Quand les hôtels usent des "faux avis" pour contrer les locations haut-de-gamme

Une toute récente étude universitaire américaine vient de démontrer que les hôtels haut-de-gamme (habitués à s'adresser de faux avis négatifs lorsqu'ils étaient en concurrence), uniraient désormais leurs forces pour cibler les locations haut-de-gamme qui s'installent près de chez eux. En clair, les ennemis d'hier deviennent les alliés d'aujourd'hui pour contrer, par tous les moyens, les nouvelles formes de concurrence...

Pas moins de trois chercheurs (Cheng Nie, Zhiqiang (Eric) Zheng, and Sumit Sarkar), tous trois de l'Iowa State University, viennent de voir validée leur étude sur un sujet très pointu : "Concurrencer l'économie du partage (les locations de vacances) : la réaction des opérateurs historiques face à la manipulation des avis".

Sérieuse et documentée, cette étude s'appuie sur l'observation de 2188 hôtels au Texas et ce, sur les huit dernières années, pas moins que ça ! Le postulat de départ est que les hôtels pratiquaient souvent le "dénigrement concurrenciel" en postant sur les sites d'avis de (faux) commentaires négatifs sur leurs rivaux locaux. Et cette pratique semblait plutôt concerner les hôtels haut-de-gamme que les hôtels économiques d'une même zone de concurrence. Pourquoi ? Selon les chercheurs, les clients d'hôtels économiques sont peu sensibles aux avis-clients alors que les clients d'hôtels haut-de-gamme (à plusieurs centaines d'euros la nuitée) sont plus vite refroidis dès lors qu'un ou plusieurs avis négatifs viennent contrarier leur choix initial ...

Selon ces chercheurs, cette pratique est avérée et mathématiquement prouvée. Leur changement de tactique, aussi !

Du négatif au positif !

Le constat observé sur ces dernières années est que les hôtels haut-de-gamme sont passés de la rédaction de (faux) avis négatifs sur leurs concurrents hôteliers à la rédaction de (toujours faux) avis - mais cette fois, positifs - sur leur propre établissement.

L'étude de Iowa State University démontre que, entre 2011 et 2015, les critiques "positives" des hôtels haut-de-gamme ont connu une inflation annuelle de l'ordre de 5,6% ! Selon les chercheurs, cette tendance s'observe principalement dans les secteurs où les hôtels ont vu émerger des locations de courte durée ... mais de haute-qualité; donc, potentiellement, de nouveaux rivaux.

Selon les chercheurs, il semble établi que les hôteliers aient rapidement changé de tactique en cessant de se dénigrer mutuellement et en jouant le jeu de la valorisation de leurs établissements respectifs. Pourquoi ? Là aussi, à quelques dizaines de dollars près, mieux vaut inciter un client de location haut-de-gamme à résider dans un hôtel (avec tous les services associés) que dans un appartement ou une villa, aussi huppés soient-ils !

L'étude affirme avec certitude que, dans le cas où des hôtels haut-de-gamme d'un quartier voient surgir un concurrent locatif (lui aussi, haut-de-gamme), "la publication de fausses mauvaises critiques d'hôtels concurrents avait tendance à diminuer"; et de constater que, dans le même temps, "les notes moyennes cinq éoiles des hôtels haut-de-gamme ont eu tendance à augmenter sur TripAdvisor" ... une fois qu'un "Airbnb" haut-de-gamme s'ouvrait sur leur secteur.==

L'un des trois chercheurs affirme que ces hôtels, habitués à se dénigrer mutuellement à coup de faux avis négatifs, "ne se disent plus du mal comme avant parce qu'ils ont cet ennemi commun d'Airbnb !". Et de préciser que les phénomènes de dénigrement (en clair, les faux avis négatifs) diminuaient d'environ 1,85% chaque trimestre.

La stratégie a donc radicalement changé (même si elle semble encore reposer sur de "faux" vrais avis) : plutôt que de dénigrer "l'ennemi", ces hôtels considèrent donc qu'il vaut mieux se valoriser et mettre en avant ses qualités. Et ça marche ! Après tout, il ne s'agit là que d'une règle fondamentale du commerce : dénigrer ses concurrents ne sert à rien (il faut faire confiance au jugement des clients) et travailler sur ses propres atouts mobilise une énergie plus positive et productive que l'aigreur ou la toxicité ...

Le phénomène des "faux avis" semble encore avoir de la puissance dans l'univers du tourisme puisque, d'un pays à l'autre, une multitude d'études les évalue entre 5% et 30% du total des avis publiés ...