La TVA hôtelière à 12,5 % ?

La perspective d'une TVA hôtelière passant de 10 à 12,5% en 2025 figure dans le rapport adressé, lundi, par les experts de Bercy aux députés et sénateurs qui sont en charge d'examiner le budget français pour 2025 ... Ce totem semble fragilisé par l'impérieuse nécessité de redresser les comptes d'une nation sans gouvernement "en titre" pour quelques jours encore ...

"Déficit", le mot est lâché ! En ces temps d'incertitude politique, les français commencent à se familiariser avec les règles budgétaires de la nation jusque là ignorées: comme le fait qu'il existe des délais précis pour que les hautes administrations, le Premier Ministre (même démissionnaire) et les chambres parlementaires votent le budget de l'Etat pour l'année à venir. C'est dans cette période sensible que nous nous trouvons en cette rentrée si particulière. Et il y a lieu de croire que tout, désormais, semble possible au concours des "meilleures idées pour combler un déficit plus important que prévu". Car, selon les informations publiées ce jour, le déficit français serait supérieur (-5,6%) à celui qui était attendu (-5,1%) et son dérapage pour l'an prochain pourrait même le conduire aux alentours du -6,2%, "hors mesures correctives" comme disent les experts. Et ces mesures "correctives" commencent à émerger dans les propositions des hauts fonctionnaires (Finances) et des parlementaires en charge d'étudier le budget de la France. Un coup de boost sur la TVA hôtellière pourrait même être envisagé, la faisant passer de 10 à 12,5% ...

L'information a été dévoilée ce matin dans la presse économique qui s'est procurée une note de Bercy portant sur les "revues de dépenses" adressées lundi soir aux parlementaires qui se préparent à l'examen du budget 2025 ... qu'un nouveau gouvernement soit en place ou non.

Ce type de note a vocation à identifier à la fois des sources d'économies et des pistes de nouvelles recettes pour aider à réduire le déficit français à défaut de rééquilibrer complètement les comptes de la nation.

L'objectif est de trouver 110 Milliards d'euros d'économies (ou de recettes, en équivalence) d'ici à 2027 dont 30 Milliards dès 2025 ... puis, à nouveau 100 Milliards, d'ici à 2028 ! Autant dire que le besoin financier est tel qu'il autorise les experts même les plus libéraux à s'attaquer à des totems aussi "intouchables" que les hausses d'impôts (dont les taxes).

Selon ce premier rapport, les premières taxes qui pourraient être concernées seraient, entre autres, celles sur l'hotellerie, la restauration ou encore les services de télévision, etc. Dans ce cas, Bercy chiffre le gain à 4 Milliards d'euros par an. Les suppressions d'aides à l'apprentissage, des coupes réglées sur le crédit d'impôt recherche (première niche fiscale française, surtout consommée par les très grandes entreprises ...) ou encore les franchises médicales et certaines aides aux entreprises devraient faire le reste ...

Un totem dans le viseur

En règle générale, l’activité d’hôtellerie est assimilée à une activité de location meublée et, à ce titre, a toujours été exonérée de TVA. Cependant, comme toujours en France, ce principe repose sur des exceptions:

  • les prestations d'hébergement qui incluent des prestations supplémentaires telles que le petit-déjeuner, le nettoyage, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle sont soumises au taux de TVA de 10% (en métropole) et de 2,1% (en Corse). Cela concerne tous les hébergements et, particulièrement, les prestations fournies dans les hôtels de tourisme classés (y compris, de luxe, donc à taux réduit) ou dans les villages de vacances classés ou agréés ou encore, à l’hôtellerie en plein air. On peut donc considérer que la plupart des prestations fournies dans un hôtel sont soumises à la TVA au taux de 10 % (prix de chambre, mais aussi les frais de ménage ou de blanchisserie, tri et collecte des déchets, etc). De même, dans l'hôtellerie en plein air, où les prestations accessoires sont soumises au taux classique de la "TVA hôtellière", c’est-à-dire à 10 %.

  • dans les hôtels, la vente de boissons alcoolisées est soumise au taux de TVA à 20 % que l'achat se sur place, par livraison (room service) ou à emporter,

  • enfin, comme dans les autres commerces, le taux de TVA appliqué aux offres den restauration diffère selon que les produits sont à consommer immédiatement ou de manière différée (le fameux "sur place ou à emporter ?"). Pour les premiers (consommation immédiate comme un repas dans une brasserie, etc), le taux applicable est de 10 %. Et c'est bien ce taux, aussi, qui risque de grimper à 12,5% selon les recommandations de la "revue de dépenses 2025" ... Pour les autres (à emporter), le taux de TVA applicable est de 5,5 %. Rien ne dit pour ce taux-là s'il est également voué à grimper mais rien n'est moins certain tant il touche de nombreuses catégories sociales, quotidiennement, en France; ce qui susciterait certainement de violentes levées de bouclier ...

Fin du suspense en octobre

Chemin faisant, les travaux budgétaires se déroulent (en l'absence d'un gouvernement non-démissionnaire) dans le calendrier prévu et ces premiers indices risquent de devenir réalité si jamais les nouveaux gouvernants n'en modifient pas la trajectoire d'ici octobre. Une TVA hôtelière à 12,5% en 2025 ? Le suspense risque de durer encore quelques semaines ...

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Quid après la nomination de Michel Barnier à Matignon ? Les spéculations vont bon train, en effet, depuis la nomination du gaulliste Michel Barnier qui n'a pas fait secret de son aversion pour les déficits publics et, donc, de sa détermination à prendre les mesures "toniques" que leur redressement impose. Comme ce dernier (et probablement, la majorité très relative qui devrait le soutenir) est farouchement opposé à toute augmentation des impôts, l'hypothèse d'une augmentation de la TVA hôtelière à 12,5% semble désormais plus faible. Cependant, toujours en raison du soutien très relatif des différents groupes parlementaires à l'Assemblée, les arbitrages budgétaires de cet automne risquent d'être des plus compliqués: l'aile gauche du groupe macroniste et le NFP poussent pour le fameux coup de rabot sur la fiscalité des locations saisonnières (alors que le RN est vent debout contre cette mesure). En ce qui concerne le retour d'une TVA hôtelière à un taux supérieur, la droite (héritière de Nicolas Sarkozy qui l'avait ramenée à 5,5% en 2009) va certainement s'y opposer. Alors que le PS (et, par extension, le NFP) dont Jean-Marc Ayrault avait ramené le taux à 10% en 2012 devrait, au contraire, en valider l'augmentation si la piste s'avérait sérieuse.