La parité, c'est pas gagné !

La Commission européenne vient de publier les résultats des enquêtes menées par dix autorités nationales de la concurrence [1]. Leur objectif ? Evaluer les effets des mesures adoptées en Europe en matière de réservation en ligne et notamment de parité (tarifaire et stock). Il en ressort que peu d'hôtels, en fin de compte, profitent des libertés que leur accorde la loi et affichent sur leur site des prix similaires à ceux diffusés sur les OTAs.

16.000 hôteliers interrogés

Suite au rapport d'étape rendu par l'Autorité française de la concurrence en février dernier (voir notre article), c'est au tour de l'Europe de publier une étude plus large (10 pays) sur les pratiques des hôtels et des OTAs en matière de parité.

L'idée était de voir quelles conséquences (notamment positives pour les hôtels) pouvaient avoir les mesures prises par les OTAs en matière de parité. Ces derniers mois, en effet, sous la pression de certaines autorités nationales, les OTAs avaient "relâché" une partie de leur pression sur les contrats qui les lient aux hôtels; notamment en matière de parité stricte (sur les prix et les disponibilités). Mais l'étude démontre que les hôteliers ne profitent pas de cette situation plus favorable.

Le principe, voulu par les différents protagonistes (états, hôteliers et OTAs) est de donner plus de liberté commerciale et tarifaire aux hôtels. En novembre dernier, par exemple, un tribunal français interdisait toute pratique de parité tarifaire (voir notre article); une décision qui emboîtait le pas aux lois françaises mettant fin à ces pratiques et aux engagements pris par Booking dans sa charte des bonnes conduites vis-à-vis des hôteliers.

1 hôtel sur 3 affirme pratiquer des prix différents ... mais, cela ne se vérifie pas.

L'étude européenne a permis d'interroger ==16 000 hôtels, dont plus de 3 000 en France et 19 grandes chaînes hôtelières. Ont également été auditionnés 20 plateformes de réservation en ligne et 11 comparateurs de prix hôteliers. ==

D'après cette étude:

  • 47% des hôteliers ignoraient que les OTAs avaient globalement assoupli leurs règles de parité,
  • Cette proportion se réduit à 30% en France et en Allemagne où des lois encadrent ces assouplissements depuis 2014,
  • 79% des hôtels interrogés affirment ne pas pratiquer de prix différents entre leur propre site et celui des OTAs
  • 69% des hôtels interrogés affirment ne pas publier de disponibilités différentes sur leur site et celui des OTAs

L'un des éléments les plus intéressants de l'enquête est qu'en France et en Allemagne, 27% des hôteliers affirment pratiquer des prix différents et donc, meilleur marché sur leur site et ceux des OTAs. Or, la commission européenne a mandaté plusieurs experts pour vérifier ces dires. Pour cela, pendant une période donnée, les experts ont comparé les prix des hôtels (sur leur site) et sur ceux des OTAs ... et, en réalité, n'ont constaté aucune différence.

Un tiers des hôteliers craint des représailles

En clair, 1 hôtelier sur 3 seulement affirme pratiquer de meilleurs prix sur sur son site que sur un OTA mais, selon la communauté européenne, ces affirmations ne se vérifient pas dans les faits !

Cela voudrait dire que la plupart des hôteliers (y compris ceux qui déclarent faire le contraire) affichent sur les sites des OTAs les mêmes prix et les mêmes disponibilités que sur leur site.

Pour quelles raisons, alors que la loi et les contrats leur permettent, les hôteliers ne changent finalement rien aux pratiques qu'ils dénoncent ?

  • 53% affirment ne pas comprendre pourquoi ils devraient afficher des prix différents sur leur site et celui des OTAs,
  • 33% considèrent que leur contrat ne le permet pas,
  • 33% craignent des représailles de la part des OTAs,
  • 21% considèrent qu'il est difficile techniquement d'afficher des prix différents sur leur site et celui des OTAs,
  • 20% (ont-ils vraiment compris la question ?) ne veulent pas afficher de prix supérieurs sur leur site ...

La part des OTAs dépasse désormais 40%

Selon l'étude européenne, la moyenne des revenus générés par les OTAs pour chacun des 16.000 hôtels interrogés serait de l'ordre de 40% (contre 33% il y a 4 ans). Cela signifie que les hébergeurs européens continuent d'exposer leur dépendance commerciale au détriment de leurs réservations directes.

La fin de la parité "stricte" avait vocation à enrayer cette tendance et redonner de l'indépendance commerciale aux hôtels. Force est de constater qu'en France, notamment, après deux ans de réglementation pro-hôtels, ces derniers n'ont pas encore jugé utile de saisir la balle au bond.


  1. France, Belgique, République Tchèque, Allemagne, Hongrie, Irlande, Italie, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni ↩︎