Les impayés de loyers explosent: les propriétaires s'impatientent.
Ça chauffe à la montagne ! Et ce n'est pas une question de réchauffement climatique. Des milliers de propriétaires d'appartements - que ces derniers ont donné en gestion à des exploitants de résidences de tourisme - attendent le versement de leurs loyers des derniers mois d'hiver. Mais, avec la fermeture des stations pour raisons sanitaires, les exploitants sont dans l'impossibilité de payer. Au point que l'Etat, une fois de plus, est appelé à la rescousse ... Ailleurs, dans les villes et en zones littorales, la situation n'est pas plus rassurante et pourrait aboutir sur une destabilisation du marché à la veille de la reprise, cet été ...
Le secteur des résidences de tourisme a le vague à l'âme. Avec cette crise qui dure, une reprise estivale certainement plus contrainte que l'an passé, et des stations de sport d'hiver toujours fermées, la situation s'aggrave à grande vitesse.
Selon la déléguée générale du Syndicat national des résidences de tourisme et des apparthôtels (SNRT): "En fonction des exploitants, les bailleurs privés ont dû renoncer à entre 2,5 et 4 mois de loyers, en moyenne ... pour l'instant". Dans ce cas de figure, face à des propriétaires-bailleurs de plus en plus impatients, les voies de recours vont de la simple prise de patience aux recours en justice (déjà !).
De l'abandon des loyers aux échelonnements sur 10 ans
Si les résidences de tourisme étaient parvenues à "limiter la casse" durant l'été 2020, la baisse du revenu atteignait quand même 30 à 40%, en moyenne, selon que ces résidences se situaient à la mer, dans la campagne ou en montagne. Cet hiver, en revanche, la situation des résidences de montagne est preque au point mort total puisque la chute du chiffre d'affaires atteindrait de 85 % en moyenne pour cette saison d'hiver; une situation jugée de "littéralement catastrophique" par le syndicat professionnel.
Cette situation devrait perdurer à la montagne ... mais aussi, à la ville. Selon une étude réalisée pour le compte du syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) par KPMG, en décembre dernier, l'activité des 365 résidences urbaines devrait chuter de 65% en Ile de France et de 48% en province. En cause, la prolongation des mesures sanitaires et l'annulation de nombreux événements dans de nombreuses villes françaises. Pour le célèbre cabinet d'analyse économique, pas de retour à la situation antérieure (2019) avant 2022, au moins ...
En attendant, les propriétaires font grise mine car les aides semblent ne pas avoir fonctionné de la même manière que pour les autres hébergeurs touristiques: même si le gouvernement a annoncé, dès la fin de l'année dernière, que les hébergeurs de la montagne seraient indemnisés à hauteur de 70 % de leurs charges fixes, les règles du décret du 24 mars 2021 semblent inadaptées à la situation. Selon le syndicat national, le dispositif "coûts fixes" - remplacé par un dispositif "perte d'exploitation", plus complexe - aurait pour conséquence de réduire le montant de l'indemnisation dans des proportions qui ne leur permettent pas d'assumer le versement des loyers aux propriétaires.
Selon le syndicat, pour une résidence qui réaliserait 1 million d'euros par an, l'indemnisation ne représenterait pas comme promis initialement 70 % des charges fixes mais 12 % seulement. En conséquence, selon la déléguée générale: "Le deal qui consistait à dire que si l'exploitant obtient une aide à hauteur de 70 %, il reversera au minimum 70 % des loyers aux bailleurs, ne tient plus".
Selon les informations transmises par le SNRT, sur ce premier trimestre, en moyenne, un acompte de 50 % des loyers dus, a été versé aux propriétaires, en attendant d'y voir plus clair sur la suite et la reprise printanière.
Grandes comme petites résidences sont touchées
Pour faire face à la situation, certains exploitants ont engagé des procédures amiables avec les propriétaires dans le cadre de conciliations arbitrées et encadrées par les tribunaux. Pour beaucoup d'entre eux, la solution consistera à percevoir les loyers impayés sur un délai plus ou moins long (on parle de plusieurs mois à plusieurs années). Pour d'autres, ce sera l'abandon pur et simple des loyers impayés. Et l'accord sera assorti ou non d'une "clause de retour à meilleure fortune" ou, en compensation, d'un allongement de la durée du bail ou des séjours d'occupation en plus dans le cadre du time share.
Plusieurs dizaines de milliers de propriétaires individuels sont concernés par cette situation et pas que vis-à-vis d'exploitants de taille "modeste". Le 2 février dernier, par exemple, le groupe Pierre & Vacances - Center Parcs, le leader des résidences de tourisme, qui regroupe 18.600 propriétaires, a gelé le paiement des loyers pour une durée de quatre mois. Selon la fédération nationale, cinq cabinets d'avocats se relaient auprès des associations de propriétaires en résidences de tourisme ... Mais, pour l'heure, si aucune solution globale n'a été trouvée, de l'avis de propriétaires associés aux discussions: "Ce qui se dessine est clairement défavorable aux propriétaires privés".
Dans le même registre, le 15 avril dernier, Appart'City, le numéro un des apparthôtels en France, associé à environ 8.800 propriétaires pour 11.900 appartements, n'a pas pu éviter son placement en sauvegarde par le tribunal de commerce de Montpellier et ce, alors que le réseau avait bel et bien enclenché une conciliation avec ses multiples bailleurs en décembre dernier.
À la veille de la saison estivale, le reste des résidences (à la mer et à la campagne) "rasent les murs": avec une saison de printemps obérée par les dernières mesures de confinement, les revenus sont nettement amputés d'une grande part de leur niveau annuel. Odalys comme Pierre & Vacances ont dû refermer en catastrophe et, comme elles, les résidences urbaines aux abords des gares et des aéroports vivent avec angoisse la fin des restructions des déplacements.
Pour de nombreux proporiétaires, la fameuse rentabilité locative ne devrait pas être au rendez-vous (et, en tous cas, pas dans les niveaux attendus) cette année. Reste à savoir si le régime des aides sera revu en faveur des exploitants qui, pour sauver la reprise, seraient tentés de multiplier les promotions en vue de la reprise de l'été. Une situation qui pourrait déstabiliser tout le reste de l'industrie touristique des destinations concernées.