Pour les hôtels européens, Booking pèse 71%
Comme chaque année à cette époque, l'HOTREC (qui regroupe toutes les organisations patronales et professionnelles hôtelières des principaux pays européens) publie son observatoir de la distribution en ligne des hôtels, pays par pays. Cette année, plus encore, Booking s'impose comme leur premier apporteur d'affaire, loin devant Expedia...
La suprématie de Booking dans les réservations en ligne s'impose chaque année un peu plus ! Selon le dernier rapport de l'HOTREC sur les chiffres de l'année 2023, Booking représenterait 71% des réservations en ligne enregistrées par les hôteliers interrogés. En France, ce taux serait légèrement inférieur à la moyenne européenne, soit 68,1% ... En 2013, année de la première enquête du genre, Booking pesait encore 60% (moyenne européenne) tandis que le groupe Expedia (qui comporte les sites Expedia, hotels.com, eBookers, et Orbitz) maintient la même position qu'il y a onze ans, soit 14,4%. En revanche, c'est bien HRS (qui pesait 16,6% des réservations en 2013) qui connaît la pire dégringolade puisque son poids dans les apports d'affaires des hôteliers est passé de 16,6% en 2013 à 4,6% en 2023, soit presque quatre fois moins !
Question dépendance aux OTAs, tous les hôteliers ne sont pas logés à la même enseigne: selon l'étude, plus l'hôtel est de taille modeste, plus grande est sa dépendance aux OTAs.
Si près d'un tiers des hôtels (28%) dépendent des OTAs pour entre 30% et 49% de leurs affaires, un hôtel européen sur cinq (20%) dépend de Booking, Expedia et leurs concurrents à 50%. Pour les hôtels de moins de 20 chambres, la dépendance aux OTAs est encore plus forte puisque les affaires de 27% d'entre eux dépendent des OTAs pour au moins 30% (et jusqu'à 49%) de leurs réservations. Enfin, 27% des hôteliers réalisent au moins la moitié de leurs nuitées uniquement via les OTAs.
Dans le même temps, l'étude HOTREC 2023 démontre qu'une grande partie des hôteliers ne met pas à profit l'arsenal législatif à leur disposition pour afficher, par exemple, un meilleur prix sur leur propre site: aussi surprenant que cela puisse paraître, 43% des hôteliers continuent de n'afficher aucune différence de prix entre leur site et les OTAs ! 27% affirment ne le faire qu'occasionnellement tandis que 16% des hôteliers revendiquent de le faire très souvent, sinon tout au long de l'année. Pire ! 14% des hôteliers ne savent même pas dire si leur site affiche de meilleurs prix que ceux des OTAs ... En même temps, 27% des hôteliers européens déclarent ne pas encore être équipés d'un channel manager pour pouvoir ajuster leur distrbution et leurs prix de manière automatique ...
Qui va à la chasse ...
Sur les autres portails de distribution parmi les plus fréquentés au monde que sont les sites de comparaison (Google Hotel Direct, Trivago, Tripadvisor ...), les réponses des hôteliers européens ont de quoi surprendre les analystes de l'HOTREC:
- 46% seulement affirment s'y afficher
- 34% se posaient encore la question d'y aller
- 21% ne savent même pas de quoi il s'agit ...
Pas etonnant, dés lors, que Booking et ses concurrents trustent les meilleures places des résultats de Google Direct dans la plupart des cas ... Car, c'est bien là que tout se joue pour les hôteliers les plus actifs et prospères sur ce terrain: 80% de ceux qui se battent pour apparaître dans les moteurs de comparaison affirment s'afficher en priorité sur Google Hotel Direct (qui est gratuit !), 36% sont aussi sur Trivago (le leader européen) ...tandis que la plupart d'entre eux a deserté TripAdvdisor (au profit de Google, sans aucun doute) puisqu'ils n'étaient plus que 49% en 2023 contre 71% dix ans plus tôt.
Un combat de tous les jours
La bonne nouvelle ? La plupart des hôteliers ont doublé leurs réservations directes via leur propre site entre 2013 et 2023; certainement au prix de nombreux efforts de digitalisation. Dans le même temps, la part des OTAs a également quasiment doublé mais, plutôt au détriment des tour-operators, des groupements de chaines et des organisations locales du tourisme (voir plus loin).
En France, les OTAs ont progressé moins vite; passant de 27,6% des réservations (en 2013) à 32,6% (en 2023). Dans le même temps, la part de revenu générée par les sites "directs" des hôteliers est passée de 11% à 16%, les réservations par mail (ou par fax) ont fondu comme neige au soleil (elles ne pèsent plus de 0,3% du total pour un temps passé et des coûts élevés). Les organismes de promotion touristiques (offices, comités départementaux et régionaux) sont passé de 1,7% des réservations générées en 2013 à 0,2% en 2023 ... Ce qui démontre que leur rôle, comme nous le disons depuis longtemps, n'est donc plus dans la distribution en ligne mais plutôt dans la digitalisation des professionnels dont les besoins (on le voit avec ces chiffres circonscrits aux hôteliers) sont criants.
Les OTAs - encore une fois, nous le redisons - ne sont pas des ennemis des professionnels du tourisme. D'une part, historiquement, la place qu'ils se sont gagnée n'a pu l'être qu'avec le consentement des professionnels qui leur ont accordé des nuitées à vendre. D'autre part, leur savoir-faire pour toucher des publics nombreux et convertir leurs visiteurs en clients n'est plus à démontrer et, de leur point de vue, justifie de payer des commissions en rapport avec cette efficacité. Comme toujours, il ne s'agit là que d'une question de rapport de force: soit l'hôtelier est investi dans sa digitalisation et se concentre sur les bonnes pratiques et ses résultats "directs" (puis sa marge) suivront, soit il s'en désinteresse et il ne devra pas (plus) se plaindre de s'être placé sous le joug des OTAs.