Fin de la fiesta pour les locations illégales à Ibiza !
Sacré tournant majeur pour "la isla blanca" ! En 17 mois, Ibiza a identifié - puis supprimé ! - plus de 2 800 annonces locatives non conformes, soit exactement 14 532 lits touristiques illégaux, principalement sur Airbnb ... qui a apporté son aide à ce nettoyage de printemps.
"Trop, c'est trop !" ... et c'est pour cela qu'Ibiza a frappé fort en devenant l’un des premiers territoires en Europe à intégrer massivement l’intelligence artificielle et l’analyse de données pour reprendre le contrôle du marché des locations de courte durée sur son territoire.
Tout a commencé en mai 2024, quand l’île a fait appel au spécialiste des données touristiques (Mabrian), pour cartographier en temps réel les locations touristiques présentes sur l'île, trier le bon grain de l'ivraie en quelque sorte, pour identifier les logements "illégaux" et faciliter la régulation du marché. Pour les élus du Consell Insular d'Eivissa, l'objectif était clair : réconcilier développement touristique et qualité de vie locale.
Et c'est peu dire que les élus locaux étaient déterminés puisque, en plus du cabinet d’intelligence touristique Mabrian, ces derniers ont également obtenu la contribution d'Airbnb elle-même ... chacun étant plus-que-motivé (pour des raisons, certes différentes) à mieux encadrer l'activité touristique … Il faut dire que, pour les élus pressés de toutes parts, la régulation du marché était devenue un impératif pour contribuer à détendre l'atmosphère locale ...
Un contexte tendu : le logement sous pression
Car, sur Ibiza comme dans d'autres destinations espagnoles, l’essor fulgurant des locations touristiques a contribué à une véritable crise du logement (qui fait couler beaucoup d'encre aux Baléares). Là-bas, en dix ans, la part des résidences principales est passée de 73,3 % à 67 %, selon l’Institut national espagnol de statistiques (INE). Une prolifération telle qu'en 2024, les Baléares ont connu de nombreuses manifestations contre le "surtourisme" qui a constitué une énorme pression sur les autorités locales. Avant cette opération, on estime en effet que près de 5 000 visiteurs par jour logeaient dans des logements illégaux; soit, autant de voyageurs hors des radars, qui contribuaient à aggraver le surtourisme et les tensions locales sur le logement.
L’équation s'est avérée, cependant, complexe entre la nécessité de préserver l’économie touristique et le besoin urgent de garantir un accès au logement pour les résidents. C'est pour cette raison, qu'en premier lieu, les élus ont pris la bonne initiative : mesurer précisément l'ampleur du problème (d'où le recours à un cabinet d'intelligence de données) avant de décider des meilleures mesures à imposer aux uns et aux autres.
Il faut dire que, selon les données de Mabrian Travel Intelligence, l’Espagne comptait, à l’été 2024, près de 400 000 unités de location courte durée actives. Les Îles Baléares en concentraient, à elles seules, 26 000 (soit 6,5% du stock national) dont 17 % à Ibiza seule.
Une méthode martiale
Comme à la veille d'une grande bataille, les élus ont mandaté leur cabinet d'études pour établir une véritable carte d'état-major. En clair, une carte dynamique des locations … mise à jour chaque semaine. Cette phase, qui a duré 5 mois, a permis de créer un tableau de bord précis sur l'ensemble du parc de l'île avec des suivis précis des évolutions au mois le mois (nombre de lits mis en location, licences effectives versus exploitations "sauvages", tarifs, qualité, avis postés en ligne, etc).
Cette première phase a fait grand bruit sur l'île et a provoqué de nombreuses "évaporations" de locations sauvages. Dans la foulée, les propriétaires récalcitrants ont été clairement engagés dans un processus administratif plus contraignant après avoir identifié les offres de faible qualité ou sans numéro de licence ...
Certaines annonces suspectes ont même été identifiées grâce au "profilage des hôtes" et à l'analyse de sentiment sur les avis clients (qui pouvait donner un faisceau de présomptions sur la régularité du propriétaire) ...
Désormais, donc, les autorités disposent d’un Système de Renseignements Touristiques (SIT Eivissa) capable de surveiller en temps réel le marché de la location courte durée. Résultat ? Une réduction immédiate de 27 % des annonces illégales.
Une véritable "machine de guerre"
Une fois cette logique éprouvée, le modèle est passé au stade "industriel" avec la mise en place d'un système automatisé de détection des fraudes (en juillet 2024) qui s'appuie sur une mise à jour hebdomadaire (et non plus, mensuelle) des locations "suspectes", l'intégration avec les registres officiels (pour identifier très vite si les annonces postées sur les OTAs sont légales ou pas) et la mise au point d'un système de classification des offres par type d’infraction (soit jusqu’à 53 catégories !).
Forts de ces résultats, les élus ont décidé de ne pas s'arrêter là car pour eux: "Le projet ne s’arrête pas à la simple surveillance. Il permet aussi d'alléger les charges administratives des services de régulation" selon l'expression de Vicente Marí Torres, le président du conseil insulaire. Pour cet élu du Parti Popular (droite espagnole), la priorité est de "mieux connecter l’urbanisme au tourisme en soutenant la création d’une Task Force dédiée aux locations illégales". Pour les habitants et les propriétaires de "meublés", c’est donc une véritable révolution qui s'est organisée dans la gestion publique du tourisme d'Ibiza.
Majorque, Minorque et Formentera dès ce mois d'octobre
En réalité, cet exemple démontre aussi que la technologie peut soutenir la régulation, et non s’y opposer. Et que la collaboration public-privé (autorités locales + expert data) est efficace sur un délai de mise en place très court. Enfin, selon ses promoteurs, il offre un modèle duplicable pour toutes les destinations soucieuses de préserver l’équilibre entre attractivité touristique et bien-être résidentiel. En réalité, très prochainement, les autres îles Baléares devraient adopter le même principe. En effet, l’initiative a été vivement saluée par Margarita Prohens, présidente de la région des Baléares, qui souhaite étendre ce système de régulation numérique à l’ensemble de l’archipel dès le mois d’octobre. Pour l'élue insulaire, les enjeux sont clairs : "Redonner la priorité au logement des résidents, soutenir les professionnels du tourisme légal et réduire la pression sur les infrastructures locales". Tout est dit !
Pour les élus insulaires, cette opération "coup de poing", démontre aussi qu’un modèle touristique plus responsable est possible. Sans attendre d'hypothétiques lois nationales, ces derniers ont agi de manière responsable et déterminée; ce qui devrait ouvrir la voie à d'autres ambitions du même genre en Espagne et dans le reste de l'Europe.