Les recrutements et la gestion des saisonniers passent à la vitesse supérieure
S'agit-il d'une confirmation que la saison 2024 sera vraiment exceptionnelle ou est-ce dû à la migration massive des saisonniers vers les JO de Paris au détriment de leurs destinations habituelles, toujours est-il que les professionnels et les collectivités du tourisme se démènent pour mobiliser un maximum de saisonniers et réunir, au besoin, de meilleures conditions d'hébergement pour encourager toutes les formes de candidatures ...
Chaque année, le recrutement de travaillers saisonniers s'impose comme un défi de plus en plus difficile à relever pour les professionnels du tourisme. L'un des premiers obstacles tient à la question de leur logement. Avec l'accentuation massive des difficultés de recrutement, depuis deux ans au moins, certains employeurs ont décidé de réaliser d'importants investissements pour héberger leurs employés; une solution qui n'est pas à la portée de toutes les bourses, cependant.
Pour répondre à cette urgence en faveur des employeurs les moins aisés, le gouvernement a élaboré une feuille de route pour 2023-2025, qui s'articule autour de 15 engagements, dont huit sont spécifiquement dédiés à améliorer le logement des saisonniers. L'objectif est de mieux accueillir, orienter et accompagner ces travailleurs vers l'emploi, en lien avec les autorités locales pour développer des solutions adaptées aux différents besoins. Et certaines d'entre elles, n'hésitent pas à mobiliser des moyens et des stratégies inédites pour surmonter cet obstacle (le recrutement des employés saisonniers) sans lesquels toute saison paraît impossibleL
Ainsi, la station balnéaire des Sables d'Olonne, via son initiative "Louez l’été", encourage les propriétaires à louer leurs logements vacants à des prix contrôlés. En contrepartie, ces derniers se voient offrir des avantages divers comme des subventions pour des rénovations de leur bien immobilier.
En Occitanie, Action Logement, un organisme issu du mouvement patronal espère inciter le plus de propriétaires à mobiliser les logements privés inoccupés, en particulier les studios sur le littoral, pour soutenir cette démarche. Pour aller plus loin, cet organisme a mis en place "Louer pour l’emploi", un dispositif offrant des garanties de paiement du loyer et contre les dégradations, ainsi qu'un prêt à faible taux pour rénovation.
En lien avec les Crous (logements étudiants), certaines régions parviennent à débloquer plusieurs centaines de logements pendant la saison à des prix très abordables (comptez 360 euros par mois pour un saisonnier). En Région Sud, par exemple, en 2024, le "parc" mis à disposition des saisonniers se chiffrerait à 1000 logements selon "L'Hotellerie Restauration".
"L’accompagnement de l’emploi saisonnier représente un enjeu de taille et, chaque année, la problématique du recrutement des saisonniers se fait de plus en plus forte, notamment face au manque de logements. Le tourisme est le poumon économique de la Région Sud. A travers cette expérimentation, nous souhaitons lever les freins à leur emploi pendant la période estivale et leur dire : venez travailler chez nous !" a récemment déclaré Renaud Muselier, Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, également Président délégué de Régions de France.
D'autres expériences voient le jour dans d'autres régions comme la Bretagne où des chambres d'internat (de lycée hôtelier, comme à Dinard) sont également mises à disposition des employés saisonniers de l'hotellerie et de la restauration. À la Baule, Podeliha, une autre filiale d'Action logement, a installé 31 logements modulaires. "Pour aider efficacement les saisonniers à se loger, nous privilégions la production de logements totalement ou partiellement dédiés, ainsi que l’expérimentation de nouvelles solutions de logements déplaçables précise Corinne Bedos-Toulgoat, Directrice Générale adjointe d’Action Logement Services. "Action Logement intervient également en tant que financeur de la production de logements dédiés, avec une offre largement ouverte sur des produits à destination des saisonniers, qu’il s’agisse de résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS), ou d’autres résidences pour le logement de jeunes actifs et de salariés saisonniers ou en mobilité. Ces résidences présentent l’avantage d’offrir des conditions tarifaires inférieures d’au moins 15 % aux loyers du marché. Enfin, le groupe investit dans l’ingénierie territoriale et d’innovation, pour expérimenter de nouvelles solutions Logement, comme le logement intergénérationnel".
Une plateforme en ligne a même été lancée pour faciliter la recherche de ces hébergements dans plusieurs régions, avec l'objectif d'étendre cette offre à l'échelle nationale.
Branle-bas de combat chez les campings !
Les besoins de recrutements se font encore sentir - à cette période de l'année - dans de très nombreux campings et la tension semble s'installer, dans les mêmes conditions, depuis la fameuse ère post-covid. Là aussi, le phénomène semble s'être accentué du fait des JO et des Jeux Paralympiques de Paris qui ont aspiré de nombreux candidats à la saisonnalité sur la capitale au détriment des traditionnelles destinations touristiques de l'été.
Cette année encore, après un démarrage timide l'an dernier, la Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air (FNHPA) multiplie les annonces sponsorisées sur Google pour promouvoir sa plateforme "Ma carrière camping", dans le but de simplifier le processus de recrutement pour les professionnels du secteur. Non seulement, les campings font face à la pénurie de candidats, mais le métier ayant considérablement changé (avec des campings qui sont devenus de véritables resorts avec des clients de plus en plus exigeants), les patrons de l'hôtellerie de plein air sont activement en recherche de profils "plus capés".
Selon ses dirigeants patronaux, si le secteur attire de plus en plus de voyageurs, il souffre aussi d’un déficit de personnel qualifié, ce qui nuit à la qualité des services offerts, notamment dans les domaines de la restauration et de l'hébergement. Par ailleurs, évolutions sociales oblige, ces derniers notent que les salariés expriments des attentes nouvelles comme celle, par exemple, d'éviter de travailler les week-ends ... y compris en saison (no comment) ...
La plateforme propose des vidéos et des fiches métiers pour éduquer à la fois le grand public et les étudiants sur ces carrières et aurait attiré, en 2023, près de 115 000 visiteurs. Un site fréquenté par les patrons eux-mêmes pour y piocher des fiches métiers très utiles au moment de profiler les meilleurs candidats à leurs sessions de recrutement.
Casser l'image de la précarité
Plus globalement, ces initiatives se multiplient pour contrer l'image (grandissante) de précarité associée aux métiers du tourisme. Même si, par nature, un emploi saisonnier est précaire, de plus en plus d'organisations patronales débordent d'initiatives pour démontrer qu'un "boulot saisonnier" peut se transformer en emploi durable, voire en CDI ...
Cette démarche rejoint celle lancée par le ministère du tourisme en 2022 (voir plus haut) qui visait non seulement à promouvoir les carrières dans l'hôtellerie (et toutes les autres filières du tourisme, en général)et à démythifier tous les préjugés basés sur la précarité de ces emplois. Le décalage entre l'évolution des aspirations des (jeunes) saisonniers et des exploitants touristiques apparaît plus cruellement ces derniers temps où, du secteur agricole au secteur touristique, les obstacles au recrutement semblent de plus en plus inédits.