Le "jour-le-jour" surclassera-t-il la "dernière minute" ?

Le manque de visibilité sur les réservations est un paramètre désormais - et durablement - installé par le Covid : désormais, professionnels et clients naviguent à vue. Chaque entrepreneur du tourisme et des loisirs doit "faire avec" et prévoir que la situation est ... imprévisible ! Partout, le métier est plongé dans le règne du "peut-être". L’instabilité devient une norme à accepter qui va nécessiter une agilité hors-pair pour saisir toutes les opportunités qui se présentent. Alors que le "lastminute" s'imposait et avait raccourci les délais achat-séjour, le "jour le jour" (ou "nuit par nuit") impose à vérifier en permanence ce que sera demain...

C'était encore inimaginable il y a quelques années, mais la proportion de voyageurs qui partent en séjour sans avoir "bloqué" leur hébergement va croissant ! Entre le fait que - sauf très haute saison - les taux d'occupation restent bas et que la clientèle a totalement fractionné ses conditions de départ, prendre le risque de partir à l'aventure ... ne semble plus être aussi risqué que cela. À ce phénomène se rajoute celui de ne réserver qu'au "jour le jour": "Après tout, certains voyageurs se disent qu'ils pourront changer d'hébergement durant leur séjour ... pour le fun, très souvent, mais surtout parce que, sur place, les opportunités sont nombreuses ...". Là aussi, il va falloir faire avec ...

C'est ainsi, mais depuis 18 mois et partout dans le monde, le Covid impose ses règles, en mode "montagnes russes" : les courbes de ventes en hôtellerie sont instables d’un mois ou d’un trimestre sur l’autre, les variants s’invitent; rendant les prévisions certaines à long terme à de vieux souvenirs passés. La reprise de l’hôtellerie peut être suivie de reculs inespérés, les prévisions ne sont que des hypothèses.

En France, le dernier exemple est le résultat de juillet, globalement inférieur à juin, sous l’effet d’un regain du virus, tandis que les palaces parisiens et niçois, promis à la morosité, ont moins souffert que prévu. L’hôtellerie ne sait plus sur quel pied danser, car elle subit un contexte qui n’est pas du tout linéaire.

Après l’espoir d’un bout du tunnel que l’on pensait apercevoir à partir du printemps, nous sommes entrés dans un contexte assez long d’incertitudes, avec un quotidien illustré par les annonces de taux d’incidence du virus, de contagion en hausse, puis en baisse, puis en hausse, de restrictions supplémentaires ou en retrait… sans solutions réelles. Certes, le taux de vaccination progresse et l’on peut envisager une envie de voyager ou de repartir en week-end, non plus en lastminute, mais au jour-le-jour… Voilà venue l’étape du séjour impulsif, qui n’est pas régi par une envie soudaine (le péché mignon) mais qui est un souhait dépendant d’un contexte sur lequel on n’a, à vrai dire, aucune prise.

Si, depuis l’origine, l’industrie touristique était soumise à la météo et au pouvoir d’achat des voyageurs, amoindri en temps de crise, ces deux facteurs étaient les principaux leviers des plannings de réservations. Oui mais… Le Covid a ajouté, renforcé ou imposé d’autres paramètres fâcheux :

  • Les craintes liées à la pandémie figurent, étude après étude, dans les critères #1 des voyageurs,
  • Les restrictions aux frontières le suivent de très très près,
  • tandis que l’annulation sans frais, qui rend les séjours optionnels en supprimant la notion d’engagement est devenue la règle (sinon, le client va voir ailleurs au moment de la réservation),
  • Enfin, l’augmentation du lastminute, faute de perspectives de moyen terme, se fait talonner de plus en plus par le "au-jour-le-jour"; c'est-à-dire, "non seulement, je réserve en dernière limite, mais je me réserve le droit de fractionner mon séjour entre plusieurs établissements une fois les opportunités présentées sur place !" Nouveau et incroyablement tendance !

Les annulations repartent à la hausse aux US

Après un rebond des voyages cet été, les clients "annulent à nouveau leurs projets de voyages en raison du nombre croissant de cas de Covid", affirmait CBS News, le 18 août, en s’appuyant sur un sondage réalisé par ses soins.

Parallèlement, le nombre de personnes ayant acheté des billets d’avion annulables a progressé de 33 % au cours de l’été (Source : Hopper). Là encore, on constate que la confiance dans l’avenir proche n’est pas de mise… Il suffit que la courbe du Covid remonte pour que les séjours s’annulent. L’économiste Adit Damodaran, rattaché à l'application de voyage Hopper, résume le contexte : "Les gens veulent avoir le choix d’annuler", et ce "pour une raison quelconque". On peut interpréter cela comme une persistance du phénomène après le Covid, car il existera toujours des "raisons quelconques" pour faire une croix sur un voyage.

