Ces maires qui veulent verrouiller les locations saisonnières

Jusqu'à un passé très récent, pas question de toucher aux locations saisonnières dans de nombreuses communes touristiques françaises ... Et pour cause, leur nombre et leur "discrétion" commerciale pouvaient aller de pair avec le reste des opérateurs touristiques; c'est-à-dire, principalement, les hébergeurs professionnels comme les hôteliers, les propriétaires de chambres d'hôtes et de campings, etc ... Mais ça, c'était avant. Avant Airbnb et les nombreuses copies du champion mondial de la location de vacances et l'émergence de dizaines de milliers de locations de vacances aussi facilement réservables (sinon plus ...) que n'importe quelle chambre d'hôtel.

Depuis ces dernières années et, en particulier, avec l'accélération du phénomène post-covid, rien ne va plus et de nombreux maires ont de plus en plus de mal à jouer sur les deux tableaux; c'est-à-dire, d'un côté, défendre leurs "pros" et de l'autre, fermer les yeux sur une activité concurrente qui provoque rogne et déséquilibres dans de nombreux territoires.

D'où le sens de la tribune - signée par de nombreux élus de stations touristiques - et publiée hier, sur le Journal du Dimanche (JDD).

Pour ces élus, il est temps que la législation se renforce et "pas qu'à moitié". Confrontés à une offre qu'ils ne parviennent plus à maîtriser - et encore moins, à réguler - face aux entreprises touristiques traditionnellement établies sur leurs communes, les élus soumettent 7 mesures dont la mise en oeuvre leur semble urgente:

  • Premièrement, "taper au porte-monnaie" en obtenant la suppression de la niche fiscale dont bénéficient les locations meublées: cette proposition fait écho aux préconisations de 4 députés (transpartis) qui réclament que les avantages du régime micro-BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux non professionnels) exclue, à l'avenir, les meublés de tourisme, autres que les gîtes ruraux, du bénéfice du régime des micro-bénéfices industriels et commerciaux. Selon les organisations de loueurs en meublés, en réalité, ce régime ne profiteraient qu'à 15% d'entre eux puisqu'il impose d'obtenir préalablement un classé de "meublé en tourisme" pour pouvoir en bénéficier ... ==Pour les élus signataires de la tribune, "la location de longue durée (NDLR: et donc, le fait de privilégier les résidents "locaux et à l'année") doit devenir fiscalement plus attractive".

  • Dans la même veine, les élus réclament une révision plus profonde des règles fiscales qui affectent les résidences secondaires "(...) afin de favoriser la mise de biens sur le marché de la location longue durée et de lutter contre la spéculation immobilière". Une fois de plus, les élus veulent marquer le fait qu'ils entendent moins lutter contre l'activité touristique que promouvoir l'attractivité "à l'année" de leur station et, ainsi, de favoriser le maintien des habitants dans leur commune.

  • Autre proposition qui "touche aussi au porte-monnaie", interdire aux plateformes touristiques de publier les annonces de biens réputés être de véritables passoires thermiques. Cette contrainte - ajoutée à celle de fournir un numéro d'immatriculation en mairie - devrait donc imposer, à terme, aux plateformes de se voir fournir l'indication de consommation énergétique d'un bien locatif afin d'en autoriser sa publication (s'il est dans les "cordes" évidemment). Dans ce cas, comme le suggèrent les responsables de loueurs, "pourquoi ne pas imposer aussi cette contrainte en ce qui concerne les hébergeurs professionnels ?"

