AirBnB et la Ville de Paris au corps à corps
Les lecteurs de notre blog le voyaient venir depuis quelques semaines: rien ne va plus entre AirBnB et la Ville de Paris. Depuis hier, la Ville est montée d'un cran en matière de menaces et commence à produire un buzz dont AirBnB se serait bien passée. La Ville menace AirBnB d'une action en justice pour faire retirer de son "inventaire" plus de 40.000 annonces qu'elle juge "illégales" (pour information, AirBnB compte 50.000 annonces sur la capitale). Pour autant, les plateformes ne risquent pas grand chose pour l'heure ... La raison ? Le décret d'application fixant les sanctions pécuniaires attend toujours sa sortie depuis un an ...
Mais qu'est-ce qu'une "annonce illégale" ? Pour la Ville de Paris, il s'agit d'une annonce portant sur un bien qui n'a pas été déclaré en mairie comme la loi l'impose désormais. En effet, depuis le 1er décembre dernier, un propriétaire qui veut louer son bien sur une plateforme comme AirBnB doit d'abord obtenir un numéro d'enregistrement en mairie. Et, la plateforme qui veut diffuser l'annonce de ce bien, a l'obligation d'afficher ce numéro sur son annonce. Pour la Ville de Paris, moins d'un millier de propriétaires ont fait cette démarche; pour les autres, numéro ou pas, AirBnB (et ses confrères Abritel, Windu, ParisAttitude et Sejourning) continue de diffuser leur annonce.
Pour la Ville de Paris, toutes les annonces (qui relèvent d'un bien non déclaré) sont donc illégales et, depuis cet été, de nombreuses infractions ont été relevées et verbalisées par l'équipe mise en place au sein de l'Hôtel de Ville.
Enclencher un bras de fer juridique reste sa seul option même s les plateformes ne craignent pas grand chose : en effet, le décret d'application fixant les sanctions pécuniaires en cas d'irrespect de la loi, n'est toujours pas paru un an après le vote de la loi ...
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Pour Ian BROSSAT, adjoint au maire en charge du logement : "Certains propriétaires ont déjà été condamnés, mais je pense que la clef pour régler ce problème, c’est d’engager la responsabilité des plateformes. On ne peut pas continuer avec cette impunité qui permet aux plateformes de se faire énormément d’argent avec des annonces illégales."
Les relations entre la Ville et les plateformes tournent donc à la guerre froide après un été particulièrement agité où plateformes et autorités publiques ont fait valoir leurs arguments à grands coups de communiqués ou de publicités.
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De son côté, AirBnB investit beaucoup d'argent dans la presse ces dernières semaines pour mettre en avant "ses loueurs" et montrer qu'il ne s'agit pas des affreux fraudeurs que les villes voudraient bien stigmatiser: à l'image de retraités affirmant "arrondir leurs fins de mois" ou de jeunes couples indiquant "vouloir faire vivre leur quartier", AirBnB veut donner une image positive, presque citoyenne, à travers laquelle elle tente de véhiculer le message selon lequel "AirBnB permet aux propriétaires français de mieux vivre" et que "c'est bon pour la France" !
Reste que le combat risque aussi de se déplacer sur le cas des "120 jours" : la loi interdit de louer un appartement plus de 120 jours par an et place les plateformes en première ligne pour la faire respecter. Mais, là aussi, les moyens législatifs et humains risquent de marquer le pas et de laisser béante une brèche dans laquelle de nombreux loueurs vont s'engager.
Ce combat qui s'intensifie montre bien la détermination des pouvoirs publics à "encadrer" le phénomène des plateformes de location et il semble évident que les élus iront jusqu'au bout. De leur côté, les plateformes les plus fragiles risquent de s'épuiser dans ces combats (tout le monde n'a pas les reins aussi solides que AirBnB ...) et cela, au final, renforcera la suprématie du géant californien ... qui finira par s'accomoder de la situation, une fois tous les recours épuisés.
Selon Le Parisien et Le Monde qui se sont intéressés au phénomène ces derniers mois, cela ne fait aucun doute qu'une grande partie des propriétaires loueurs sur Paris sont avant tout des multi-propriétaires, c'est-à-dire louant plus de 1 appartement et plus de 120 jours par an. Et c'est avant tout ce phénomène contre lequel veulent lutter les pouvoirs publics.