L'Europe resserre l'étau sur les locations de vacances

La semaine dernière, l'UE a édité un texte qui a l'ambition de contrôler la prolifération des locations de courte durée sur le marché européen. Son ambition est de constituer une vaste base de données europénne, d'obliger chaque propriétaire à se déclarer et contraindre les plateformes à ne diffuser que les offres déclarées en mairie et au niveau européen ...

Sans être totalement stigmatisées, les locations de vacances font l'objet d'une attention toute particulière de la part des régulateurs qu'ils soient élus locaux (voir plus loin, le cas de Val d'Europe) ou dirigeants européens. Les raisons sont multiples : la première réside dans le fait que ces adresses, principalement dans les grandes villes, investissent le marché de la location saisonnière au détriment de la location dite "longue durée"; c'est-à-dire, celle réservée aux résidents locaux. Entrainant de facto pénuries de logements et donc, inflation des loyers dits de long terme. La seconde raison tient au déséquilibre du marché - que dénoncent les hôteliers, maisons d'hôtes et campings - qui se trouvent, depuis plusieurs annnées, confrontés à une affluence croissante, et sans précédent, de nouveaux concurrents "non-marchands" sur chacun de leurs territoires (lire notre dernier article à ce sujet).

Ces derniers mois, les locations saisonnières sont devenues, non pas "la bête à abattre", mais le phénomène à maîtriser coûte-que-coûte ... à la fois compte tenu de son importance numérique (rien qu'en France, on compte plus de 300.000 locations de vacances contre seulement 18.000 hôtels et 30.000 maisons d'hôtes), mais aussi et surtout, compte tenu de ses contours quelque peu "opaques" comme le qualifient les régulateurs...et qui les rend souvent "invisibles" aux règlementations appliquées ou, pire pour les collectivités, aux taxes dues (comme celle de séjour, par exemple). Et par ces temps de pénurie financière, il y a urgence à maîtriser un écosystème ainsi caractérisé ...

La semaine dernière, la commission européenne a donc publié un nouveau règlement dont le but est d'harmoniser le partage de données gérées par les opérateurs de plateformes de locations de courte durée tels que Airbnb, Booking.com ou encore Expedia (avec sa filiale, Vrbo, notamment)... Convaincue qu'il sera difficile d'obtenir des propriétaires de logement une coopération immédiate et complète, le régulateur européen prend donc le parti d'interroger les plateformes les plus populaires sur lesquelles ces derniers se distribuent donc massivement !

1 réservation sur 4

Pour les états, confrontés à des phénomènes difficilement contrôlables depuis l'avènement massif des locations de vacances et leurs plateformes, et le régulateur européen, il y a d'autant plus urgence à agir que les réservations de locations de vacances représentent déjà 25% des réservations à l'échelle européenne ...

Le nouveau règlement s’appuiera donc sur la récente loi sur les services numériques (Digital Services Act, DSA). Cette législation, récemment adoptée (le 5 juillet), introduit un arsenal de nouvelles règles (et de responsabilités !) pour tous les acteurs du "digital". Ainsi, plutôt que de créer de nouvelles obligations aux propriétaires, le dispositif imaginé par l'Europe fera principalement peser la pression sur les épaules des OTAs (Booking, Airbnb, etc).

Mieux tracer qui fait quoi

Au départ, le "Digital Services Act" a vocation à régir l'intégralité de la sphère digitale en Europe: son but est de renforcer la lutte contre les contenus illégaux et la désinformation. Son application est déléguée aux coordinateurs nationaux des services numériques.

Si les locations de vacances ont été "rattachées" à ce dispositif, c'est que la commission a jugé que leur explosion (et ses conséquences majeures sur le marché) posait plusieurs problèmes à circonscrire durablement : pour l'UE, par exemple, cet univers "manque d’informations fiables (...) telles que l’identité de l’hôte, l’endroit où ces services sont offerts et leur durée, ce qui complique l’évaluation par les autorités de l’impact des locations de courte durée" souligne la déclaration de l'institution europénnée.

L'UE, pour justifier son dispositif global, déplore aussi que les initiatives lancées - sur le même sujet - à travers quelques pays (dont la France) n'ont pas totalement porté leur fruit; d'où la nécessité de "taper un grand coup" et d'harmoniser le dispositif à l'échelle de toute la communauté. Pour l'UE, pas question de revenir en arrière et de "laisser la main" aux pays car, jusqu'à présent, "tous ces efforts ont été trop fragmentés, laborieux et souvent inefficaces" se justifie la commission.

Il faut dire que la résistance s'est organisée à tous les échelons de l'écosystème : si l'on prend la règle 120 jours de locations courte durée cumulée en France, ce n'est qu'après une pression monstre des autorités que les principales plateformes ont fini par consentir à échanger leurs données pour tracer les jours de location de tel ou tel propriétaire sur les différents sites et calculer si oui ou non ce dernier restait bien dans la limite autorisée. Idem pour le numéro d'inscription en mairie: théoriquement, les propriétaires candidats à la location de courte durée doivent obligatoirement se déclarer en mairie et communiquer ce numéro aux plateformes sur lesquelles leurs offres sont diffusées. À leur tour, les plateformes doivent publier ce numéro sur les pages de l'annonce; ce qui n'est pas toujours le cas ...

