AirBnB investit les villages français

En septembre, AirBnB offre la 1ère nuit à tous les clients qui décident d'aller séjourner - cet automne - dans une sélection de 13 villages français ! Le géant californien investit le rural à dessein ...

"Afin de prouver que le dépaysement et la déconnection ne sont pas toujours synonymes de vol long-courrier, les hôtes français sur Airbnb ont sélectionné 13 villages, un pour chaque région de métropole, illustrant la beauté et la diversité de notre territoire. Et la bonne nouvelle, c’est que la première nuit y sera offerte." C'est en ces termes que AirBnB présente son opération "1ère nuit" (voir le site dédié) qui se déroulera du 25 septembre au 16 octobre prochain: muni d'un coupon de 150€ offert par AirBnB, les guests pourront donc partir à moindre frais à la découverte de :

  • Bennwhir, Grand Est
  • Mallièvre, Pays de la Loire
  • Clairvaux les Lacs, Bourgogne-Franche-Comté
  • Civray de Touraine, Centre-Val de Loire
  • Mialet, Occitanie
  • Vezac, Nouvelle-Aquitaine
  • Quinson, Provence-Alpes-Côte d’Azur
  • Alba-la-Romaine, Auvergne-Rhône-Alpes
  • Fozzano, Corse
  • Barbizon, Île-de-France
  • Audresselles, Hauts-de-France
  • Varengeville sur mer, Normandie
  • Plogoff, Bretagne

Cette opération n'est pas anodine car elle démontre l'appétit croissant du géant californien pour le "rural français" où les élus - à la différence des villes - font un meilleur accueil à la plateforme. Dans les campagnes françaises, donc, pas de souci de sur-tourisme ni de traitement des taxes qui sont pris plus au sérieux par les élus des grandes métropoles.

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D'autre part, ==AirBnB capitalise désormais sur le vide laissé dans le monde rural par certains réseaux jusque-là spécialisés dans les locations de vacances. Ces réseaux ont perdu une grande part de leur influence ces dernières années et de nombreux propriétaires les ont quittés pour se distribuer par eux-mêmes. Et, sous les coups de boutoir d'AirBnB, de nombreux propriétaires s'apprêtent ainsi à rejoindre par eux-même le réseau mondial qui ne facture ni cotisation, ni technologie, ni forte commission (car, sur AirBnB, le propriétaire ne paie que 3% de commission; la part du lion étant payée par le guest).

Avec ce genre d'opération et la puissance de feu associée à AirBnB, les villages concernés vont certainement communiquer sur le fait qu'avec des partenaires puissants, il est désormais possible de remplir les lits, les maisons et les campagnes ... y compris en septembre ! Ce que, manifestement, les réseaux traditionnels ne parvenaient quasiment plus à faire.

Ce genre d'opération n'est pas que du marketing : en agissant ainsi, AirBnB procède par sondages. La plateforme évalue son impact sur le rural et ses marges de manoeuvre (qui y restent immenses ...). Elle va aussi y déceler de futurs alliés chez les concierges ou encore les centrales de réservation locales qui se désolidarisent de plus en plus des stratégies nationales de leurs labels pour mettre en oeuvre des stratégies qui leur sont propres en lien direct ou non avec les OTAs. Là aussi, les plus entreprenantes de ces centrales obtiennent des résultats plus qu'encourageants et elles démontrent, en faisant évoluer leurs services (comme de gérer le multi-canal pour les propriétaires qui ne veulent pas le faire par eux-mêmes) qu'elles ont encore un fort potentiel de valeur ajoutée vis-à-vis de ceux qui leur donnent des mandats (de gestion et de location).

Les campagnes et les villages français deviennent donc ouvertement le nouveau terrain de jeu d'AirBnB qui - s'il y reproduit les mêmes pénétrations que dans les grandes métropoles - dispose à ses pieds d'un marché colossal. Sur place (c'est-à-dire, dans les campagnes), la façon d'accueillir la plateforme est souvent divisée: plebisictée par certains élus et décideurs, elle est souvent rejetée par d'autres qui y voient là une expansion potentiellement dangereuse ...

D'autres acteurs - comme HomeAway et Expedia - s'intéressent de près au rural mais en s'appuyant sur des réseaux et de labels et en vérrouillant des accords commerciaux avec les marques rurales. Un verrouillage trop marqué au goût de certains propriétaires qui entendent disposer d'une plus grande autonomie dans leur stratégie de distribution...

Le dernier mot de la distribution revient toujours, en effet, au propriétaire de la location de vacances qui, sous les coups de ce genre d'initiatives que lance AirBnB, est prêt à confier la location de son bien au "plus offrant" ou au "plus méritant"; c'est-à-dire, en somme, à celui qui lui apportera le plus de réservations et donc, de revenus.

Avec son opération "1ère Nuit", AirBnB met la main au porte-monnaie en offrant 150€ sur le prix d'un séjour en zone rurale; un bon investissement, en somme, pour faire le buzz et attirer à lui de nouveaux propriétaires en prévision de l'été prochain.

Localement, la résistance (ou la collaboration) s'organise dans les réseaux et les centrales de réservation qui, jusque là, maîtrisaient une bonne partie du marché de la location de vacances. Toutefois, les répliques ne seront pas d'égales efficacité d'une région rurale à l'autre. Il y a même fort à parier que ce genre d'initiatives parvienne à disloquer l'unité (déjà entamée) de certains réseaux nationaux qui semblent bien dépassés désormais par tous ces enjeux...