Ces chiffres montrent que l’actualité souffle le chaud et le froid sur les hébergeurs, qui ne sont plus sûrs de rien. Le tourisme était une activité aléatoire, le Covid l’a rendu carrément imprévisible.

La veille d’information est indispensable

Dans ce chaos qui n'est pas passager mais installe une tendance de fond sur la manière de consommer des voyageurs, la veille s'impose quasiment au jour le jour (nous vous conseillons même la lecture assidue du blog elloha 😉). ==Plus généralement, l’activité des hébergeurs a évolué vers une prise d’informations plus régulières, auprès de sources fraîches et actualisées.

La règle en devenir : le parallèle parfait entre la situation actuelle de l’hébergement et des restaurateurs; une prévisibilité de deux à cinq jours là où l'on visait avant d'y voir clair pour la saison entière.

L’hébergeur retrouve son rôle le plus humain

Cela paraît paradoxal… L’annulation des séjours est un motif pour relancer les clients, qui ont l’avantage de vous connaître déjà. Au-delà, le caractère imprévisible des saisons fonde une nouvelle relation hébergeur-clients, encore plus personnalisée et plus directe. Le besoin d'informations au jour le jour (et non à la semaine) remet en selle les professionnels dans leur rôle le plus personnalisé, le plus traditionnel, en optimisant l'usage de "biais" digitaux comme l'envoi systématique de messages pré-séjours. Cette considération n’est pas générale, il y a des exceptions, mais les expériences à la carte, hors industrie, peuvent être les grandes gagnantes de cette période de doutes incessants. L'hôtelier (re)devient alors ce professionnel à l'expérience patinée par le temps, auquel le client, en quête d’humanisation, livre toute sa confiance.

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Ne pas confondre "last minute" et "au jour le jour"

La notion de lastminute renvoie aux promotions et aux prix cassés, à des réservations "opportunistes" qui découlent souvent d'une patiente observation de l'évolution des prix.

Le "jour-le-jour" n’est pas liée aux réductions tarifaires, mais à un détachement plus fort des contraintes de sécuriser le séjour: je bloque mes deux premières nuits et je pars "à l'aventure" pour les autres ... en espérant trouver de belles opportunités une fois arrivé sur place ! A vous donc, de "contrer" ce phénomène par des offres adaptées (ex: Prolongez d'une nuit et économisez 20%, etc ...).

Ce sentiment de "C’est maintenant, partez libres" va s'instensifier chez les professionnels et les voyageurs ... Ce qui ne signifie pas forcément "Partez moins cher ... mais restez plus longtemps et bénéficiez d'une proposition exclusive" !

À son désir croissant de liberté, le client prèfère finalement toujours adopter la logique du "confort". Ainsi, votre attitude doit être plutôt : il y a des places disponibles, dans un environnement secure, alors venez et restez dans notre nid douillet ! Pour les professionnels, ce changement d’approche peut changer le rythme de travail, mais surtout, il déconstruit (passagèrement, peut-être, mais rien n'est moins sûr ...) un mode de fonctionnement fondé sur la programmation, qui entraîne une forme de tranquillité. La gestion "au jour le jour" ne rime pas avec une chute des réservations, mais elle correspond à une adaptation aux conditions du moment. Ce nécessaire opportunisme est le grand changement de cette deuxième année du Covid.

L’annulation des séjours en un clic est un avantage pour les clients, subi par les hébergeurs, qui peut même atteindre leur équilibre émotionnel s’il se répète trop souvent. L’incertitude devient une certitude en matière d’hôtellerie, autant dans les nouvelles habitudes de consommation des clients. Une sorte d’insécurité s’est installée dans le capital de réservations. Il faut donc voir le "verre-à-moitié-plein" face à la croissance des annulations : si elles s’accumulent, cela signifie bien qu’il y a eu des réservations. C'est la preuve que la demande est là, et que c'est donc l’occasion de stimuler les clients manqués dès lors que le climat sera plus sûr, malgré les contraintes.

La gestion au-jour-le-jour n’est donc pas un recul, mais elle doit permettre, en cette fin d’été et cet automne, de (re)capter des voyageurs qui pourront s’offrir le week-end de leur choix sans une cohue de touristes autour d’eux.