HomeAway veut se payer sur les réservations "hors plateforme"
Nous l'annoncions il y a déjà 2 ans, HomeAway élimine progressivement les annonces payantes pour ne mettre en avant que les biens réservables en temps réel. Cette stratégie s'accélère de semestre en semestre et le dernier coup de semonce a fait frémir plus d'un propriétaire. Il serait aussi question de prélever des commissions sur les réservations réalisées hors HomeAway ...
On l'a indiqué à plusieurs reprises, les grands acteurs comme HomeAway et AirBnB ne veulent - à terme - que proposer des adresses uniquement réservables en ligne et donc, ne se payer qu'avec une commission (8%); un modèle qui a fait le succès de Booking et d'Expedia dont les résultats sont exponentiels.
Un modèle économique qui change et des dérapages
HomeAway a engagé une stratégie déterminée à décourager les propriétaires à rester sur le modèle de la simple annonce :
- depuis le 14 décembre dernier, ses abonnements pour diffuser une annonce ont connu une augmentation signficative,
- et, depuis quelques mois, les simples annonces sont reléguées en fin de liste de résultats pour laisser les meilleures places aux propriétaires qui jouent le jeu de la réservation en temps réel.
Pour autant, cela n'est qu'une étape car, qui dit paiement à la commission, suppose que le système soit bien rodé et que les pros n'échappent pas massivement à la commission comme certains voudraient échapper à l'impôt.
Devant l'augmentation des commissions perdues (parce que les propriétaires détournent les clients; voir plus bas), au 15 mars prochain, les nouveaux contrats de HomeAway appliqueront une clause nouvelle : toute réservation enregistrée "hors plateforme" (cela veut dire hors du back-office de HomeAway) sera commissionnée à 10% au propriétaire. Et la proposition sera à prendre ou à laisser ... Autant dire que cette situation fait couler quelques sueurs froides chez certains.
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Le modèle "à l'annonce" a vécu
D'abord, pourquoi HomeAway (et ses copies locales partout dans le Monde) passe-t-elle du modèle de l'annonce payante à celui de la commission ?
- Dans un contexte de très forte concurrence entre les OTAs et les sites d'annonces, générer de l'audience coûte de plus en plus cher (notamment en achats de mots clés sur Google et d'annonces sur les réseaux sociaux): le modèle économique "à l'annonce" ne permet pas, à terme, de financer cette surenchère de coût d'acquisition de trafic. Il y a de plus en plus de portails et de concurrence et cela fait monter la valeur d'achat des mots clés au grand bonheur de Google. Les OTAs anticipent donc cette évolution : acheter moins de trafic mais transformer plus de clients une fois arrivés sur leur site et donc, se rémunérer sur leur capacité à transformer le visiteur en acheteur. Il n'en fallait pas plus pour adopter le modèle de la commission.
- Les voyageurs n'aiment pas les (simples) annonces : c'est frustrant ! Une fiche, quelques photos, un planning de disponibilité ... et puis, un formulaire pour poser ses questions, demander des prix, poser une option ... Pas de réponse en temps réel, un processus ultra-obsolète qui fait déserter les clients vers AirBnB ou Booking qui propose 100% de son inventaire en temps réel ! Les réservations à la "papa-maman", la grille de tarif par saison et le formulaire auquel personne ne répond, c'est bel et bien terminé dans l'esprit du consommateur !
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En clair, pour des sites comme HomeAway, "ne pas convertir" ses visiteurs en acheteurs condamne le portail à voir ses revenus d'annonces baisser à moyen terme : des propriétaires mécontents de ne pas recevoir autant de réservations ou de coups de fil qu'avant, des utilisateurs frustrés qui vont voir ailleurs ... Il était donc urgent de passer à la réservation en temps réel mais c'était sans compter sur la résistance des propriétaires.
