Pourquoi les OTAs revoient leurs dépenses marketing
Jusqu'à 50% du CA consommé en marketing pour Expedia ? 32% pour Booking ? Alors que le marché continue de croitre (mais à un rythme désormais stabilisé à 8% par an), la priorité des OTAs est portée sur la réservation directe et les réseaux sociaux !
Selon plusieurs scenarii de prospective établis par BTIG Research, les OTAs (Booking, Airbnb, Expedia ...) seraient parvenues à un seuil de croissance annuelle désormais stabilisé, de l'ordre de 8% pour cette année et les années à venir. Une sorte d'âge de maturité en quelque sorte ...
Cette croissance "stabilisée", loin des taux de croissance à deux chiffres de leurs débuts ou encore de l'ère post-covid, donnent la tendance de nouveaux comportements financiers au sein de ces mastodontes.
En premier lieu, selon BTIG, les grandes plateformes ralentiraient drastiquement leurs acquisitions (d'entreprises) qui leur permettaient de gagner rapidement des parts de marché ou des catalogues entiers d'offres à commercialiser. Ainsi, selon ce rapport, l'essentiel du "cash" dégagé serait consacré, non pas à des opérations de fusion-acquisition, mais à des opérations de rachats d'actions, pour le plus grand bonheur de leurs actionnaires !
Cette prévision réaliste illustre donc une sorte d'aboutissement à l'ère mature de la distribution du voyage et annonce les prochaines "grandes manoeuvres" des OTAs qui gardent en tête de continuer à dominer le marché en actionnant des stratégies différentes de celles employées jusqu'alors et qui privilégiaient les rachats d'entreprises (et/ou de concurrents) à tour de bras !
Jusqu'à 50% du revenu en marketing !
La nouvelle ère des OTAs semble donc se propager dès cette fin d'année 2024 et, pour confirmer nos dires, rien ne vaut mieux que de se replonger dans les rapports financiers de ces compagnies aux tailles de titans.
Pour les "Big 3" (Booking, Expedia et Airbnb), la priorité est de développer leurs réservations "directes"; c'est-à-dire, celles qui ne passent par aucun intermédiaire. Le cas concret le plus courant ? Le voyageur a chargé l'application "Booking" (par exemple) et, lorsqu'il prépare son séjour, recherche directement son hébergement sur l'application sans passer par Google. Autre cas concret ? Le voyageur est sur son mobile (ou son ordinateur) et il tape directement l'adresse "Booking.com" dans son navigateur sans avoir à passer par une liste de résultats émise par Google. Comme vous pouvez le lire, les plateformes aussi sont obsédées par la "réservation directe" pour la bonne et simple raison qu'elle leur coûte moins que celle qui est passée par un intermédiaire; en premier lieu, Google !
Si cet objectif est désormais le premier de tous les objectifs des OTAs (après des années de "course à l'armement" pour attirer un maximum d'offres dans leur catalogue), c'est que leurs budgets marketing ont pris des tailles XXL dans leurs dépenses annuelles.
Selon les derniers rapports financiers connus (2ème trimestre 2024), Airbnb, Booking, Expedia et Trip.com (le "Booking" chinois) auraient donc dépensé 4,6 Milliards $ en 3 mois (contre 4,2 Milliards $ un an plus tôt):
- Airbnb : 573 Millions $, soit 21% du CA (486 M$ en 2023)
- Booking : 1,9 Milliards $, soit 32 % du CA
- Expedia : 1,8 Milliards $, soit 50% du CA (+14% vs 2023)
- Trip.com: 390 Millions $ (+20%), soit 22% du CA
Ces sommes folles - que les professionnels financent via leurs commissions - participent de stratégies et d'orientation marketing très différentes les unes des autres même si, toutes n'ont qu'un but assez paradoxal: investir plus en pub pour moins dépendre de la pub ...
Mobile, réseaux sociaux et fidélisation
Chez Booking, la tendance d'investissement marketing se porte désormais sur les réseaux sociaux car, selon Glenn Fogel, son "Big Boss", "la marque a investi de manière disciplinée sur les réseaux sociaux et nous avons pu mieux atteindre les voyageurs sur les plateformes qu'ils utilisent activement" (facebook, Instagram, Tik Tok, etc). ==Pour ce dernier, les succès de Booking sur les réseaux sociaux sont tels qu'ils avaient incité l'entreprise à revoir intégralement sa stratégie marketing: "Nous avons eu un peu de mal à y parvenir pendant de nombreuses années. ... Maintenant, nous voyons que cela commence à fonctionner, que nous obtenons de bons retours sur investissement, que nous y investissons plus d'argent..." a-t-il ajouté lors d'un récent "call" avec les analystes financiers.
Chez Expedia, la stratégie pour se départir des dépenses publicitaires "conventionnelles" (télé, Google, etc) passera par le développement de la fidélisation de ses clients voyageurs à travers son programme OneKey qui permet désormais de cumuler des points et des remises (également financés par les commissions payées par les hébergeurs) depuis toutes ses marques (Expedia, hotels.com, Vrbo, Abritel, etc...). Ainsi, selon plusieurs calculs non confirmés, le programme de fidélité reviendrait de 2 à 3 fois moins cher à financer que le marketing traditionnel.
Chez Airbnb (qui investit moins que ses deux principaux rivaux), la dépense est maîtrisée à plus d'un titre: la plateforme californienne ne propose pas de catalogue aussi étendu que ses concurrents (qui proposent aussi des hôtels, campings, billets d'avions, expériences, etc), d'une part. Et, d'autre part, la marque a toujours investi sur une relation directe avec sa "communauté" plutôt qu'à travers des campagnes marketing plus "conventionnelles". Enfin, Airbnb a misé depuis longtemps sur son application mobile qui lui permet, grâce à l'expérience hautement qualitative proposée, de fidéliser un grand nombre de guests en direct et donc, de continuer à développer ses marchés sans sursaut de ses budgets marketing.
Quel impact pour les hébergeurs ?
Ces tendances confirment d'abord que ce qui est bon pour les grandes plateformes est bon, aussi, pour les hébergeurs eux-mêmes: investir sur la réservation directe (en offrant une expérience-client de réservation) de très bon niveau est la base pour attirer plus de client en direct que via un intermédiaire. Cela suppose donc d'investir a minima sur un bon site internet et sur une bonne présence sur Google My Business (n'oubliez pas, c'est gratuit pour vous !).
Enfin, ne négligez pas les réseaux sociaux ! Occupez ce terrain car les OTAs n'y ont pas un avantage décisif par rapport à vous : votre clientèle est facile à trouver et à stimuler sur les réseaux sociaux contre quelques heures par mois seulement et, au besoin, quelques euros de "boost" publicitaire. Ces techniques fonctionnent et rapporteront de bons volumes de réservation à votre niveau ... il suffit juste de s'y mettre et, comme le dit le patron de Booking, de le faire de "manière disciplinée" pour y réussir ...