AirBnB va prélever 15% de commission dès le 1er janvier

Et si AirBnB finissait par adopter un modèle économique similaire à Booking ? C'est-à-dire, un modèle où le client ne paie plus aucun frais mais où toute la commission est, en définitive facturée à l'hébergeur ? C'est, semble-t-il, la direction désormais prise par le champion californien qui doit donner quelques gages économiques avant sa très prochaine entrée en bourse ... Dans certaines zones du globe, ce qui n'était qu'une expérimentation risque de s'imposer comme le nouveau modèle de revenu de AirBnB dès le 1er janvier prochain...

L'un des facteurs clés du succès de AirBnB a longtemps été son modèle économique : le client paie la "part du lion" des frais (12%) et l'hébergeur ne se voit facturer que 3% du total de la réservation. Comparé aux 15 ou 17% (de base) de Booking ou d'Expedia, la différence était suffisamment notable pour attirer vers AirBnB des milliers d'hébergeurs (essentiellement, des locations de vacances) peu enclins à payer des frais aussi élevés que les hôteliers ne le font auprès de leurs OTAs traditionnels.

Ce modèle a "tiré" la croissance de AirBnB en matière de constitution de son inventaire mais il semblait contesté depuis quelques temps, à la fois, par les guests (qui retrouvaient les mêmes locations de vacances chez Booking sans frais additionnels) et par les investisseurs potentiels de la plateforme qui trouvaient le modèle moins "juteux" que celui adopté avec succès par Booking. Peut-être est-ce un coup de pression à la veille de son entrée en bourse ou une remise en question économique post-covid (comme on en voit bien d'autres), mais il semble que le modèle économique de la "commission partagée" (entre le guest et le host) vive ses derniers moments. Dans de nombreuses "régions" de la planète, AirBnB passe à la démultipliée pour imposer son nouveau modèle ... et la France ne devrait pas y échapper non plus.

Selon les dernières déclarations des cadres de AirBnB, "les "guests" préfèrent réserver des lieux sans frais d'invités ..."; c'est-à-dire, les fameux 12% ... Aussi, dans de nombreuses régions du globe, le guest ne se verra plus proposer ces fameux 12% (qui deviendront 0%) et une commission de 15% (invisible pour le guest) sera facturée par AirBnB au host; c'est-à-dire, l'hébergeur.

Depuis plusieurs mois déjà, AirBnB recommande fortement à ses hosts de passer au "prix public tout compris". Désormais, sans devenir la règle pour autant, cette option sera de plus en plus popularisée auprès des hébergeurs.

Cette évolution majeure qui va toucher de manière généralisée les hébergeurs basés en Europe (après une période de test assez concluante en Asie) est dictée par plusieurs impératifs :

  • AirBnB doit se conformer aux législations nationales qui imposent désormais la logique du prix "tout compris" et non pas un prix de base (la chambre ou la villa), les prestations complémentaires (ménage, etc ...) et les frais de dossier ou de réservation; c'est-à-dire, la fameuse commission. La plateforme s'était d'ailleurs conformé à ces impératifs en modifiant l'affichage de ses prix. Depuis ce changement, le guest avait - dès la première page - une idée précise du prix à payer et non pas un prix "à partir de ..." sans aucune des charges citées plus haut; ce qui pouvait induire en erreur le guest ou créer de sérieuses contrariétés au moment de passer au paiement (car, à cet instant, le prix n'était plus le même que celui indiqué au début de la recherche),
  • AirBnB doit lutter contre la concurrence active que lui mènent ses deux rivaux de toujours que sont Booking et Expedia : les deux OTAs sont venues chasser sur ses terres (les locations de vacances) et deviennent très attractives pour les guests de AirBnB; qui plus est, en affichant depuis toujours un prix "tout compris",
  • D'autre part, si les OTAs ont désormais des catalogues très proches (voire supérieurs à AirBnB) en matière de locations de vacances, AirBnB se doit aussi de les challenger sur l'offre hôtelière et donc, recruter des hôtels à intégrer dans ses pages. Et c'est là aussi que sa commission actuelle fait office de blocage: les hôteliers ne savent pas comment envoyer sur AirBnB des tarifs facilement compatibles avec un principe de "commission partagée". Pour beaucoup d'hôteliers attirés au départ par les 3% de commission (sauf que cette commission a été revue à 15%), la mise en ligne de tarifs spécifiques à AirBnB a été d'une très grande complexité pour un retour assez mitigé. En simplifiant son système de commission, AirBnB s'ouvre donc la porte d'un inventaire hôtelier plus vaste ...