HomeAway veut encadrer les "resquilleurs"
Passer d'un modèle où le propriétaire paie son annonce et rien de plus à un modèle où ce dernier vous abandonne une commission de 8% n'est déjà pas simple. Mais s'assurer que tous les propriétaires jouent le jeu est encore plus compliqué ...
La tentation est grande, en effet, pour les propriétaires de tout faire pour minimiser le montant des commissions payées. Et à ce jeu-là, toutes les méthodes sont bonnes ... comme celle qui consiste à appeler le "locataire" et lui proposer de réserver en direct sans passer par HomeAway.
Les OTAs comme Booking ont bien connu ce phénomène et l'ont réglé :
- un client faisait une réservation sur Booking,
- l'hôtel la recevait sur son back-office,
- il appelait aussitôt le client ou lui adressait un mail pour lui proposer d'annuler sa réservation sur Booking et lui payer en direct moyennant une remise (en général, la valeur de la moitié de la commission),
Booking a rapidement flairé "le coup" et a pris une mesure radicale: ne plus communiquer le mail du client aux hôtels... le fameux mail guestbooking.
C'est ce qu'a découvert HomeAway: "Un de nos managers a voulu réserver un appartement en passant par notre plateforme et aussitôt ce dernier a été contacté par son propriétaire pour réserver en direct ..." témoigne Jeff Hurst, le directeur commercial de HomeAway pour le Monde.
Pour l'un des top managers de HomeAway: "Nous savons quand un voyageur trouve une location après être passé sur l'un de nos sites. Si nous sommes à l'origine de cette réservation, il est normal que le propriétaire nous paie pour ce service même si la réservation en tant que telle n'est pas passée par notre site. Nous sommes conscients que nous créons de la valeur pour nos annonceurs et nous voulons être payés pour cela ..."
Cette déclaration a inquiété plus d'une organisation de propriétaires et d'importantes agences immobilières (qui envoient des centaines de biens sur les sites d'HomeAway): "Comment peuvent-ils savoir qu'un client est venu chez nous réserver en direct après que nous l'ayons détourné ? Soit ils nous espionnent, soit ils ont des systèmes de contrôle hyper élaborés et là on peut s'interroger sur la confidentialité de nos business ..." s'inquiète le manage d'un important réseau d'agences de locations saisonnières.
En fait, pour les opposants à HomeAway, il y aurait un début de réponse : les particuliers et les agences qui utilisent son logiciel HomeAway Software ignoraient peut-être que leurs données de réservations pouvaient été analysées malgré eux. Il semble d'ailleurs que le logiciel ait dû apporter quelques éclaircissements à ce sujet (lire notre article). De son côté, HomeAway a démenti toute exploitation illégale de ces bases de données : "HomeAway n'a aucune stratégie de consultation des données des propriétaires à leur insu pour leur facturer des commissions supplémentaires ..."
La situation reste toutefois un peu opaque et les explications sont un "un peu courtes" du goût de certains gros loueurs; ce qui a obligé HomeAway à adoucir son propos.
"Nous n'allons pas facturer unilatéralement des commissions sur des réservations hors-plateforme: ce n'est pas notre intention, affirme Jeff Hurst. Non, nous laissons aux propriétaires et aux gestionnaires de propriété la liberté de nous indiquer quelles réservations supplémentaires ils nous attribuent ..." Avouons que cela risque d'entraîner pas mal de discussions dans le futur ...
Avec ces nouvelles mesures - et certainement, d'autres qui suivront - la mutation de HomeAway d'un modèle à l'annonce à celui de la commission risque de connaître quelques heurts. Mais l'enjeu est trop important - vital, même - pour ce type de plateforme pour qu'elle fasse marche arrière. Plus vite que prévu, les propriétaires auront donc l'obligation de se mettre au rythme de la réservation instantanée et des nouvelles relations qu'elle entraîne avec les diffuseurs sur le paiement des commissions, le véritable nerf de la guerre !
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