La stratégie de réservation directe des chaînes hôtelières leur donne de nouvelles espérances

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Derrière les grandes chaînes comme Hilton ou Marriott, la planète entière regorge de chaînes plus ou moins importantes qui se posent aujourd'hui la question de leur avenir ... Face à des OTAs qui s'imposent dans la distribution des hôtels - et apportent d'important volumes de réservations à leurs "membres" - ont-elles encore les moyens de justifier durablement leur valeur ajoutée ? Et pourtant, ces derniers jours, elles peuvent avoir quelques raisons d'espérer ...

Les derniers résultats financiers d'Expedia (4ème trimestre 2017) pourraient mettre du baume au coeur des patrons de chaînes hôtelières: pour la première fois de son histoire, le rival de Booking a déploré une baisse de 4% de ses revenus issus des réservations d'hôtels. Une baisse qui s'explique par le ralentissement du nombre de nuitées vendues (+15% en 2017 contre +23% au 4ème trimestre 2016). Du jamais vu ! Dans le même temps, HomeAway (sa filiale spécialisée dans les locations de vacances) enregistrait une croissance supérieure à 30% ... Comme quoi, tout n'est pas inquiétant dans l'univers Expedia.

Une stratégie qui porte ses fruits pour les chaînes

Avec ces contre-performances dans l'hôtellerie, il n'en fallait pas plus pour que certains analystes - validés en cela, du bout des lèvres, par les managers d'Expedia lors de la présentation des comptes trimestriels - voient dans ses résultats la conséquence des campagnes TV de réservation directe lancées par les grandes chaînes hôtelières américaines, Hilton en tête, avec sa fameuse "Stop Click Around" ou "Arrêtez de résever ailleurs, venez plutôt directement réserver chez nous ..." (C'est là qu'on se dit que les américains ont l'art et la manière de faire simple ...)

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Pour Mark Okerstrom, le big boss d'Expedia, les chaînes hôtelières et leur stratégie de réservation directe ont eu un impact évident sur ses résultats mais, selon lui, cet impact resterait mineur.

Car, Expedia a vu le vent venir et a pris des mesures concrètes pour affronter ces campagnes de réservation directe. Par exemple, désormais, ses pages de résultats font plutôt la part belle aux hôtels indépendants: les chaînes sont releguées "un peu plus loin" dans les listings.

Ce n'est pas seulement une "mesure de retorsion" comme le dénoncent certaines chaînes mais une stratégie plutôt financière. Pourquoi ? Tout simplement parce que les chaînes font gagner moins d'argent à Expedia dès lors qu'elles sont plus aptes que les hôtels indépendants à négocier des commissions inférieures.

Normal, dès lors, que les hôtels indépendants soient propulsés vers les hauts de résultats car, à prix équivalent pour une nuitée, ils rapportent plus qu'un Hilton ou un Marriott ...

Une cible commune : haro sur les hôtels indépendants !

Ces dernières années, les hôtels indépendants sont devenus une cible de choix pour les OTAs. Aux Etats-Unis, leur plus gros marché, 70% des hôtels exploitent sous une ou plusieurs marques de chaînes. Dans ce pays, un OTA souffre donc plus qu'ailleurs puisqu'il affronte de plein fouet la riposte des chaînes hôtelières.

Mais ce n'est pas le cas dans les autres pays de la planète où la part des hôtels indépendants est l'égal inverse de ce qui se passe aux US: en France, en Espagne, en Italie... les hôteliers indépendants sont ultra-majoritaires (70% et plus).

Dans ces secteurs, ces établissements sont devenus une cible de choix pour les OTAs: comme on l'a vu plus haut, les hôteliers indépendants rapportent plus que les hôtels de chaînes.

Par ailleurs, ils sont "dragués" par d'autres nouveaux acteurs comme AirBnB qui a décidé de compléter son inventaire en ouvrant ses pages aux hôtels indépendants contre 3% de commission ... là où un OTA facture généralement de 15 à 17% de commission ... et plus.

Un temps d'ailleurs, une chaîne comme Accor avait même ouvert son portail de réservation aux hôtels indépendants avant de se retirer sous la pression menaçante de ses franchisés.

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Une stratégie de chaîne répliquée ailleurs qu'aux US ?

Qu'elles soient aux US ou ailleurs, les chaînes hôtelières ont besoin de recruter un maximum d'hôteliers pour financer leurs frais fixes, se développer, investir dans de nouvelles technologies ou de nouvelles campagnes marketing, etc ...

Mais, par ces temps d'hyper-concurrence dans la distribution en ligne, la question à laquelle elles sont de plus en plus confrontées est : "Que m'apportez-vous de plus que Booking ou Expedia ? Pourquoi vous payer des frais supplémentaires si vous ne me démontrez pas que vous m'apportez un réel plus par rapport à eux ?.."

Pour les chaînes américaines, la stratégie de la réservation directe et de la fidélisation reste l'axe privilégié pour les prochaines années. Il faut dire que les premiers résultats (confirmés par ceux d'Expedia) valent toutes les plaquettes commerciales pour attirer des franchisés sous leurs enseignes. En clair, leur message commence à prospérer sur le thème:

  1. Notre stratégie de réservation directe marche !
  2. Si vous adhèrez à notre réseau, vous bénéficierez de nos résultats de réservation directe tout en payant des commissions plus basses chez les OTAs

Il n'en fallait pas plus pour que certaines chaînes retrouvent le sourire face au phénomène croissant d'affranchissement de leurs adhérents. Pour autant, toutes les chaînes n'ont pas les mêmes moyens que Hilton ou Marriott pour financer des campagnes puissantes de réservation directe. Par ailleurs, toutes n'ont pas non plus la taille critique pour lancer des programmes de fidélisation attractifs. Cela suppose qu'il y aura, tôt ou tard, des regroupements de "petites" chaînes entre elles pour consolider des réseaux de plus grande importance.

Pendant ce temps, les hôteliers indépendants "apprivoisent" à grandes vitesses leurs propres stratégies de réservation directe en mixant une partie de leurs ventes :

  • via leur propre site,
  • ceux des OTAs qu'ils négocient en direct,
  • de plus en plus via des sites comme AirBnB qui leur coûtent moins cher et les mettent en avant,
  • via des sites de chaînes ou de réseaux d'hôtels dont les modèles économiques sont en pleine mutation (baisse des coûts d'adhésion, allégement des contraintes en terme d'achats sous marque, liberté de se distribuer soi-même sur les OTAs sans passer par la centrale de la chaîne ...),
  • via leurs regroupements locaux (club hôtelier, office de tourisme ...)

Toutes ces évolutions se font à très grande vitesse et supposent une extrême agilité au sein des réseaux qui pilotent des marques hôtelières. Leurs métiers mutent vers "plus d'accompagnement des hôteliers", un "vrai coaching commercial et digital", des synergies souples sur le plan de la marque et de la fidélisation.

Les chaînes ne sont pas mortes - même si certaines sont très menacées - et les derniers résultats annoncés par Expedia prouvent qu'il existe des stratégies qui fonctionnent. Toutefois, seules les chaînes capables de se "retourner" dans des délais très courts pourront tirer avantage de la situation tant les délais - en matière de business digital - sont devenus extrêmement courts sinon inexistants.