De leur côté, loin de vouloir s'affranchir de certaines règles, les plateformes invoquent avant tout des questions techniques et pointent aussi des interrogations du côté de la protection des données (RGPD) pour justifier certains retards ou autres "trous dans la raquette". Mais cette fois-ci, l'UE ne l'entend pas de cette oreille: avec sa nouvelle réglementation, elle entend que tous les acteurs de la chaîne se conforment le plus vite possible à ses exigences de transparence ...

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En octobre 2020, la justice européenne validait la loi française destinée à réguler la location d’appartements pour de courtes durées. Dans son arrêt, la cour de justice européenne, indiquait que "La lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation".

De nouvelles obligations pour tous

Selon le texte publié par la Commission, les pays de l'UE se dirigent tout droit vers un "cadre harmonisé pour le le partage des informations relatives au marché de la location de courte durée". Ainsi, des obligations s'imposeront à tous : propriétaires, plateformes ... et autorités locales.

Par exemple, selon le texte, il existera bientôt une procédure européenne d'enregistrement des locations de vacances qui s'imposera à tous, "dans le but de garantir une meilleure traçabilité des offres et de leurs propriétaires".

Les États, de leur côté, pourront renforcer la nature et la "profondeur" des informations exigées ... mais, jamais en deça de ce que va désormais exiger l'UE ! Matériellement, cela devrait passer par une plateforme de déclaration centralisée au niveau de l'UE (comme ce qui se fait aussi pour le dépôt des marques avec l'OHMI, par exemple). Après cette inscription, le propriétaire se verra attribuer un identifiant unique sans lequel il ne pourra plus se distribuer sur les plateformes. Cette déclaration sera aussi l'occasion pour les propriétaires de fournir à l'UE (qui les partagera avec les autorités nationales et locales) des informations complémentaires sur leur(s) logement(s), son mode d'exploitation (particulier ou professionnel), son mandataire (s'il en a confié la gestion à une entreprise tierce), etc ...

Ce regsitre européen fera foi pour que les autorités locales puissent, le cas échéant, lancer des contrôles sur certains propriétaires et leur demander de précisions, dans un premier temps, avant de ne dégainer un régime plus coercitif de sanctions. Une des menaces pourrait reposer sur le retrait immédiat du numéro d'enregistrement (européen et national) et une notification immédiate à toutes les plateformes de retirer l'annonce concernée sur le champ ...

Cette dureté sera somme toute modérée par le fait que les propriétaires disposeront de délais de recours contre ces décisions mais, avec l'accélération du digital, il est possible que ces mesures (même en appel) soient des plus expéditives.

Enfin, côté plateformes, elles devront transmettre - automatiquement et chaque mois - les données complètes concernant les biens mis en location sur leur site. Cette obligation - mensuelle - ne concernera que les plateformes qui recenseront plus de 2500 propriétaires. En deça, elles seront aussi soumises à une obligation de communication, mais sur une période trimestrielle et non mensuelle.

Lutter contre l'illicite

Certes, ces mesures devraient agir comme une douche froide chez certains propriétaires qui prenaient goût, depuis plusieurs années, à toutes les plateformes spécialisées. Ces mesures devraient, à l'inverse, réjouir les "hébergeurs marchands" (hôtels, maisons d'hôtes, gîtes, campings ...) qui appelaient de leurs voeux une réglementation plus sévère pour mieux encadrer ce débordement concurrentiel.

Mais l'UE veut aussi mettre un terme aux locations illicites qui pulullent sur le marché et qui font des milliers de victimes chaque année (ils réservent, paient tout ou partie et se retrouvent sur un terrain vide, un pavillon témoin ou chez un autre propriétaire sans rapport avec l'annonce ...).

Cette nouvelle orientation ne devraient pas poser de soucis aux propriétaires qui se trouvent "dans les clous" et, a priori elle devrait réguler un marché qui s'emballe comme jamais. Elle devrait aussi aider les collectivités dans leurs propres démarches de protection du marché du logement en harmonisant des mesures sur l'ensemble du territoire de l'UE et en recourant aux méthodes digitales les plus avancées.

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Si la justice européenne reconnaissait il y a 2 ans (voir plus haut) que la pénurie de logement était un motif justifiant, pour une collectivité, de bloquer la mise en location de certains biens, cette même cour jugeait que les municipalités devaient prouver par des arguments "clairs" et "transparents" qu’il y a bien pénurie de logements, liée notamment à l’afflux de touristes. Faute de quoi la mairie pourrait être déboutée. L’agglomération du Val d’Europe (77), située à proximité de Disneyland Paris, vient d'en faire les frais ... Le Tribunal administratif de Melun a suspendu le dispositif qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2023 et par lequel la collectivité territoriale avait prévu que, sur la totalité des 10 communes de l’agglomération, il ne pourrait pas y avoir plus de 1% de locations touristiques par rapport à l’ensemble des logements. Par ailleurs, la part de locations de courte durée ne pouvait pas dépasser 2% dans un même immeuble. La décision de justice portait sur un référé et doit encore être jugée sur le fond; ce sur quoi la collectivité fonde encore ses espoirs de victoire judiciaire ...