Certains acteurs du tourisme demandent un allègement des "lourdeurs" écologiques pour sauver durablement le tourisme français
Et si la (prochaine, on l'espère tous !) sortie de crise était l'occasion de rebattre les cartes des contraintes (anciennes) qui pèsent sur le tourisme français ? C'est la revendication de la "filière tourisme" qui évoque un “décrochage irréversible” de la destination France au moment de la reprise post-Covid. Si l’Hexagone a battu des records depuis 10 ans, selon ces acteurs, la France est devenue particulièrement vulnérable et retrouver une place de leader sur les places mondiales du tourisme n’est pas une certitude. Pour autant, certains passages de cette "lettre ouverte" ont de quoi interroger ...
Et si la solution pour relancer le tourisme consistait à déreglementer les contraintes liées à l'aménagement du littoral et de la montagne ?.. Adieu la loi littoral ? Bienvenue aux permis de construire dans tous les sens ?.. C'est, en substance, ce que l'on peut lire dans la "lettre ouverte" adressée aux parlementaires et au gouvernement par la Confédération des acteurs du tourisme (CAT), l'Union nationale des associations de tourisme (UNAT) et la Fédération nationale des organismes institutionnels de tourisme (ADN tourisme) ? On aurait plutôt pensé à ce que la revendication porte sur une remise en question du poids des charges sociales, des contrôles sur les entreprises, de la lutte contre le parasitisme économique et la concurrence déloyale ... Comme on dit chez les promoteurs immobiliers, "laisse béton !" ...
Selon ces acteurs, "les multiples lourdeurs, charges et contraintes législatives ou réglementaires (...) portent un préjudice croissant à la santé économique et sociale de notre pays (et) risquent d’être aggravées par certaines démarches affectant par exemple le tourisme littoral ou de montagne".
Et de rappeler que ces règlementations (nous le supposons, "environnementales") sont prises "pour des raisons "d'urgence climatique" (...) mais dont les fondements scientifiques font parfois débat". Le septicisme-climatique a encore frappé !
La lettre prend, toutefois, une meilleure tournure dès lors qu'y sont abordés les vrais sujets : "Les mesures d’allègement de contraintes -y compris suspension de taxes, contrôles répétitifs et coûteux, simplification drastique des systèmes de prélèvements fiscaux et sociaux, esquissées dans le cadre du CFT- ainsi que des moratoires permettant de reporter au-delà de la sortie de crise des dispositions non urgentes d’ordre législatif ou réglementaire, sont à finaliser et mettre en oeuvre sans délai". Voilà, on y est ! Et c'est déjà beaucoup mieux.
Car, non, la solution n'est pas de dé-reglementer la montagne et le littoral qui, on l'a vu, sont des "trésors nationaux" que les français viennent de redécouvrir au prix d'une pandémie qui a accentué les effets (bénéfiques) du tourisme domestique. Certes, il faut aménager et structurer mais toujours dans le respect de l'environnement, en priorité. Que serait devenu notre littoral sans la loi éponyme ? Un tour en Espagne ou en Italie permet de s'en rendre compte sans le moindre doute. Et ce n'est clairement pas ce que veulent les français ... ni les touristes étrangers, par ailleurs.
Car, oui, on est bien loin des 100 Millions de touristes étrangers dont l'objectif était fixé en 2018. Mais, n'oublions pas, quand même, que sur 100 touristes étangers qui viennent en France, 80% sont issus des pays d'Europe du Nord. Et ces touristes-là recherchent la nature, les espaces sauvages et l'ambiance authentique de notre arrière-pays ... Transformer nos côtes "à l'espagnole" avec ses usines à touristes anglais n'a pas rapporté grand chose à ce pays, surtout, on l'a vu, avec le reflux lié à la pandémie. En matière de tourisme, l'avenir se joue sur une moindre dépendance aux clientèles internationales (qui peuvent déserter la destination du jour au lendemain pour des raisons sanitaires ... on le sait maintenant !) et sur un travail de fond sur notre clientèle "domestique" et européenne immédiate. C'est moins excitant que de déplacer des "huiles" dans les salons internationaux, mais sur la longueur, ça rapporte plus ... à méditer.