Donc, comme expliqué sur son site, "les frais uniquement pour l'hôte varient généralement entre 14 à 16 % et sont obligatoires pour les hôtels et certains autres hôtes. Les hôtes Airbnb Plus et les hôtes qui appliquent des conditions d'annulation très strictes peuvent payer plus". La généralisation semble désormais en marche.

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Pour AirBnB, l'argument majeur repose sur la "relation-client": selon la plateforme mondiale - et c'est encore plus vrai en cette ère-post-covid - le client veut une transparence totale sur tout; à commencer par les prix. À l'heure où de nombreux hébergeurs sont présents et sur AirBnB et sur Booking, de nombreux écarts de prix apparaissent pour une même propriété entre les deux portails. Cette différence tient, la plupart du temps, à la difficulté des propriétaires à gérer des envois de tarifs selon des modalités différentes de calcul et de paiement de la commission.

Dans certains cas, certaines locations de vacances étaient moins chères (pour la même date) sur Booking.com ... Dans d'autres cas, c'était l'inverse; ce qui a le pouvoir d'irriter fortement le consommateur et d'anéantir la confiance qu'ils portent sur ses portails.

Si le guest a tout à y gagner en transparence, le plus compliqué sera désormais de convaincre les hosts (ou propriétaires) à passer sur ce modèle (qui a aussi l'avantage de repositionner AirBnB face au modèle plus simple de HomeAway-Vrbo). Le calendrier de la plateforme est connu depuis longtemps (voir ci-dessous) mais il semble s'accélérer dans la perspective de l'introduction en bourse du champion de la location. Après une période de choc suite à la pandémie, AirBnB ne renonce à aucune de ses ambitions mais doit impérativement revoir sa façon (son modèle) pour y parvenir. Et il semble que le passage à une commission "unique" en soit le principal levier ...

Depuis quelques mois, selon les pays, AirBnB incite les hosts à passer à la commission unique en offrant une commission à 14% (au lieu de 15%) jusqu'au 31 décembre de cette année. À compter du 1er janvier prochain, la commission de 15% sera la règle (source : AirBnB).

Il y a fort à parier que ce changement de modèle (et l'introduction en bourse) occupe largement l'actualité d'AirBnB pour les prochaines semaines.

Ce nouveau modèle peut avoir des conséquences négatives à court terme:

  • les locations de vacances vont certainement ajuster leurs prix en ajoutant le coût de la commission; ce qui va artificiellement les rendre moins compétitives sur le plan tarifaire (à première vue et même si cela ne change rien à ce qu'aurait déboursé le client). Cette situation pourrait profiter aux maisons d'hôtes et aux hôtels (dont les prix "tout compris") vont apparaître, à l'inverse, plus compétitifs,
  • AirBnB risque de voir un certain nombre de propriétaires quitter sa plateforme car, en intégrant la commission dans le prix perçu par le host, certains risquent de voir leur revenu (fiscal) artificiellement augmenter et donc, atteindre certains seuils dont quelques propriétaires se passeraient bien ... Auparavant, seul 88% du prix était enregistré (puisque les frais de dossiers étaient payés à AirBnB) alors que, désormais, 100% du prix sera imputé au propriétaire qui ne pourra pas forcément défalquer les 15% de commission de son revenu fiscal (selon son régime),

Ce changement de modèle risque aussi de faire des heureux dans les stations touristiques où, du coup, certaines agences immobilières (ou des gestionnaires de propriétés) vont voir leur modèle économique redevenir compétitif: au lieu des 14 ou 15% prélevés par AirBnB ou Booking, ces derniers ne proposent de facturer que 7 à 8% de commission; ce qui pourrait faire revenir un certain nombre de propriétaires au bercail".

Derrière ce changement de modèle dont la généralisation semble inévitable, AirBnB joue aussi une partie de son avenir. La compétition se joue clairement entre elle et "Booking + Expedia". L'enjeu des trois acteurs est similaire : avoir un inventaire toujours plus important et afficher des prix (comparables) et toujours plus compétitifs pour réaliser leurs chiffres d'affaires. Rien d'anormal donc, si ce n'est que la migration d'un modèle vers l'autre en pleine crise post-covid reste une manoeuvre encore plus délicate à mener ...