Loueurs des villes et loueurs des champs

En quelques trimestres seulement, les loueurs sont devenus la cible des autorités et des syndicats professionnels du tourisme. Soumis à de fortes régulations (immatriculation, limitation à 120 jours, etc ...) que ce soit en France ou dans le reste du monde, les loueurs n'ont pas tous le même profil et les mêmes comportements selon qu'ils sont basés dans les villes ou dans les zones rurales...

A l'échelle européenne, les loueurs de meublés ne sont pas seulement les cibles de toutes les "attentions" institutionnelles et réglementaires. Ils sont aussi les sujets d'observations avancées à des fins statistiques. Au-delà de la connaissance de ces "specimens", les promoteurs de ces études veulent savoir qu'elle sera leur trajectoire économique. En clair, ont-ils atteint leurs limites commerciales ou vont-ils continuer de croître et - selon leurs opposants - de déstabiliser le marché ?

Parmi les observations les plus récentes, il apparaît que les "loueurs" n'ont pas le même profil selon qu'ils exercent en ville ou en zone rurale. Leurs marchés respectifs n'ont pas la même "maturité" non plus.

Un marché rural plus mature mais moins dynamique

Par exemple, selon les observations réalisées sur les différents marchés et les portails qui les adressent, le marché "rural" apparaît plus mature (12 ans en moyenne pour ce qui est observé en ligne) contre 6 ans pour le marché "urbain". Sous l'effet de plateformes comme AirBnB ou Booking, de nombreux propriétaires situés en zones urbaines ont vu l'intérêt de se distribuer en ligne et, de fait, de venir concurrencer l'offre hôtelière urbaine jusque là épargnée. Le marché "urbain" a donc été largement déstabilisé par cette nouvelle concurrence ... et pour longtemps encore compte tenu, donc, de son jeune âge. D'où les pressions régulières des syndicats hôteliers pour que la "régulation" face son oeuvre d'endiguement.


Dans les villes d'Europe, à l'image des USA, le dynamisme des propriétaires est porté par leur distribution en mode multi-canal".

Si les ruraux - historiquement plus présents sur le marché du fait d'une tradition plutôt touristique (là où les propriétaires urbains ciblent aussi la clientèle "affaires"), ils sont aussi moins dynamiques sur le marché. Par exemple, il apparaît que leur taux de croissance ne serait "que" de 33% contre 88% pour les performances observées sur les loueurs situés en zones urbaines. Assis sur leurs lauriers ? Mal formés ou accompagnés à relever les nouveaux défis du tourisme en ligne ? Les propriétaires situés en zones rurales souffrent d'un essoufflement évident auquel il leur sera difficile de remédier sans accompagnement, regroupements, actions collectives ... Mais il leur faudra aussi relever les enjeux de la distribution multi-canal comme nous allons le voir maintenant.

Moins connectés en zone rurale qu'en ville

A l'échelle européenne, les propriétaires situés en zones rurales (qui se distribuent en ligne) ne sont que 57% à se distribuer en mode multi-canal (c'est-à-dire sur leur site, celui de leurs partenaires locaux et les OTAs comme Booking, Expedia, AirBnB, etc ...). En ville, les propriétaires sont multi-distribués à 83% ! Ceci explique cela ? Il semble que l'une des clés du dynamisme des propriétaires urbains repose aussi sur cette capacité à se multi-distribuer et à réagir rapidement aux à-coups du marché.

Moins réactifs en termes de prix

Fixer ses prix en "mode agile" en fonction du marché (pression ou non), de la météo (mauvais départ de saison ou non), de la concurrence, etc ... est l'une des qualités premières des loueurs sités en zones urbaines. Selon William Gibson: "1 propriétaire sur 3 en zone urbaine ajuste ses prix quotidiennement tandis que cela n'arrive qu'à 1 propriétaire sur 5 en zone rurale ...". Cela veut dire quoi ? Soit en raison de leur âge (voir plus haut), soit en raison de leur faiblesse à s'équiper pour affronter les défis du digital, les propriétaires situés en zone rurale sont moins réactifs aux à-coups du marché et ne font donc pas suffisamment varier leurs prix (à la hausse ou à la baisse) en fonction de ce qui se passe autour d'eux. Et le résultat est frappant : 33% de croissance en moyenne sur ces marchés en Europe contre 88% pour les propriétaires situés en zones urbaines.


En zone rurale, ce genre de tarification figée (et à electroencephalogramme plat) est encore très populaire ... mais uniquement chez les propriétaires. Les clients attendent des tarifs en temps réel et adaptés à la situation du marché. D'où la baisse régulière de ce marché ...

Dans la même idée, inutile d'évoquer les autres aspects de la vente en ligne "moderne" comme l'achat ou la consultation de données concurrencielles (quels propriétaires ou quelles zones pratiquent quels prix ...) pour mieux fixer ses propres tarifs. Moins de 11% des propriétaires y ont eu recours au premier semestre 2018. En zone rurale, le retard semble donc s'accumuler depuis très longtemps et les réactions semblent longues à venir.

En zone maritime, peut mieux faire !

En Europe, les propriétaires (vendus en ligne) situés en zones urbaines représentent désormais 54% des "parcs" de chaque pays. S'ils sont 20% en zones rurales, ils sont 26% en zone maritime où les comportements sont plutôt proches des zones rurales qu'urbaines: les retards semblent donc s'accumuler en terme de distribution en ligne où les propriétaires continuent de privilégier la diffusion (gratuite) d'annonces sur les portails comme LeBonCoin au détriment d'une distribution plus fluide et performante sur les OTAs.

En conclusion

Le marché de la location de vacances - qui concurrence de plus en plus l'hôtellerie classique et les maisons d'hôtes traditionnelles dans les villes - n'en est qu'à ses balbutiements et il faut s'attendre à une plus forte croissance - en secteur urbain - dans les prochains trimestres, sauf un resserrement drastique des réglementations. En zone rurale, en revanche, les retards s'accumulent et sont autant d'opportunités pour les hôteliers et les propriétaires de maisons d'hôtes de sur-investir l'univers digital pour exister, s'imposer et devenir les offres les plus visibles et réservables de leur destination.