Booking, Expedia et AirBnB font les comptes avant la reprise

Booking, Expedia et AirBnB font les comptes avant la reprise

Les trois principaux distributeurs mondiaux ont - eux aussi, comme les hébergeurs avec lesquels ils travaillent - pris de plein fouet la vague covid. À l'heure des comptes ("annuels" ... c'est la période aux US), les OTAs alignent de très lourdes pertes mais se préparent à l'offensive de la reprise, arme aux pieds...

Ils l'ont dit - tout au long de ces journées de présentation de leurs comptes annuels - les OTAs comptent bien être au rendez-vous de la reprise ... le plus tôt possible. Si les pertes sont colossales pour certains, elles n'entament pas moins leur optimisme d'une reprise forte, durable et d'un marché des grands distributeurs qui va se clairsemer. La toute puissance des "Big Three" n'en sera que plus renforcée...

Booking relève la tête et va s'attaquer aux US

Pandémie oblige, le géant "Booking Holding" (Booking, Priceline, Katak, Agoda, Rentalcar et OpenTable) a subi une dégringolade historique de ses transactions l’année dernière. Son chiffre d’affaires net a plafonné à 6,8 milliards de dollars, contre 15,06 milliards en 2019, soit une baisse de 55%. Tandis que son bénéfice annuel a fondu de 99% !

Avec ses deux principaux concurrents (AirBnB et Expedia), Booking a rassemblé 35,39 milliards de CA, contre 96,44 en 2019 : la chute représente 63%. Ces données issues du bilan fiscal consolidé de Booking, communiqué le 25 février, révèlent pour autant une stratégie résolument offensive: si la masse salariale a reculé, l'innovation technologique a progressé.

Booking 2020 2019
Bénéfices 59 millions de dollars 4,87 milliards
Nuitées 355 millions 845 millions
Budget publicitaire 2,18 milliards 4,97 milliards
Revenus publicitaires 365 millions 1,12 milliard
Frais de restructuration 149 millions 0

Fort de ces chiffres (et de sa très confortable trésorerie), Booking a investi (sans en préciser le détail) sur des moyens nouveaux à destination du marché américain où Expedia reste encore le grand leader:"Au fur et à mesure que nous développions la société, nous avions une approche très globale, a déclaré Glenn Fogel, le boss de Booking. Nous avons vraiment cru que la mise à l'échelle de l'entreprise, au plan mondial, était le meilleur moyen d'atteindre une très, très grande part mondiale du marché. Cela étant dit, nous sommes arrivés à un état où nous reconnaissons que nous continuons à être sous-indexés aux États-Unis et que nous devons y apporter des changements profonds, ce que nous faisons pour 2021".

Expedia et AirBnB sur le pied de guerre

La reprise sera donc des plus sportives pour les trois OTAs qui vont se battre - dans tous les sens du terme - pour reprendre à la volée les meilleures parts de marché dès le (nouveau) départ du marché.

Fait nouveau, par exemple, lors de son "call financier" de la semaine dernière, Brian Chesky, l'un de ses fondateurs, a annoncé qu'AirBnB va lancer une des plus grandes actions de marketing de son histoire à travers l'opération "Made possible by hosts" (Rendu possible par les hébergeurs) qui a vocation à saluer les 4 millions de propriétaires qui lui ont confié leurs biens en locations, mais aussi d'assurer la promotion d'un mode d'hébergement (selon AirBnB) plus en phase avec la situation actuelle que l'hôtel ...

Parmi les nouveautés de cette année, Brian Chesky annonce qu'il sera désormais possible à un propriétaire d'inscrire sa location sur AirBnB "en moins de dix minutes". Un résultat rendu possible par la mise en place d'un nouveau parcours d'accueil des hosts, mais aussi la connexion de nouveaux channel managers qui vont en faciliter la prise en charge.

Ce à quoi Booking réplique en indiquant aux analystes financiers que son catalogue compte des hôtels, des maisons d'hôtes, des campings et des locations chez les particuliers comme pour montrer qu'il est en mesure d'adresser tous les marchés.

Pour cela, Booking devrait aussi intensifier son "marketing de redémarrage" si la situation sanitaire "se rétablit à peu près de manière uniforme sur nos principaux marchés". Booking pourra compter sur sa confortable trésorerie : 14,8 milliards de cash en 2020, contre 7,3 milliards en 2019 et 6,28 milliards en 2018. Au prix de plusieurs milliers de licenciements, certes, mais l'OTA déclare n'avoir pas eu le choix ...

AirBnB compte bien répliquer avec des moyens financiers conséquents - issus de sa récente entrée en bourse - tout en affichant (désormais que ses comptes sont publics) une perte de 4,6 Milliards $ en 2020 contre 674 Millions $ en 2019 ...

Une des vidéos de la nouvelle campagne de AirBnB pour se préparer à la reprise post-covid.

