous ne vous en rendez compte et que vous déposez votre plainte trois mois et un jour après sa diffusion, votre demande ne sera pas recevable. Et comme les avis sont, en général, datés, il ne sera pas difficile à la partie adverse de vous renvoyer dans vos cordes. Car la loi sur la liberté de la presse vous permet de poursuivre soit l’auteur (s’il est identifié), soit l’éditeur du site dans le cas où l’auteur ne serait pas identifié (cas d’utilisation d’un pseudonyme). Ainsi, en l’absence d’informations précises sur l’auteur, vous devrez donc poursuivre l’éditeur du site (plus précisément, son directeur de la publication) dont l’identité est précisée dans les mentions légales du site.

Dans tous les cas de figure, toutes ces procédures sont longues et, parfois, couteuses. S’il s’agit d’un seul avis et que la preuve est faite qu’il est faux, vous n’aurez aucun mal à obtenir son retrait de la part de l’éditeur de la plateforme. Une lettre d'avocat bien souvent, suffit. Surtout, si les autres avis sont bons ou très bons. Si ces « faux avis » se multiplient, il se peut que vous soyez confronté à un cas de dénigrement ou de diffamation caractérisé : dans ce cas, ne tardez surtout pas et armez-vous de détermination (ainsi que des conseils d’un avocat) pour sauver l’honneur de votre adresse.

N’oubliez pas que seulement 28% des consommateurs réservent sans faire cas des avis (positifs ou négatifs) et que donc, 72%, y sont très attachés. Et ce, même si les rédacteurs d’avis sont ultra-minoritaires ! En effet, le saviez-vous, ils ne représentent en moyenne que 11% des voyageurs. Et ils sont plutôt jeunes : de 33 à 55 ans et leur profil démographique est plutôt CSP+. Voici un profil intéressant à chouchouter lors de vos prochaines arrivées de clients …

Enfin, dans de rares cas, il se peut aussi que l’avis négatif soit vraiment motivé : dans ce cas, un conseil, acceptez la critique et n’hésitez pas à publier une réponse (qui sera publiée aussi) dans laquelle vous donnerez votre version du souci rencontré par le client, les raisons pour lesquelles ce souci vous a échappé à ce moment-là et les mesures que vous avez prises pour que ce souci ne se reproduise plus. Le cas échéant, expliquez aussi la compensation que vous avez acceptée d’accorder à votre client … si la situation le justifie évidemment.