Finies les parités de prix et d'inventaire !

Les clauses de parité tarifaire et de disponibilité sont la pomme de discorde entre hébergeurs et OTAs, notamment Booking. La semaine dernière, le tribunal de commerce de Paris y a mis un terme dans un jugement complet.

Pour la première chambre du tribunal de commerce de Paris - qui a rendu son jugement le 29 novembre - aucune parité tarifaire ou de disponibilité ne peut être imposée (par voie de contrat) entre un hôtel ou une maison d'hôtes et un site de vente en ligne.

En clair, rien n'interdit plus à un hôtel d'offrir de meilleurs prix sur son site et d'y proposer des chambres encore disponibles alors qu'elles ne le seraient plus sur les sites de réservation en ligne.

En l'occurrence, le site en question est Booking puisque c'est précisément contre le géant mondial de la réservation d'hôtels que le jugement a été rendu à la suite d'une action engagée par le ministère français des finances, en mars 2014.

1. La parité tarifaire, c'est fini

Pour l'Etat (et les syndicats hôteliers qui s'étaient liés à la procédure, le Synhorcat, la Fagiht, la CPIH, l'Umih et le GNC), les contrats imposés par Booking aux hôtels (et désormais, à d'autres types d'hébergeurs) limitent l'autonomie commerciale et économique de l'hôtelier en ne lui interdisant de pratiquer sur son site des prix plus avantageux que sur les portails de réservation en ligne où l'hôtel doit - en plus -s'acquitter de commissions très importantes.

Sur ce point d'ailleurs, la France a déjà pris pas mal d'avance en vue de "pacifier" la relation entre les hôteliers et les OTAs, notamment par le vote de la Loi Macron. Depuis, d'autres pays européens ont suivi la même voie comme l'Allemagne ou l'Italie (voir notre article à ce sujet).

D'autre part, Booking lui-même, prenant acte du vote de la Loi Macron et des actions judiciaires maintenues en l'état par ses opposants a publié, en mai dernier, une charte des bonnes pratiques dans laquelle le leader mondial prenait de sérieux engagements sur ses pratiques à venir.

Voir la charte complète publiée par Booking

2. Fini aussi, la parité de stocks

L'une des clauses âprement combattue par les hôteliers porte aussi sur la parité de stock qui imposait à l'hôtel de proposer des chambres disponibles à tout moment sur Booking et, de ne pas fermer ses ventes sur Booking s'il lui restait des chambres libres sur son propre site internet.

Le tribunal de commerce de Paris a jugé que cette clause était abusive et les a déclarées illégales.

Rappelons, toutefois, que dans ce cas aussi, en raison de la Loi Macron et d'un accord conclu entre Booking (et les autres OTAs) et l'autorité de la concurrence, cette clause a proprement disparu des nouveaux contrats signés par les OTAs en France.

Toutefois, de nombreux hôteliers adoptent des stratégies de "disparité" tarifaire en vue de récupérer plus de réservations directes :

3. Marketing et nom de l'hôtel

D'autres clauses ont été examinées par le tribunal, notamment celles relatives aux noms des clients transmis à l'hôtelier (et donc, leur propriété commerciale).

Cette clause, jugée interdite, a toutefois disparu des nouveaux contrats proposés par les OTAs. La question de la propriété commerciale des clients, elle, a été contournée par le fait que Booking n'envoie plus les coordonnées complètes des clients à l'hôtel en leur adressant, simplement, une adresse cryptée.

Ce point reste un grand sujet de protestation comme celui du "brand hijacking" (voir notre article à ce sujet) qui consiste à récupérer le nom de votre hôtel ou de votre maison d'hôtes dans les liens sponsorisés que l'OTA achète pour assurer sa promotion ... à votre place.

Sur ce sujet, toutefois, le tribunal a jugé que l'achat du nom commercial de votre établissement par un OTA (pour faire sa promotion) n'est pas un abus de droit.

4. Un classement lié aux commissions

Enfin, dernier grand point et non des moindres, le tribunal a considéré que le fait de classer les hôtels en fonction de la commission payée à Booking est illégal car le client est trompé sur la teneur du classement proposé.

En effet, plus un hôtel acceptera de payer une commission élevée, plus ce dernier sera placé haut dans les pages de résultats de l'OTA. Le client, lui, ne sachant absolument rien de cette pratique et croyant que les hôtels mis en avant le sont avant tout pour leur qualité ou leur rapport qualité-prix recommandé par l'OTA.

Sur ce point aussi, le tribunal a considéré que ce procédé pouvait, à la fois être trompeur pour le client, mais qu'il avait surtout un effet inflationniste sur le montant des commissions à payer à l'OTA.

En conclusion

Ce jugement vient confirmer le bienfondé des revendications exprimées ces dernières années par les hôteliers.

Il vient aussi appuyer la charte des bonnes pratiques mise en oeuvre par Booking et qui s'est traduite, depuis, par un "adoucissement" des clauses contractuelles qui lie l'OTA à ses partenaires hébergeurs.

C'est aussi pour cette raison que le tribunal n'a pas condamné Booking aux 2 Millions d'euros de dommages et intérêts réclamés par les plaignants et que Booking a été condamné principalement pour clauses abusives, contraires à l'article 442-6 du code de commerce. Les contrats qui seraient encore en vigueur avec ces clauses, bien que toujours opérants, sont donc partiellement considérés comportant des clauses réputées nulles.

Booking peut encore faire appel du jugement; tout comme les syndicats risquent de rester mobiliser sur les points non encore clairement tranchés de la cession de la propriété intellectuelle. Bien que toutes ces décisions ont la vertu d'aplanir les relations entre hôteliers et OTAs, les couteaux ne sont pas encore rangés ...