Donc, si la recherche de touristes étrangers est une activité justifiée pour renforcer notre économie touristique, attention à ne pas le faire dans une logique datée. Avec des citoyens qui prendront de moins en moins la voiture, rechercheront de plus en plus le calme et l'oxygénation, l'avenir est plutôt à réflêchir aux nouveaux services à développer dans les territoires. Et cet enjeu est vraiment majeur. Il nous confortera aussi sur la place internationale du tourisme car c'est bien la tendance de ce que recherchent les voyageurs internationaux (hormis, ceux intéressés par les "capitales").
© UNWTO (World Tourism Organization) / Elloha 2021
En France, malgré l'argent investi en "observation touristique", les données de 2019 et 2020 tardent à arriver, mais on sait que la croissance du nombre de touristes dans le monde a ralenti en 2019, selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). En cause : les incertitudes géopolitiques, le ralentissement économique mondial et les Gilets jaunes. Après 6% en 2018 (mais un troisième rang mondial en matière de recettes, derrière l’Espagne et les USA), la progression s’est repliée à 4% en 2019. Pour la funeste année 2020, la croissance mondiale du nombre de touristes aurait dû se situer entre 3 et 4% selon les prévisions de l’OMT en 2018.
Regardons les chiffres consolidés les plus récents, ceux de 2018 : première destination touristique mondiale, la France a accueilli 89,4 millions de visiteurs étrangers, soit 3 % de plus qu’en 2017. En tant que secteur économique, le tourisme a représenté 2 millions d’emplois directs et indirects et près de 8 % du PIB, soit 56,2 milliards d’euros de recettes. Ce record historique a représenté une progression de près de 5 % par rapport à 2017. La clientèle asiatique a fortement contribué à cette hausse : +11% de Japonais, +16% d’Indiens.
Moderniser l’industrie touristique face à la concurrence étrangère
Cette prise de position s’accompagne d’un appel à l’aide auprès des autorités, afin d’appuyer massivement l'outil de production touristique pour “mieux l'adapter durablement aux conditions du 21eme siècle”. En rétablissant la “compétitivité de nos entreprises”, c’est un “décrochage irréversible” de la destination France qui doit être évité. Le pays se reposerait-il trop sur ses lauriers ? Il a “conçu et mis en oeuvre tout au long du siècle dernier des politiques qui l'ont porté au premier rang des destinations touristiques dans le monde (...) irriguant des territoires de montagne et du littoral en voie d'abandon industriel, voire agricole”, constatent les rédacteurs. Depuis, certains retards se sont accumulés, mettant en péril le leadership de la machine. Pendant ce temps, la concurrence “prépare déjà son redressement”.
La crise sanitaire est “à la fois un défi et une opportunité”, disent les pros, car la sortie de crise peut être l'occasion de conquérir des parts de marché. Mais le mouvement de transformation du monde s'accélère : “numérisation des comportements, nouvelles attentes de consommation, tourisme vert et de proximité, réinvention du secteur de l'événementiel et des congrès, évolution des mobilités, réintégration dans la vie active de dizaines de milliers de jeunes désorientés par la pandémie et ses effets” alimentent l’analyse. Dans l’immédiat, la fluidité des démarches s’impose : suspension de taxes et des contrôles répétitifs et coûteux, simplification des systèmes de prélèvements fiscaux.
Du concret !
Les élus signataires de cette tribune, issus des territoires, ont reniflé que la reconquête des marchés touristiques n’est pas automatique. Ils savent que que le tempo de la modernisation des modèles touristiques étrangers, notamment dans les pays plus libéraux, est une menace pour le tourisme bleu-blanc-rouge. Leur alerte est une exigence de stratégie claire et d’objectifs opérationnels précis, par les pouvoirs publics, pour un soutien sans erreurs à un pan de l’économie française. Reste plus qu'à entrer dans le concret et de s'intéresser aux propositions détaillées des uns et des autres qui, pour l'instant, tardent encore à arriver.