Le budget de R&D a augmenté pendant la tempête

Sans crier “Vive la crise !”, Booking ne s’est laissé abattre par le Covid et a saisi le contexte de difficultés créé par la pandémie pour innover en matière technologique. Son budget en la matière est passé à 299 millions, contre “seulement” 285 en 2019. Ces sommes ne sont pas colossales au regard du gigantisme du leader mondial, mais cet engagement pour les technologies signale un besoin d’inventivité indexé sur les difficultés sanitaires : puisque la situation se complexifie, renforçons notre intelligence numérique. Le rapport financier de Booking confirme : “Nous nous concentrons sur l'innovation permanente (...) avec un service inégalé et la meilleure technologie digitale de notre catégorie”. Pour l’avenir ? Même chose : “À mesure que la demande de voyages reviendra, nous prévoyons de continuer à participer largement à cette croissance en ligne en élargissant notre service offres et marchés (...) nous cherchons à tirer parti de la technologie pour offrir aux consommateurs la meilleure expérience”. Le leader compte bien le rester, en continuant de proposer la “meilleure expérience client” car “offrir aux consommateurs une expérience en ligne exceptionnelle est essentiel pour notre avenir”, détaille son bilan.
Technologiquement, Booking a travaillé sur les réservations en ligne intuitives et faciles à utiliser, des services de recherche simplifiés au maximum. L’esprit “comme sur un plateau” est un casse-tête d’ingénierie, profitable à la simplicité (plus c’est simple pour le client, plus c’est compliqué en backoffice). L’objectif de la maison est de “rendre les voyages faciles”, avec la “sélection de services de voyage la plus vaste, la plus variée et la plus complète” de chaque région du monde. Le tout lié à des contenus informatifs utiles (photos, détails sur l'hébergement) et un “excellent service clients”... comme en référence aux nombreuses complaites qu'a dû essuyer Expedia lors de la première vague de confinements ... et d'annulations.

Nouveau call-to-action

Booking en France : un indétrônable leadership. Le site des pros: 2ème concurrent !

Le rapport financier de Booking, et ses annexes, en dit long sur la situations concurrentielle des OTAs. En France, si Expedia est le challenger de Booking, le site des hébergeurs (quand il existe ... et qu'il est correctement équipé d'un moteur de réservation) est bel et bien son second rival le plus agressif. Voici donc le palmarès des principaux canaux de réservation hôtelière les plus performants depuis avril 2020 (début massif de la crise sanitaire) :

PLATEFORME CLASSEMENT
Booking 1
Expedia Group 2
Sites web des hébergeurs 3
Hotelbeds 4
HRS 5
Agoda 6
GDS 7
Infinite Hotel 8
Airbnb 9
Hostelworld Group 10
Weekendesk 11
WebBeds–JacTravel/totalstay 12

Ce top 12 français indique que les grossistes maintiennent leur position. Booking garde le leadership, mais on observe une belle progression de Hotelbeds (un bed banks basé en Espagne) tandis que AirBnB gagne de la sympathie chez les hébergeurs. Les réservations directes ont augmenté (par le site web des hébergeurs) et les systèmes à vocation "régionale" (type Weekendesk) sont en progression.

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"Voyage connecté" ... et moins de "petits hébergeurs"

Unaniment, les OTAs entrent aussi dans une nouvelle phase de leur histoire en évitant de rester ouvert aux "petits hébergeurs"; c'est-à-dire, ceux qui ne proposent qu'un appartement, une villa ou deux ou trois chambres. Pour Glenn Fogel:"L'embarquement de locations individuelles, par opposition à l'ajout de gestionnaires de location à court terme avec plusieurs propriétés ou de channel managers, entraîne des coûts plus élevés car Booking a besoin d'avoir des contacts plus fréquents avec les propriétaires". D'où la recommandation, pour ces propriétaires, soit de passer par un gestionnaire de locations (de type "conciergerie" ou agence immobilière) ou bien par un channel manager (comme elloha) qui agrège des milliers de propriétaires et donc, facilite le travail des OTAs.

Idem côté Expedia et HomeAway: en 2021, les propriétaires de moins de cinq chambres ne seront plus "embarqués" directement. Même tendance chez AirBnB, à quelques variables près, où l'accent sera porté sur les maisons d'hôtes, cette prochaine saison. Plus grandes (5 chambres), tenues par des hosts qui sont des pros (ils vivent de leur activité), à quelques degrès près proches du service hôtelier, la maison d'hôtes sera bel et bien mise en valeur sur AirBnB à la reprise ...

Dernier enseignement des bilans 2020, parmi les surprises pour les années 2022 ou 2023, Booking et ses concurrents annoncent travailler sur la “reprogrammation”: ou comment, grâce à l’Intelligence Artificielle (IA), le “voyage connecté” va prendre de l’importance. Ce “Connected Trip” améliorera la réservation, la découverte et la planification, la réservation, la coordination des itinéraires de loisirs etc. Par exemple, si l’arrivée d’un voyageur est retardée, le Connected Trip reprogrammera automatiquement son arrivée tardive à l'hôtel, l’heure de son repas etc. S’il voyage en avion, le vol de correspondance, plus tardif, lui sera indiqué. Cette nouvelle prise en charge intégrale doit “bénéficier à la fois au voyageur et au fournisseur de services de voyages”. Les OTAs ne perdent pas le nord ... la reprise n'est pas un leurre ou une promesse dans le vent !