Des vacanciers européens ... finalement ?
Effective depuis ce dimanche, la décision de l'Europe de prolonger les restrictions de déplacements entre les pays de l'UE jusqu'au 15 juin, au moins sera-t-elle renouvelée au-delà ? Ou bien, passé cette date, sera-t-il peut-être possible de rouvrir les frontières intérieures, libérant, de ce fait, des millions d'européens à l'assaut de leurs destinations favorites ?...
Après le 17 mars, c'est la 2ème fois que l'Europe prolonge cette interdiction qui s'étend désormais à un total de 30 pays, en comptant la Bulgarie, la Croatie, Chypre et la Roumanie mais aussi la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein. Dans cette immense zone, ne sont donc autorisés que les déplacements impérieux entre les états s'agissant, notamment, des ressortissants européens (les non-européens "coincés" en Europe ne peuvent pas aller d'un pays à l'autre) et de leur famille, résidents de longue date, diplomates, personnel soignant, chercheurs, transfrontaliers ... Pour les européens, soucieux de partir en vacances hors de leur pays, mais toujours entre les murs de l'Europe, ce n'est donc toujours pas possible... Quant à partir hors d'Europe en vacances ou recevoir des vacanciers hors UE, cela est particulièrement prohibé ... et devrait le rester jusqu'à la fin du mois de septembre, au moins.
Chance ou risque ?
La question des déplacements touristiques intra-européens reste donc largement suspendue et peu osent s'aventurer à donner un début de réponse:
- les dirigeants des états et de l'Europe vont scruter avec attention la manière dont l'épidémie va se stabiliser, reprendre timidement ou s'embraser à nouveau au fur et à mesure des déconfinements nationaux. Selon les cas, cela devrait inciter à rouvrir les frontières cet été ou, au contraire, à confiner les européens dans leur propre pays ... Les signes (inquiétants) de reprise en Allemagne où un déconfinement progressif est en action depuis deux semaines appellent à une très grande prudence ...
- les dirigeants européens savent que le tourisme est un formidable moteur pour la croissance de ses pays (Thierry Breton a rappelé qu'il pesait 10% du PIB de l'Europe) et donc, dès lors, "sauver la saison d'été reviendrait à sauver une partie de l'économie européenne ..." mais, à quel prix sur le plan de la santé ?
- une ouverture "progressive" (comme l'indiquent les dirigeants européens) signifierait quoi, dès lors, dans ce contexte ? Certains pays ouvriraient leurs frontières et pas d'autres ? Quelques portions de la population des pays concernés seraient autorisées à partir et pas d'autres et selon quels critères ?.. En Allemagne, par exemple, selon la reprise de certains foyers épidémiques, certains landers n'autoriseraient pas leurs habitants à quitter leur région et donc leur pays ?..
- par ailleurs, comment ouvrir les frontières "intérieures" si, dans le même temps, les pays bloquent toujours les déplacements intra-nationaux ? Difficile d'admettre bloquer un nantais de se rendre passer ses vacances à Biarritz si, dans le même temps, un allemand est autorisé à se dorer la pilule à la Grande Motte ... De ce côté-là, pas de réponse avant début juin et lors de la fameuse "clause de revoyure" où le gouvernement dira si la règle des "100 Kms à vol d'oiseau est maitenue ou amendée".
Dans les cas, la question reste très délicate car des pays, comme l'Espagne par exmeple, n'entendent pas envoyer leurs ressortissants hors de leurs frontières nationales et encore moins de recevoir d'autres européens chez soi. Dans la péninsule ibérique, par exemple, les frontières avec la France et le Portugal devraient rester fermées jusqu'en septembre.
Il est quand même difficile d'imaginer des départements "en rouge" traversés par des convois de nord-européens passant devant des populations partiellement confinées dans leur propre territoire ...
Car le souci se pose particulièrement pour la France qui est un haut lieu de passage entre l'Europe du Nord et celle du sud et un espace hautement attractif avec ses 7.700 kilomètres de côtes.
Cela signifie que si les allemands, les belges et les européens du nord étaient autorisés à partir en vacances hors de leur pays, les plages de la Méditerranée pourraient rapidement être saturées; les vacanciers nord-européens habitués des Baléares et de la Costa Brava ou encore du Pays Basque (pour l'autre côté des Pyérénes) s'arrêtant à la frontière au grand bonheur des établissements touristiques de ces zones. Mais, par les temps de déconfinement et de contraintes liées aux brassages dans les espaces publics, cette éventualité représente-t-elle une chance (économique) ou un risque (sanitaire) ?
La progressivité reste le maître-mot ... mais il va falloir l'expliquer
Pour le commissaire à l'Intérieur (de l'Europe), la suédoise Ylva Johansson: "La levée des restrictions de voyage doit être progressive ...” et, selon la communication qu'elle a eue avec ses homologues nationaux, "il faudra d'abord rétablir la libre circulation dans l'espace Schengen avant d’ouvrir l’UE à l’étranger. Rétablir le fonctionnement normal de la libre circulation au sein de l’espace Schengen sera notre premier objectif dès que la situation sanitaire le permettra".
Cette progressivité sera déterminée selon des critères épidémiologiques précis (certainement, proches de ceux qui fixent les couleurs vertes et rouges en France) et "sur la base d’une stratégie et de protocoles communs aux pays partenaires"; ce qui est loin de faire l'unanimité car, en la matière, la philosophie de l'Espagne, par exemple, est très éloignée de celle des pays nord européens (qui ont été moins impactés et souhaitent que leurs ressortissants puissent partir librement en vacances hors de leur pays).
A ce jour, 13 pays de l’UE – dont l’Espagne – et deux autres partenaires de l’espace Schengen gardent toujours leurs frontières intérieures fermées.