Le tourisme ne compte pas sur le passeport vaccinal pour se redresser
Le ras-le-bol des confinements et des restrictions progresse, le danger économique est de plus en plus évident, mais que faire ? Entre la crainte des variants du Covid-19 et la nécessité de faire face, le “Passeport de vaccination” est-il possible et crédible ?
Nous vivons une période anxiogène, et pourtant… Face à l’incertitude croissante provoquée par les nouveaux variants du Covid-19 et le nouveau confinement, il faut bien que la vie (économique) continue. Pour sécuriser les séjours et l’accès aux hébergements, la solution du “Passeport de vaccination” progresse dans les esprits. C'est sérieux. Le 21 janvier, les géants technologiques Microsoft et Oracle ont annoncé leur union stratégique pour mettre au point ce passeport digital de vaccination. Cette formule permettrait de voyager de nouveau et de retrouver le travail en présentiel. La création de ce sésame est encadrée par le groupement d’intérêts “Vaccination Credential Initiative” (VCI), qui constitue son ombrelle scientifique. Politiquement, le même 21 janvier, le Conseil européen lançait un projet de « certificat commun de vaccination » afin de collecter et échanger des données entre pays membres.
Source: Les Echos
Le passeport de vaccination, qu’est-ce que c’est ?
C’est un statut vaccinal, qui rappelle nos anciens Carnets de santé. Ce véritable dossier électronique se veut fiable, traçable, vérifiable et universellement reconnu, selon la volonté de Vaccination Credential Initiative. Valable au niveau planétaire comme les passeports d’identité, il prouve que son détenteur a été vacciné contre le Covid-19. Ce document individuel doit éviter aux voyageurs de subir des tests lors de leur arrivée dans un autre pays. Comme la lumière au bout du tunnel, ce passeport vaccinal doit permettre aux voyageurs de se déplacer à nouveau librement. Il pourrait être exigé à l’accès à tous les modes de transport et aux lieux publics. Le tout est de se préparer psychologiquement aux contrôles dédiés.
Qui a intérêt à ce passeport ?
L’Association internationale du transport aérien (IATA) “voit la nécessité d’une norme internationale pour attester que les gens ont été vaccinés contre la Covid-19”. Montrer patte blanche à l’entrée de tout territoire national est la première idée de l’IATA, mais pouvoir prouver son statut vaccinal auprès de son employeur ou d’un hébergeur ne sont pas des intentions saugrenues, bien au contraire. Le passeport intéresse les pros de l’événementiel, notamment dans le sport et dans le spectacle. Une preuve de vaccination à l’entrée des stades, grâce à une application sur smartphone, serait drôlement utile... si l'on exclut, évidemment, les risques de fraudes et de contrefaçon ...
Quels sont les problèmes à contourner ?
Tout le monde n’a pas encore accès au vaccin anti-Covid, pour des raisons d’approvisionnement et de calendrier. Tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Le passeport, socialement discriminatoire, le sera aussi par nature, car il va de fait classer les individus en deux, voire trois classes : les non-porteurs du virus, les porteurs du virus (et de quelle version, variant ou pas ?) et les ex-porteurs du virus. Entre les “malades” et les personnes “saines”, il faudra bien faire la différence, sinon, à quoi bon un passeport ? L’IATA voit une discrimination entre les “personnes qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner pour des raisons médicales ou qui ne sont pas disposées à le faire pour des raisons éthiques ou autres”. Parmi les risques sanitaires, ce projet se heurte au problème de la fiabilité : “Ce n’est pas parce qu’on vient d’être vacciné qu’on est immédiatement protégé (...) Même après la deuxième dose, il y a quand même environ 5 % des gens qui ne répondront pas au vaccin”, assure Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue au Centre hospitalier universitaire de Montréal. D’autre part, une personne vaccinée peut porter le virus et le transmettre aux autres !
Qui est pour ?
La Commission européenne propose de créer un certificat de vaccination européen très rapidement, mais il faudra convaincre tous les États membres. Globalement, les pays dont le secteur touristique participe fortement au PIB sont "pour" : Grèce, Portugal, Italie, Malte. Le Danemark et la Pologne le sont également. Mais les autres, dont la France et les Pays-Bas, y sont (encore) réticents. C’est avec prudence que la Commission européenne prépare un document standardisé, tout en espérant que les États atteindront 70% de population vaccinée d'ici l'été... ce qui, à l'heure actuelle, semble plus qu'invraisemblable. Le chef du gouvernement grec, Kyriákos Mitsotákis, met la pression à l’Union européenne pour que ce certificat standardisé soit instauré “avant la saison estivale”. Israël, champion de la vaccination, prépare un laissez-passer permettant à ses nationaux d’aller au restaurant ou au concert, un projet qui ne fonctionnerait qu’à la condition que 70 % de la population soit vaccinée... et que l'on soit certain que l'immunité collective soit un concept pleinement opérationnel. Vu ce qu'il s'est passé à Manaus, au Brésil, on peut encore en douter ... Le grand opposant au Passeport de Vaccination est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui ne lui trouve pas d’utilité : “Nous ne savons toujours pas si les personnes vaccinées peuvent continuer à être infectées, peuvent transmettre la maladie ”, estime Michael Ryan, directeur des questions d’urgence sanitaire.
Ne soyons donc pas pressés
Tout indique que la création du Passeport de vaccination est inéluctable, mais son calendrier d’application impose la patience. Ce document ne pouvant être crédible que lorsqu’un nombre important de personnes aura été vacciné à l’échelle européenne et mondiale, son application n’est pas pour tout de suite. Cependant, il peut s’agir d’une avancée majeure pour l’avenir, dans un contexte pandémique qui ne se limiterait pas au coronavirus. Inutile, dès lors, de réflêchir à des hébergements garantis "100% vaccinés et attestés par passeport" comme l'ont imaginé certains hôteliers ... ce n'est pas demain la veille que tout reprendra une apparence normale dans les lobbies des grands hôtels.