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Les maires signataires de cette lettre ouverte : Philippe Aramendi, maire d’Urrugne, Pyrénées-Atlantiques
François Astorg, maire d’Annecy, Haute-Savoie
Philippe Becheau, maire de Saint-Philippe-d'Aiguille, Gironde
Bruno Bernard maire du Grand Lyon, Rhône
Michel Bernos maire de Jurançon, Pyrénées-Atlantiques
Benoit Boyon maire d’Harskirchen, Bas-Rhin
Thibault Brechkoff maire de Dolus d'Oléron, Charente-Maritime
Hervé Cagnard maire de Locmariaquer, Morbihan
Sylvain Camus maire de Ploulec’h, Côtes d'Armor
Frédéric Cayrafourcq maire de Saint-Armou, Pyrénées-Atlantiques
Catherine Combes maire de Saint-Chinian, Hérault
Loïc Coutry maire de Laà-Mondrans, Pyrénées-Atlantiques
Laetitia Dehan maire d'Eclusier-Vaux, Somme
Dominique Duhieu maire d'Azur, Landes
Capucine Faivre maire de La Roche-Guyon, Val d'Oise
Olivier Gaillard maire de Sauve, Gard
Patrick Galivel maire de Moisdon-la-Rivière, Loire-Atlantique
Arño Gastambide maire d’ Ayherre, Pyrénées-Atlantiques
Raphaël Georgeon maire de Vanzac, Charente-Maritime
Dominique Herpin-Poulenat, maire de Vétheuil, Val d'Oise
Roland Hirigoyen maire de Mouguerre, Pyrénées-Atlantiques
Romain Kusosky maire de Notre-Dame-de-Londres, Hérault
Jean-Marie Labesse maire de Damgan, Morbihan
Patrick Levaque maire de Saint-Julien-sur-Calonne, Calvados
Patrice Libelli maire de Vaux-sur-mer, Charente-Maritime
Simone Malville maire de Larré, Morbihan
Séverine Marchand maire de La-Plaine-sur-Mer, Loire-Atlantique
Daniel Martin maire de Port-Louis, Morbihan
Sébastien Miossec maire de Riec-sur-Bélon, Finistère
Léonore Moncond'huy maire de Poitiers, Vienne
Grégory Nexon maire de Castetbon, Pyrénées-Atlantiques
Jean-Marc Oçafrain maire d’Ossès, Pyrénées-Atlantiques
Nicolas Oudaert maire de Le Gâvre, Loire-Atlantique
Christophe Pavie maire de Nieul-le-Virouil, Charente-Maritime
Marie-Christine Peraudeau maire d’Arvert, Charente-Maritime
Serge Pichot maire de Gerzat, Puy-de-Dôme
Quentin Kattalin maire d’Audaux, Pyrénées-Atlantiques
Josian Ribes maire de Montbazin, Hérault
Laurent Robin maire de Machecoul-Saint-Même, Loire-Atlantique
Yves Robin maire de Porspoder, Finistère
Jean-Marie Rocques maire de Montfarville, Manche
Clément Rohmer maire de Bootzheim, Bas-Rhin
Eric Rojo maire de Couquèques, Gironde
Nathalie Roux maire de Doucier, Jura
Stessy Speissmann Mozas maire de Gérardmer, Vosges
Marie-Pierre Teyssier maire de Civrieux d’Azergues, Rhône
Amapola Ventron maire de Cabriès-Cala, Bouches-du-Rhône
Christian Viel maire de Barbeville, Calvados

Un contrôle "à la source" plus strict

Pour se donner les moyens d'un véritable contrôle du "flux" de locations saisonnières, les élus proposent aussi qu'un propriétaire ne puisse être accepté sur une plateforme numérique (Airbnb, LeBonCoin, Vrbo, etc...) que s'il peut se prévaloir d'un "agrément meublé de courte durée" qu'il devrait, certainement, se procurer en mairie ... Sur quels critères, selon quel label, le cas échéant, le débat n'est seulement ouvert que maintenant ...

Autre contrainte : "Réduire à 90 le nombre de nuitées autorisées pour la location de sa résidence principale, au lieu de 120 nuitées actuellement, et étendre cette interdiction aux résidences secondaires". Dans une proposition voisine, 4 députés "transpartis" (Julien Bayou (EELV), Inaki Echaniz (PS), Christophe Plassard (Horizons) et du sénateur Max Brisson (LR)) proposent même de porter cette réduction à 60 jours ... une proposition évidemment soutenue par les élus signataires de cette tribune dominicale.

Enfin, ces élus veulent redonner du pouvoir au "local" et demandent, en conséquence, que l'Etat "accroîsse l’autonomie de régulation pour les collectivités" comme cela se balbutie déjà dans de grandes villes ou à Paris. Enfin, d'une manière générale, les élus signataires rappellent qu'ils veulent que l'Etat accepte aussi de "renforcer la lutte contre les pratiques frauduleuses pour favoriser l’accès au logement et lutter contre l’augmentation des prix en zones tendues".

Si les élus rappellent leur attahchement à l'économie touristique et au fonctionnement "harmonieux" d'une saine cohabitation entre hébergeurs professionnels et occasionnels, leur intention reste ferme à l'égard de la nouvelle génération de loueurs. Pour ces élus, "les perdants seront ceux qui transforment des appartements, voire des immeubles entiers, en locations courte durée, spéculant sur le manque de logements et alimentant à dessein la pénurie d’habitations pour les populations locales".